internement
© Besse

Enquête : dans le cadre de vio­lences conju­gales, des femmes inter­nées abu­si­ve­ment par leur conjoint violent

C’est jusqu’à présent une réalité passée au travers des radars de la lutte contre les violences conjugales. Chaque année en France, des femmes sont hospitalisées de force en hôpital psychiatrique et gavées de médicaments. Des internements abusifs orchestrés par leur conjoint violent, à la suite desquels l’étiquette de « folle » leur colle à la peau… Jusqu’à souvent les empêcher d’obtenir la garde de leurs enfants, alors placés chez leur père.

« Par deux fois, j’ai fui les coups en me réfugiant avec mes enfants chez des amis. Ces deux fois, quand je suis rentrée chez moi, je me suis retrouvée internée de force. Le Samu, appelé par mon conjoint, débarquait, me diagnostiquait dangereuse pour autrui au prétexte que j’aurais mis en danger mes fils, me mettait une camisole devant les petits et m’emmenait à l’hôpital psychiatrique. Où un nouveau médecin confirmait le diagnostic. » Un an après sa seconde hospitalisation qui a duré dix jours, Cira1 ne comprend toujours pas comment elle a pu être internée de façon abusive à deux reprises par son conjoint violent. Comme Gaïa1, qui a enchaîné, entre 2008 et 2014, les séjours sous contrainte et reste traumatisée : « À toutes mes tentatives pour porter plainte ou le quitter, je finissais en cellule d’isolement à baver, shootée par les médicaments. Je sortais à l’état de légume, docile. » Lorsqu’elles parlent des violences conjugales, les psychiatres leur prêtent des délires de persécution. Alors même que des plaintes et certificats médicaux accréditent leur parole.

Des cas exceptionnels ? Non, même s’il s’avère impossible d’estimer le nombre de femmes victimes d’internement abusif exigé par un conjoint violent en France. Après enquête, nous avons recensé vingt-deux cas sur les dix dernières années, dont quatre avec plusieurs hospitalisations contraintes. Une violence psychologique « sous-estimée et rendue possible par la méconnaissance des médecins sur les violences conjugales et les psychotraumas », selon Muriel Salmona, présidente de l’Association Mémoire traumatique et Victimologie. La psychiatre connaît bien le sujet : un tiers des victimes de violences conjugales passées par son cabinet ont reçu un mauvais diagnostic psychiatrique et un quart d’entre elles auraient subi de ce fait une hospitalisation contrainte.

En 2011, plusieurs garde-fous ont pourtant été instaurés dans la loi pour lutter contre les internements abusifs. Depuis, deux certificats établissant des troubles psychiatriques doivent être rédigés dans les quinze jours précédant l’hospitalisation, par tout professionnel médical sans aucun lien avec le·la patient·e et le·la tiers demandeur·se. Logique, quand on sait que n’importe qui, intime ou non d’une personne, peut demander son internement.

En ce qui concerne les femmes victimes de violence, le même mécanisme s’opère à chaque fois : à leur arrivée à l’hôpital psychiatrique, suite à l’appel du Samu, un psychiatre les diagnostique dangereuses pour autrui, suicidaires ou dépressives et acte par un second avis médical leur internement.

Vous êtes arrivé.e à la fin de la page, c’est que Causette vous passionne !

Aidez nous à accompagner les combats qui vous animent, en faisant un don pour que nous continuions une presse libre et indépendante.

Faites un don

La suite est réservée aux abonné·es.

identifiez-vous pour lire le contenu

ou

abonnez-vous

 

Partager
Articles liés