Bande des­si­née : “Le Bal des folles” met en lumière le des­tin des femmes inter­nées de force à la Salpêtrière au XIXème siècle

Avec Le Bal des folles, Véro Cazot et Arianna Melone s’emparent avec jus­tesse du roman épo­nyme de Victoria Mas. Une bande des­si­née gran­diose et fémi­niste sur la réa­li­té bru­tale de la socié­té du XIXème siècle où les femmes étaient inter­nées de force à la Salpêtrière. 

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Paris, mars 1885. Les cou­loirs de l’hospice de La Pitié Salpêtrière sont en ébul­li­tion. Cet asile psy­chia­trique du XIIIème arron­dis­se­ment, où sont inter­nées des femmes pré­sen­tées comme alié­nées, pré­pare son « bal des folles ». Cloîtrées toute l’année entre les murs de l’institution pari­sienne, ces femmes sont expo­sées une fois par an lors de cette soi­rée dégui­sée. À cette occa­sion, la bonne socié­té pari­sienne endi­man­chée et triée sur le volet s’y presse avec une curio­si­té mal­saine pour venir obser­ver « la folie » d’un peu plus près. La toile de fond de la bande des­si­née Le Bal des folles d’Arianna Melone et Véro Cazot, publiée début sep­tembre aux édi­tions Albin Michel – tirée du roman à suc­cès épo­nyme de Victoria Mas publié en 2019 – est posée. 

Sororité

Le Bal des folles s'attache au per­son­nage d'Eugénie, qui cherche à prou­ver à l’infirmière en chef qu’elle est tout à fait saine d’esprit. Dans cette inlas­sable quête de liber­té et d’émancipation, elle pour­ra éga­le­ment comp­ter sur la for­mi­dable soro­ri­té qui se noue entre ces femmes taxées d’hystériques, de folles ou de schi­zo­phrènes – der­rière ces diag­nos­tics se cachent en réa­li­té sou­vent des vio­lences sexuelles et patriarcales.

Brutalité

Si le per­son­nage d’Eugénie est fic­tif, ces femmes inter­nées à la Salpêtrière ont, pour autant, bel et bien exis­té. En plus du bal annuel, le neu­ro­logue Charcot qui dirige la cli­nique psy­chia­trique d’une main de fer exhibe éga­le­ment ses patientes toutes les semaines en s’adonnant sur elles à des séances d’hypnoses impres­sion­nantes devant une foule d’hommes en mal de sen­sa­tions fortes. Au-​delà de la dure réa­li­té de la psy­chia­trie de l’époque, la bande des­si­née décrit éga­le­ment la condi­tion des femmes à la fin du XIXème siècle. Et ne vous fiez pas à la dou­ceur des aqua­relles d’Arianna Melone, c’est une plon­gée bru­tale et sans conces­sion dans la bour­geoi­sie pari­sienne où la moindre rumeur de désordre men­tal fait scan­dale car dérange l’ordre éta­bli. Le Bal des folles est un récit puis­sant sur la socié­té patriar­cale de l’époque dans laquelle les pères, les maris et les frères se débar­rassent sans ver­gogne des femmes en les pla­çant à l’asile psy­chia­trique lorsqu’elles osent sor­tir du minus­cule cadre que leur accorde la société. 

Les bals des folles se tien­dront à La Pitié Salpêtrière jusqu’au début du XXème siècle puis seront inter­dits et oubliés pen­dant plus de cent ans. Les des­tins tra­giques de ces femmes – qui furent pour cer­taines inter­nées toute leur vie – tom­bèrent eux-​aussi dans l’indifférence col­lec­tive. Le Bal des folles de Victoria Mas comme celui de Véro Cazot et d’Arianna Melone – ain­si que le film épo­nyme de Mélanie Laurent dif­fu­sé depuis le 17 sep­tembre sur la pla­te­forme Prime Video – sont des hom­mages vibrants à ces femmes. Comme une manière de les faire entrer – avec huma­ni­té cette fois – de nou­veau dans la danse.

Le Bal des folles, de Véro Mazot et Arianna Melone d’après le roman de Victoria Mas. Ed Albin Michel, 2021, 128 pages, 21,90 euros. 

Lire aus­si : Enquête : dans le cadre de vio­lences conju­gales, des femmes inter­nées abu­si­ve­ment par leur conjoint violent

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