Avec Le Bal des folles, Véro Cazot et Arianna Melone s’emparent avec justesse du roman éponyme de Victoria Mas. Une bande dessinée grandiose et féministe sur la réalité brutale de la société du XIXème siècle où les femmes étaient internées de force à la Salpêtrière.
![Bande dessinée : “Le Bal des folles” met en lumière le destin des femmes internées de force à la Salpêtrière au XIXème siècle 1 capture decran 2021 10 19 a 09.50.50](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2021/10/capture-decran-2021-10-19-a-09.50.50-786x1024.jpg)
Paris, mars 1885. Les couloirs de l’hospice de La Pitié Salpêtrière sont en ébullition. Cet asile psychiatrique du XIIIème arrondissement, où sont internées des femmes présentées comme aliénées, prépare son « bal des folles ». Cloîtrées toute l’année entre les murs de l’institution parisienne, ces femmes sont exposées une fois par an lors de cette soirée déguisée. À cette occasion, la bonne société parisienne endimanchée et triée sur le volet s’y presse avec une curiosité malsaine pour venir observer « la folie » d’un peu plus près. La toile de fond de la bande dessinée Le Bal des folles d’Arianna Melone et Véro Cazot, publiée début septembre aux éditions Albin Michel – tirée du roman à succès éponyme de Victoria Mas publié en 2019 – est posée.
Sororité
Le Bal des folles s'attache au personnage d'Eugénie, qui cherche à prouver à l’infirmière en chef qu’elle est tout à fait saine d’esprit. Dans cette inlassable quête de liberté et d’émancipation, elle pourra également compter sur la formidable sororité qui se noue entre ces femmes taxées d’hystériques, de folles ou de schizophrènes – derrière ces diagnostics se cachent en réalité souvent des violences sexuelles et patriarcales.
Brutalité
Si le personnage d’Eugénie est fictif, ces femmes internées à la Salpêtrière ont, pour autant, bel et bien existé. En plus du bal annuel, le neurologue Charcot qui dirige la clinique psychiatrique d’une main de fer exhibe également ses patientes toutes les semaines en s’adonnant sur elles à des séances d’hypnoses impressionnantes devant une foule d’hommes en mal de sensations fortes. Au-delà de la dure réalité de la psychiatrie de l’époque, la bande dessinée décrit également la condition des femmes à la fin du XIXème siècle. Et ne vous fiez pas à la douceur des aquarelles d’Arianna Melone, c’est une plongée brutale et sans concession dans la bourgeoisie parisienne où la moindre rumeur de désordre mental fait scandale car dérange l’ordre établi. Le Bal des folles est un récit puissant sur la société patriarcale de l’époque dans laquelle les pères, les maris et les frères se débarrassent sans vergogne des femmes en les plaçant à l’asile psychiatrique lorsqu’elles osent sortir du minuscule cadre que leur accorde la société.
Les bals des folles se tiendront à La Pitié Salpêtrière jusqu’au début du XXème siècle puis seront interdits et oubliés pendant plus de cent ans. Les destins tragiques de ces femmes – qui furent pour certaines internées toute leur vie – tombèrent eux-aussi dans l’indifférence collective. Le Bal des folles de Victoria Mas comme celui de Véro Cazot et d’Arianna Melone – ainsi que le film éponyme de Mélanie Laurent diffusé depuis le 17 septembre sur la plateforme Prime Video – sont des hommages vibrants à ces femmes. Comme une manière de les faire entrer – avec humanité cette fois – de nouveau dans la danse.
Le Bal des folles, de Véro Mazot et Arianna Melone d’après le roman de Victoria Mas. Ed Albin Michel, 2021, 128 pages, 21,90 euros.
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