Dans Sauver sa peau, la journaliste Emilie Mendy explore l’un des plus grands tabous dans les familles noires : le colorisme. Autrement dit : le fait de hiérarchiser la beauté en fonction du degré de clarté de la peau.
!["Sauver sa peau", un podcast édifiant sur le colorisme au sein des communautés noires 1 capture decran le 2022 11 22 a 11.49.54](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2022/11/capture-decran-le-2022-11-22-a-11.49.54.jpg)
Il faut désormais compter avec Emilie Mendy dans le vaste monde du podcast. En mai dernier, déjà, la journaliste signait un remarquable documentaire pour Arte radio intitulé La K7 de yaye Elisa. En partant d’une K7 audio enregistrée en 2004 et retrouvée dans des cartons, – moyen qu’ont utilisé, pendant des décennies, et bien avant les « vocaux » WhatsApp les personnes analphabètes de sa famille pour communiquer avec leurs proches – elle découvre non pas la voix de sa grand-mère, comme elle le pensait, mais celle de la première femme de son grand-père : yaye Elisa. Une découverte surprenante à l’origine d’une discussion bouleversante entre Emilie Mendy et sa mère sur la polygamie mais aussi sur la transmission dans une famille partagée entre France et Sénégal.
Pour le podcast Intime et politique de Nouvelles Écoutes, elle s’attelle cette fois, dans une série en 4 épisodes, à un sujet douloureux et tabou : le colorisme. Ou le fait, au sein même des communautés noires, de hiérarchiser la beauté en fonction de la teinte de la peau. Les plus claires étant supposément gage de beauté… Une vision rarement si directement formulée, souvent plus implicite que verbalisée, parfois même inconsciente mais pourtant belle et bien réelle. Un poids qui, selon Salimata, l’un·e des témoins de ce podcast, « pèse sur les noirs dès le berceau ». Certains parents regrettant même parfois que la teinte de l’enfant ne soit plus claire. Une sorte de racisme assimilé, « les noirs ayant intégré la dépréciation dont ils étaient l’objet », comme l’explique la journaliste, pouvant même entraîner une différence de traitement envers les enfants au sein d’une même famille. Une souffrance pour tout le monde, quoi qu’il en soit. Qui explique aussi le recours à la décoloration de la peau que s’infligent de nombreuses femmes, soucieuses de correspondre aux normes de beauté en vigueur.
Plusieurs expert·es viennent éclairer les puissants témoignages recueillis par Emilie Mendy. Notamment celui de la chercheuse Maboula Soumahoro qui explique l’origine de l’expression « avoir la peau chappée », à savoir une peau claire permettant de s’é-« chapper », d’une condition misérable liée à la peau…
Des hiérarchisations qui, comme elle l’explique, remontent à l’esclavage, où les noir·es étaient réparti·es en fonction de leur teinte. Aux plus foncé·es les plantations, où le travail était le plus rude ; aux plus clair·s le travail de maison et parfois même la possibilité de recevoir une éducation. Autant de discriminations que l’on retrouve jusque dans les violences policières, aujourd’hui, plus directement orientées vers les noir·es à la peau foncée. Autant de témoignages et d’analyses qui font froid dans le dos mais lèvent un tabou qu’il est urgent de déconstruire. Emilie Mendy accomplit cette tâche avec brio.