Les agresseurs présumés envoient leur femme éplorée les défendre à la télé : une stratégie d'instrumentalisation qui ne passe pas.
Lundi soir, dans TPMP, Nathalie Dartois, épouse du présentateur Sébastien Cauet, défendait à l’antenne son mari et évoquait un "cauchemar" depuis que trois femmes ont porté plainte contre lui pour viols et agressions sexuelles. Nathalie Dartois y développait la rhétorique du bon père de famille qu’a décrypté l'autrice Rose Lamy dans son ouvrage éponyme : "il n’est pas comme ça", c’est un "gentleman", défendait-elle. Tout en opérant le retournement auquel nous ont habitué les agresseurs sexuels présumés : l’homme violent présumé serait en fait la victime.
Ce service après-vente des accusés, sous-traitant leur défense cathodique à leur femme, interroge. Une stratégie déjà éprouvée par le cinéaste Roman Polanski par l’entremise de son épouse, Emmanuelle Seignier. Si l'on ne peut, à l'heure actuelle, présumer de la situation intime de Nathalie Dartois - peut-être est-elle sous emprise de son mari, peut-être exerce-t-elle sa capacité d’agir - notons tout de même que certaines conjointes, après avoir défendu publiquement leurs maris agresseurs, les quittent, comme ce fut le cas pour le couple formé par DSK et Anne Sinclair.
Quoiqu'il en soit, ce procédé grossier essentialise les femmes en plaçant la conjointe-alibi comme caution "émotion" censée attendrir et disculper par sa seule présence féminine. Or, cette logique de la proximité avec l’homme violent, censément "civilisé" par une femme ne tient pas : en effet, les hommes agresseurs sont les fils, les frères et les pères de femmes, ce qui ne les jamais empêché de commettre des violences (en particulier intra-familiales).
Ensuite, depuis le mouvement #MeToo et la tribune sur la "liberté d'importuner" signée, entre autre, par Catherine Deneuve, le contre-discours féminin réactionnaire est souvent brandi comme argument d’autorité inattaquable : si c’est une femme qui le dit… Ce dispositif pervers consiste aussi à placer stratégiquement une femme avocate à la barre pour défendre des hommes violents ou, comme c'est le cas ici, à rendre les épouses complices. Cette pure logique d'affichage est censée prendre les féministes à leur propre piège et leur fermer leur caquet : en effet, puisque les féministes disent qu’il faut croire les femmes sur parole, pourquoi ne pas croire celle qui défend l’agresseur présumé ? Parce qu'il s'agit là d'une stratégie essentialisante et opportuniste qui instrumentalise les femmes : quand cela les arrange, les hommes violents les envoient en première ligne… tout en remettant systématiquement en doute leur parole le reste du temps, ne l'oublions pas. Zéro scrupule à nous prendre pour des quiches, donc.