"Cheveux Mouillés" : un album jeu­nesse sur une petite sirène noire aux che­veux crépus

La nou­velle petite sirène incar­née par une actrice afro-​américaine qui sort en salle aujourd'hui n'est pas la seule sirène noire pré­sente dans le domaine du diver­tis­se­ment. En août 2022, Joshua Serviera publiait en autoé­di­tion Cheveux Mouillés, un album jeu­nesse illus­tré qui relate l'histoire de Mélyka, une petite sirène noire aux che­veux crépus.

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© Joshua Servier

Ce mer­cre­di 24 mai sort la réadap­ta­tion en live action de La Petite Sirène, incar­née par l'actrice afro-​américaine Halle Bailey. Un film Disney qui n’est pas pas­sé inaper­çu sur les réseaux sociaux. Depuis la sor­tie de la bande-​annonce en sep­tembre, un racisme ordi­naire pul­lule en ligne. De nom­breuses per­sonnes reprochent en effet à la réadap­ta­tion fil­mée de tra­hir la ver­sion ani­mée de La Petite Sirène sor­tie en 1989 et adap­té du conte d’Andersen. Selon elles, l’auteur étant scan­di­nave, la sirène qu’il ima­gine ne peut être que blanche. 

Deux semaines avant cette polé­mique qui s'intéresse au degré de réa­lisme d'un per­son­nage de conte de fées, l’auteur-illustrateur gua­de­lou­péen Joshua Servier publiait un album jeu­nesse, Cheveux Mouillés, en auto-​édition qui dépeint l’histoire de Mélyka, une petite sirène noire qui peine à accep­ter ses che­veux cré­pus dans le but de faire évo­luer les men­ta­li­tés des plus jeunes et de mon­trer l’importance de la repré­sen­ta­tion des jeunes filles noires.

Cheveux Mouillés est un album jeu­nesse des­ti­né aux enfants de cinq à onze ans. Dans un style de des­sin « car­too­nesque » comme le défi­ni Joshua Servier, il raconte l’histoire émou­vante de Mélyka, une petite sirène noire qui est vic­time de racisme. Pendant 64 pages, Mélyka va pas­ser par dif­fé­rentes étapes, un véri­table par­cours ini­ta­tique afin d’aimer son appa­rence et de s’accepter telle qu’elle est. « J’ai vou­lu créer un per­son­nage [pour] abor­der la ques­tion du trai­te­ment des che­veux dans la com­mu­nau­té afro, long­temps mépri­sés », explique l’auteur dans un communiqué. 

Son per­son­nage est direc­te­ment ins­pi­ré d'une des cou­sines de Joshua Servier. Aussi appe­lée Mélyka, sa cou­sine a ren­con­tré des pro­blèmes sem­blables à ceux de la sirène. En rai­son de moque­ries et alors qu'elle por­tait « une superbe coupe afro », pré­cise l'auteur, sa cou­sine a fini par se défri­ser les che­veux. « Une dis­cri­mi­na­tion capil­laire, qui peut aller bien plus loin, notam­ment au tra­vail », pré­cise l'auteur. Pour Joshua Servier, qui pos­sède lui-​même des che­veux afro, « on a com­plè­te­ment bana­li­sé, voire "natu­ra­li­sé", le pré­ju­gé selon lequel plus on a les che­veux fri­sés, moins on serait une per­sonne dis­ci­pli­née. Et cela peut être décu­plé par le colo­risme [dis­cri­mi­na­tion fon­dée sur les varia­tions d'intensité de la cou­leur de la peau des per­sonnes, ndlr]. »

À lire aus­si I "Sauver sa peau", un pod­cast édi­fiant sur le colo­risme au sein des com­mu­nau­tés noires

Sensibiliser au racisme 

C'est en 2019 que l'auteur illus­tra­teur s’interroge sur le manque de diver­si­té dans les médias et la lit­té­ra­ture jeu­nesse, se deman­dant com­ment il pour­rait appor­ter sa pierre à l’édifice. Pendant deux années, l'auteur réa­lise des recherches sur les pro­blé­ma­tiques des enfants raci­sés en paral­lèle de ses études d’art. En 2020, le mou­ve­ment Black Lives Matter l'inspire et Joshua Servier conclut qu'il doit mettre son talent artis­tique au ser­vice de la repré­sen­ta­tion des per­sonnes noires. 

Pour lui, il est impor­tant que dès le plus jeunes les enfants se forgent un amour-​propre et une estime de soi. Et pour le Guadeloupéen, « plus tôt on s’attaque à ces pro­blèmes, mieux on peut faire chan­ger les men­ta­li­tés ». La tech­nique de l'illustration per­met jus­te­ment, selon lui, de véhi­cu­ler « de belles valeurs de façon beau­coup plus simple qu’avec des adultes ».

Ouvrir le débat sur les représentations 

Avec Mélyka, la petite sirène fran­çaise, et Ariel, la prin­cesse Disney, ce sont sur­tout des mes­sages sur la diver­si­té des repré­sen­ta­tions que Joshua Servier et le réa­li­sa­teur du nou­veau film Disney, Rob Marshall, ont vou­lu faire pas­ser. L’une a les che­veux cré­pus, l’autre les che­veux lock­sés, deux types de che­ve­lure très rare­ment repré­sen­tés dans le domaine du diver­tis­se­ment. Tout comme Mélyka qui cherche à s’accepter, dans cette réadap­ta­tion ciné­ma­to­gra­phique, Ariel sort de sa case de demoi­selle en détresse à laquelle la can­ton­nait le des­sin ani­mé : spoil, à la bataille finale contre Ursula, ce n’est pas Éric qui tue la sor­cière et sauve Ariel, mais l’inverse. C’est désor­mais une jeune femme déter­mi­née à prendre son des­tin en mains, et pro­fon­dé­ment en colère contre les pré­ju­gés de son peuple sur celui des humains.

Mais pour­quoi « revi­si­ter un conte autour de per­son­nages fic­tifs, avec des acteurs issus de la diver­si­té, sus­cite une telle vague de haine ? », s’indigne l’auteur dans son com­mu­ni­qué. Une ques­tion qui ouvre un débat néces­saire, compte tenu des nom­breuses réac­tions de petites filles émer­veillées d'être repré­sen­tées devant la bande-​annonce. « Elle est comme moi », « Elle est noire ! », peut-​on lire sur cette vidéo de L’Obs qui recense des extraits de vidéos TikTok publiées par des parents de la com­mu­nau­té afro-américaine.

L’importance de la repré­sen­ta­tion a été démon­trée avec l’engouement créé autour du per­son­nage de Mélyka. Aujourd’hui, l’album jeu­nesse compte plus de 1000 ventes et sur Instagram, le compte de Cheveux Mouillés est sui­vi par quelques mil­liers d’abonné·es. Pour les fans de La Petite Sirène, qu'iels soient rassuré·es, hor­mis les quelques chan­ge­ments qui moder­nisent Ariel, le film reste très fidèle à son modèle. Les cos­tumes, les scènes et les angles des camé­ras sont qua­si­ment iden­tiques à ceux du célèbre des­sin animé.

À lire aus­si I Politiquement cor­rect : faut-​il réécrire les œuvres lit­té­raires à l'aune de notre époque ?

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