Pour faire accepter la non-panthéonisation de l'avocate, députée et infatigable défenseure des droits des femmes disparue le 28 juillet 2020, Emmanuel Macron avait annoncé qu'un hommage national lui serait rendu « début 2022 » aux Invalides. La promesse semble avoir été enterrée.
En signant nommément le manifeste des 343 déclarant avoir avorté en 1971 ou en défendant la fille et la mère Chevalier au retentissant procès de Bobigny en 1972, Gisèle Halimi a participé très activement au mouvement féministe qui a arraché le droit à l'avortement en 1975. Pour les féministes de la génération actuelle, elle est une icône. Depuis son décès il y a deux ans, le 28 juillet 2020, Gisèle Halimi est l'une de ces figures dont l'image est brandie lors des rassemblements du 8 mars, et dont les militantes font vivre l'héritage à travers de nombreux podcasts, livres et documentaires. Ces militantes ont très rapidement demandé après la disparition de l'avocate au verbe haut et à l'engagement acharné pour les droits des femmes qu'elle fasse son entrée au Panthéon, notamment via une pétition qui a récolté à l'heure actuelle plus de 35 000 signatures.
Dans leurs revendications, elles ont trouvé l'appui du rapport de l'historien Benjamin Stora qui, en janvier 2021, remettait au président sa copie sur « Les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d'Algérie ». Sollicité par l'Élysée pour tenter d'apaiser les fractures mémorielles sur le sujet, ce rapport préconise de « faire entrer au Panthéon l'avocate Gisèle Halimi, figure d'opposition à la guerre d'Algérie ». Mais c'est précisément là où le bas blesse.
Sujet épidermique
Lorsque, dès 1960, l'avocate choisit de défendre des militant·es indépendantistes algérien·nes dont Djamila Boupacha, une jeune femme accusée de tentative d’attentat à Alger en pleine guerre d’Algérie, torturée et violée par des soldats français, elle est conspuée par toute une frange de la population française. Et les critiques sont encore très vives aujourd'hui. Ainsi, dans la foulée de la publication du rapport Stora, une cinquantaine de femmes et de filles de Harkis publient une tribune dans Le Figaro pour s'élever « de manière unanime, forte et déterminée, contre la proposition émise par (l'historien) Benjamin Stora », écrivent une cinquantaine de signataires qui se décrivent comme « héritières de la mémoire meurtrie des Harkis ».
Le sujet est si épidermique que, le lendemain de l'annonce de la panthéonisation de Joséphine Baker le 22 août 2021, le président de la République tweete un message pour faire savoir qu'un « simple » hommage national serait rendu à Gisèle Halimi début 2022 : « Sa “farouche liberté”, elle l’utilisa pour libérer les autres. Par ses combats pour l’égalité, Gisèle Halimi changea et change encore la vie de millions de femmes. En accord avec sa famille, la Nation lui rendra hommage début 2022 aux Invalides. » Pour de nombreuses militantes féministes, sans le dire officiellement, la panthéonisation de Baker le 30 novembre 2021 a été une façon de clore le débat Halimi, façon « on ne va pas mettre au Panthéon plus d'une féministe par mandat ».
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Mais elles n'étaient pas au bout de leur déception. Le projet d'hommage national semble avoir été tout bonnement enterré. En décembre 2021, la famille de l'avocate racontait au Monde n'avoir pas souhaité que l'hommage soit rendu le 8 mars 2022, journée internationale des droits des femmes, en raison de la proximité des élections présidentielle et législatives. Le fils de Gisèle Halimi, l'avocat Jean-Yves Halimi, indiquait aussi ne plus avoir de nouvelles de la présidence de la République, faisant part de ses craintes que la promesse soit oubliée. Depuis, aucune nouvelle n'a filtré.
La relance d'Olivier Faure
Il y a un mois, trois jours après le démantèlement de l'arrêt Roe v. Wade protégeant le droit à l'IVG aux États-Unis, le député de Seine-et-Marne et premier secrétaire du PS Olivier Faure a tenté de réouvrir le débat. Le 27 juin dernier, il tweete ce message à l'adresse d'Emmanuel Macron : « M. le Président, il est temps de faire entrer Gisèle Halimi au Panthéon. Face au signal envoyé par la cour suprême américaine, la France doit s’adresser au monde et rappeler que lorsqu’il s’agit de la liberté et de la santé des femmes aucune régression n’est acceptable. » Mais aucune fumée blanche ne s'est élevée du Palais présidentiel. Contactés par Causette, les services de l'Élysée n'ont pas répondu à nos demandes. Reste que, désormais plus de deux ans après la disparition de Gisèle Halimi, un hommage aussi tardif risquerait de sonner faux.
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