Prescrits à de très nombreuses femmes, les progestatifs entraînent un risque accru d’apparition de tumeurs au cerveau, confirment des chercheur·euses français·es.
“C’est un problème de santé publique mondial !”, alerte auprès du Parisien Alain Weill, directeur adjoint du groupement Epi-Phare, alliance de l’Assurance-maladie et de l’Agence nationale de sécurité des médicaments (ANSM). Selon l’étude menée par ce chercheur et son équipe, “l’utilisation prolongée de promégestone (Surgestone 0,5 mg), de médrogestone (Colprone 5 mg), ou d’acétate de médroxyprogestérone (Depo Provera 150 mg / 3 ml) est associée à un surrisque de méningiome”. Des résultats – sur les risques de tumeur au cerveau liés à ces progestatifs – publiés en français en juillet dernier, mais parus mercredi soir dans la revue British Medical Journal, leur offrant désormais une visibilité beaucoup plus large.
Risques connus
Essentiellement destinée aux femmes, cette catégorie de traitements étudiée vise à soigner une large série d’affections : pathologies féminines comme l’endométriose, infertilité, accompagnement de la ménopause… mais les progestatifs servent aussi parfois de contraception. Depuis les années 2010, certains de ces médicaments se sont révélés favoriser l’apparition de méningiomes. Des tumeurs au cerveau parfois qualifiées de “bénignes”, car elles ne sont pas susceptibles de dégénérer en cancers mortels, mais pouvant provoquer de graves handicaps neurologiques.
C'est d'abord le médicament Androcur (acétate de cyprotérone) qui a été mis en cause. Théoriquement indiqué contre une pilosité excessive, mais prescrit pendant des décennies par de nombreux·euses médecins bien au-delà de ces indications – notamment contre l'endométriose -, son lien avec les méningiomes a été clairement établi en 2018. Deux autres traitements, Lutéran (chlormadinone) et Lutényl (nomestrol), ont également été mis en cause. Pour ces trois médicaments – qui n'ont pas pour autant été interdits vu leur intérêt dans certaines indications spécifiques – les prescriptions ont depuis chuté.
Des résultats éclairants
“Évidemment, on craignait pour un certain nombre d’autres progestatifs”, expliquait Alain Weill à propos de l’étude lors de sa publication initiale, qui a supervisé pour l’ANSM et l’Assurance-maladie une vaste étude rétrospective sur une centaine de milliers de patientes. Cette dernière se base sur l’observation des données de plus de 18 000 femmes âgées de 45 à 74 ans et opérées d’un méningiome entre 2009 et 2 018 en France, avant de les comparer à celles de 90 000 autres femmes.
L'étude révèle ainsi que les progestatifs Colprone, Surgestone et Depo Provera multiplient bien les risques de tumeur des méninges nécessitant une intervention chirurgicale – respectivement par 4,1, 2,7 et 5,6 – lorsqu'ils sont pris pendant plus d'un an. Le risque augmente en effet progressivement avec la durée du traitement. Surgestone n'est plus commercialisé depuis 2020 et Depo Provera est très peu prescrit dans le pays : 5 000 personnes concernées en France mais 74 millions à travers le monde. Colprone est pour sa part toujours actuellement administré à plusieurs dizaines de milliers de femmes. Il l'est même de plus en plus, car il sert d'alternative à des patientes ayant justement abandonné Androcur, Lutényl ou Lutéran à cause des risques de méningiome.
Soulagement et précautions
À plusieurs titres, l’étude se montre cependant rassurante. Certains traitements, comme Utrogestan (progestérone) et Duphaston et Climaston (dydrogestérone), prescrits à des centaines de milliers de patientes, se sont révélés inoffensifs. Surtout, il n’y a pas de risque lié à l’usage d’un stérilet hormonal délivrant des progestatifs, un dispositif implanté sur environ 2 millions de femmes. “C’est très rassurant”, affirme aujourd’hui au Parisien Alain Weil. De façon générale, n’importe quel progestatif “doit toujours être prescrit à la dose minimale efficace et pendant une durée d’utilisation la plus courte possible”, conclut l’ANSM.
Le soulagement domine aussi pour Emmanuelle Mignaton, présidente de l’association Amavea, qui regroupe des patientes atteintes de méningiomes après la prise de progestatifs. Comme nombre de patientes, elle reproche cependant aux autorités sanitaires d’avoir trop tardé, il y a quelques années, à réagir face aux premières alertes sur l’Androcur. “Là, vraiment, l’agence [du médicament] prend les choses en main d’une manière qui me semble bien, rigoureuse et rapide”, estimait-elle alors. Elle soulignait par ailleurs le “soulagement” de voir “que la situation [s’éclaircit] de plus en plus”.
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