Dans une pré-étude, l'université d'Oxford révèle qu'en Grande-Bretagne, sur les 742 femmes enceintes hospitalisées après le début de la campagne de vaccination, 99 % n'étaient pas vaccinées. Après avoir déploré sur Twitter les réticences de certains médecins traitants à conseiller la vaccination aux patientes enceintes ou allaitantes, Nathan Peiffer-Smadja, chef de clinique infectiologie à l'hôpital Bichat (Paris) répond à nos questions.
« Passée de 2 à 10 litres d'oxygène par minute en trois heures, probable transfert en réa. » Le cas de cette patiente en détresse respiratoire prise en charge à l'hôpital Bichat où travaille Nathan Peiffer-Smadja le révulse car il était « évitable ». A 30 ans et mère allaitante d'un bébé de six mois, cette jeune femme atteinte du Covid-19 n'était pas vaccinée. Elle avait suivi les recommandations de son médecin qui lui aurait dit qu'avec l'allaitement, « il faut se méfier des vaccins ». Interview d'un chef de clinique infectiologie que ces contre-vérités inquiètent.
Causette : Comment se trouve la patiente dont vous racontiez le sort sur Twitter le 24 août ?
Nathan Peiffer-Smadja : J'ai bon espoir que tout finisse bien pour elle puisqu'à l'heure où je vous parle, nous attendons qu'elle réintègre notre service après un passage en réanimation. Mais je regrette qu'elle et sa famille aient dû subir une telle épreuve, tout ça à cause des mauvais conseils d'un médecin, qui a aujourd'hui toutes les cartes en main pour déterminer que la balance bénéfices-risques de la vaccination est complètement favorable, notamment pour ces populations fragilisées.
Les hésitations actuelles semblent héritées du principe de précaution qui prévalait jusqu'au 20 juillet dernier pour les femmes enceintes : les autorités de santé déconseillaient la vaccination pour les femmes durant le premier trimestre de leur grossesse…
N.P.-S. : Oui, car à la base, les femmes enceintes avaient été écartées des tests cliniques des vaccins – comme pour la plupart des nouveaux traitements mis à l'étude. Pour ne prendre aucun risque, on avait donc préféré ne pas vacciner les femmes enceintes au premier trimestre, qui est celui dans lequel se constituent les organes du fœtus, et donc le plus critique. Mais nous n'avions alors pas le recul d'aujourd'hui.
Diriez-vous que la communication des autorités a été brouillée ?
N.P.-S. : Non, car les autorités sanitaires comme politiques ont fait avec les éléments dont elles disposaient alors. L'important, c'est que nous avons désormais des études à notre disposition. On peut observer que la vaccination est sans risque pour la mère et l'enfant, qu'il soit à naître ou qu'il soit allaité par une mère vaccinée. C'est pour cela que je ne comprends pas du tout pourquoi certains médecins viennent semer le trouble dans la tête de leurs patientes. En ce qui concerne spécifiquement les femmes allaitantes, c'est particulièrement étonnant. Le lait maternel ne transmet évidemment pas de composant vaccinal, mais au contraire des nutriments qui servent à la défense immunitaire des nouveaux-nés.
Quels sont les autres éléments scientifiques en faveur de la vaccination de ce public ?
N.P.-S. : Il est désormais démontré que les femmes enceintes sont sujettes à développer des formes graves du Covid-19, notamment lorsqu'elles sont touchées par le variant Delta, que l'on sait plus agressif. [À ce propos, une étude de l'université d'Oxford en attente de relecture par les pairs et citée par France inter montre qu'à cause de ce variant, la proportion de femmes enceintes hospitalisées avec des formes graves est passée de 24% à 45%, ndlr. Autre chiffre tiré de cette étude : sur les 742 femmes enceintes hospitalisées après le début de la campagne de vaccination, 99 % n'étaient pas vaccinées.] Il est donc crucial que ce public se fasse vacciner.
Lire aussi l Les femmes enceintes déboussolées face à l’extension du pass sanitaire