La musicienne et chanteuse Thérèse sort, ce mercredi 9 juin, le clip de sa chanson Skin Hunger. Sans certitude quant à son devenir sur YouTube, qui a déjà retoqué le choix de sa vignette de présentation, montrant une image « close up » de corps nus agglomérés dans une embrassade géante.
Avec son équipe, elle y a mis du cœur et a bossé pendant plusieurs mois sur la mise en images de Skin Hunger, titre issu de son EP Rêvalité. Mais lorsque, la semaine dernière, Thérèse l’a chargé sur YouTube, le clip Skin Hunger n’a pas plu à l’algorithme de l’hébergeur de vidéos… Qui a indiqué à la musicienne que l’image qu’elle avait extraite de son clip pour en faire la vignette de présentation de la vidéo ne convenait pas aux standards d’utilisation. L’image en question ? Un « close up » sur la figure de Thérèse enlacée dans un câlin compact et sphérique (l'image illustrant cet article), qui n’a rien de sexuel mais relève plutôt d’un irrépressible et poétique besoin de contact physique après des mois de pandémie passés à contenir nos gestes envers autrui.
L’objet du litige :
« Skin Hunger est une chanson dont la première grille de lecture serait celle d’une femme parlant de son désir, admet celle qui fait la couverture, aux côtés de Pomme et Suzane, du Causette de juin. Mais dans le fond, c’est surtout une évocation beaucoup plus large du manque de connexion physique aux autres que nous avons expérimenté ces derniers mois. Il s’agit aussi de dire mon ras-le-bol des relations virtuelles, qui m’épuisent et m’effraient à la fois. » De fait, rien de olé-olé dans ces images louant la sensualité – au sens du « toucher » – de nos interactions : le nu n’est pas là pour le plaisir scopique du spectateur ou de la spectatrice, les positions des corps ne sont pas obscènes. La caméra filme la peau pour s’intéresser à son grain et les corps pour montrer leur communion. Rien à voir avec la multitude de clips pop ou rap qu’on trouve sur YouTube, dégoulinant de références à un porno plus ou moins chic mais en tout cas avilissant pour les femmes. Thérèse aurait beaucoup aimé pouvoir en discuter avec un membre de l’équipe de la plateforme appartenant à Google mais, comme d’habitude dans ce genre d’affaire de censure émanant des géants des réseaux sociaux, les demandes d’explication et de dialogue envoyées par mail restent lettre morte.
Pour être sûre que sa vidéo soit bel et bien mise en ligne, Thérèse a dû opter pour une vignette de son visage. Fin de l’histoire ? Pas forcément. L’artiste craint en effet que cet avertissement sous forme de vignette retoquée propulse sa vidéo « au fin fond de l’opaque algorithme » de YouTube. Concrètement : que Skin Hunger ne fasse pas partie des vidéos recommandées à l’internaute, précieux vecteur de découverte, de clic en clic, d’artistes qu’on ne connaît pas encore. Et Thérèse ignore encore comment Instagram, support là encore indispensable pour une artiste qui commence à faire son trou, mais lui aussi aveuglément sensible aux corps nus, va réagir à Skin Hunger.
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Car c’est là que le bat blesse : « Ces plateformes se rendent indispensables, soupire Thérèse. Je pourrais contourner la décision de YouTube en publiant mon clip sur Vimeo, mais cette plateforme étant beaucoup moins consultée, j’y perdrais en visibilité. » De quoi rendre ces outils un brin « aliénants ». Une solution demeure : jouir de la proposition artistique des créateur·rices en concert, comme celui de Thérèse le 1er juillet au FGO-Barbara (Paris).
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