Face à l'impatience bien légitime des victimes de violences de genre, de leurs familles et des personnes qui leur viennent en aide, qu'il s'agisse de bénévoles associatif·ves ou de professionnel·les pour mettre des vies à l'abri, le gouvernement est condamné à insatisfaire.
ÉDITO. Hier, en déplacement à Dijon pour rencontrer des acteurs de la lutte contre les violences conjugales ainsi que des victimes dans le cadre de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'encontre des femmes, Emmanuel Macron a asséné : « On a l'obligation de faire mieux, mais il y a une dynamique qui est engagée. » Cette fois, pas d'annonce de nouvelle mesure pour le chef de l'État en cette journée symbolique mais une volonté de s'inscrire dans la continuité des politiques menées depuis 2017 dans le cadre de la grande cause des deux quinquennats présidentiels. Rien de grandiloquent, mais du concret : ainsi, la Côte d'or fera partie des territoires où sera testé début 2023 le pack nouveau départ voulu par la ministre à l'Égalité Isabelle Rome, dont le budget ministériel a été augmenté de 15% pour 2023 (pour un total de 57,7 millions d’euros).
Pas suffisant, répondent les militantes féministes. Samedi dernier, elles étaient des dizaines de milliers à défiler dans toute la France pour réclamer la fin de l'impunité des violeurs comme des violents conjugaux. Nous Toutes, le collectif qui a organisé ces marches, réclame non plus 1 milliard d'euro pour lutte contre les violences de genre comme l'année dernière mais 2 milliards. Si doubler ce chiffre demandé semble énorme, cela ne représenterait pourtant que 0,1% du PIB, expliquent-elles.
Les militantes ne s'arrêtent pas là : dans une tribune publiée chez Mediapart le 24 novembre, elles exigent une loi cadre qui « instaurera un plan d’urgence pour la protection de l’enfance » ; « permettra de déployer massivement tous les dispositifs de protection des victimes et d’augmenter les moyens alloués aux associations » ; « instaurera une aide financière pour toutes les victimes » ; « inscrira dans le marbre la formation obligatoire des profesionnel·les au contact des victimes » ; aboutira à « la création de brigades et de juridictions spécialisées et formées » et, enfin, modifiera le code pénal pour y inscrire le « terme féminicide et la définition du viol basée sur le consentement ».
Signé par quelques personnalités politiques (les députées Clémentine Autain et Sandrine Rousseau) mais surtout par des artistes (Adèle Haenel, Jeanne Cherhal, Corinne Masiero, Judith Chemla, Andréa Bescond) et des autrices (Camille Froidevaux-Metterie, Camille Kouchner, Hélène Devynck, Giulia Foïs), ce texte le martèle : « Les victimes parlent. Mais que leur répond-on ? De porter plainte et de laisser la justice faire son travail. Alors que 65% des plaintes précédant des féminicides conjugaux sont classées sans suite, comme 80% des affaires de violences sexuelles. Alors que 46% des viols sont requalifiés en agression sexuelle. » La dissension entre la réalité d'une victime et l'exigence judiciaire amène à ce chiffre vertigineux : si on rapporte les 673 hommes condamnés pour viol en 2020 aux 112 000 viol déclarés à l'Observatoire des violences faites aux femmes la même année, seuls 0,6% des viols aboutissent à une condamnation. Il faut dire que seuls 4640 viols avaient été rapportés à la police la même année.
Depuis le Grenelle des violences conjugales de 2019 dont le gouvernement que « 90% des mesures sont complètement mises en œuvre et les autres en cours de déploiement », on observe une différence cruelle entre le temps de la réforme politique, qui met plusieurs années à porter ses fruits, et les attentes des victimes de violences de genre, de leurs familles et des personnes qui leur viennent en aide, qu'il s'agisse de bénévoles associatif·ves ou de professionnel·les. Face à leur impatience bien légitime pour mettre des vies à l'abri, le gouvernement est condamné à insatisfaire, quoi qu'il fasse.