En Corps 6 © Emmanuelle Jacobson Roques – CQMM
En Corps © Emmanuelle Jacobson-Roques

Les trois films à voir en salles ce mer­cre­di 30 mars

Cette semaine, notre sélec­tion n'est que retours : le retour de Cédric Kaplisch dans les étoiles avec En Corps, le retour des per­son­nages de Nous, prin­cesse de Clèves avec En Nous et le Retour à Reims, adap­ta­tion du livre de Didier Éribon.

Cette bal­le­rine emballe !

Ça n’est pas la pre­mière fois que la danse occupe une place de choix dans un film de Cédric Klapisch, mais elle a rare­ment aus­si bien ins­pi­ré le réa­li­sa­teur de L’Auberge espa­gnole ! En corps raconte com­ment Élise, dan­seuse clas­sique, se réin­vente après une grave bles­sure, au gré des ren­contres, des décep­tions et des nou­velles expé­riences… Jalonnée de bal­lets et de solos vibrants (en mode clas­sique, jazz ou hip-​hop), cette fic­tion ­sen­sible dégage une lumière inat­ten­due. Il y est ques­tion non pas seule­ment de souf­france, mais aus­si de renais­sance. L’élan est d’autant plus plai­sant que la douce Élise est inter­pré­tée par Marion Barbeau, pre­mière dan­seuse à l’Opéra de Paris. Formidable de natu­rel, elle s’avère être une actrice née… Joliment por­tée par Muriel Robin et Denis Podalydès. 

En corps, de Cédric Klapisch. En salles.

Ouvrières de pre­mière classe

Le mot « frag­ments », du titre, est bien choi­si. Adaptant libre­ment Retour à Reims, livre fon­da­teur du phi­lo­sophe Didier Éribon, qui y raconte son par­cours de « trans­fuge de classe », Jean-​Gabriel Périot choi­sit de n’en rete­nir que quelques seg­ments. Les plus uni­ver­sels selon lui. Bonne pioche ! Son docu­men­taire, Retour à Reims (frag­ments), qui entend rela­ter l’histoire du monde ouvrier fran­çais des années 1950 jusqu’à aujourd’hui, dégage une force sin­gu­lière. Politique et poé­tique : passionnante.

Abandonnant cer­tains thèmes cen­traux du livre (le rap­port à l’homosexualité, notam­ment), le cinéaste se concentre sur les parents de Didier Éribon, sin­gu­liè­re­ment, sur les femmes de sa famille : sa grand-​mère et sa mère. Et pour cause : le par­cours de la seconde, intel­li­gente, mais empê­chée (pas ques­tion pour elle d’aller au-​delà du cer­ti­fi­cat d’études), au corps fati­gué sinon abî­mé par l’usine, éclaire comme rare­ment l’histoire de la classe ouvrière (sans doute parce que les femmes en ont sou­vent été exclues).

C’est la pre­mière qua­li­té de ces frag­ments ; l’autre étant la forme adop­tée pour les rendre intel­li­gibles et vibrants. Optant pour un fil chro­no­lo­gique, Jean-​Gabriel Périot donne à voir un mon­tage impres­sion­nant d’extraits de films, d’archives, de repor­tages télé, qui ne se contentent pas d’illustrer son pro­pos, mais l’incarnent. L’ensemble étant relié par la voix off d’Adèle Haenel, qui lit sobre­ment des pas­sages judi­cieu­se­ment choi­sis de l’essai de Didier Éribon. Quelle bonne idée d’avoir confié à une femme et comé­dienne enga­gée la conduite de ce récit populaire !

Retour à Reims (frag­ments), de Jean-​Gabriel Périot. En salles.

Princesses deve­nues reines

Il y a dix ans, Régis Sauder, docu­men­ta­riste des vies péri­phé­riques (Retour à Forbach, J’ai aimé vivre là), était allé fil­mer les élèves d’une pro­fes­seure de fran­çais, Emmanuelle, dans un lycée des quar­tiers nord de Marseille. À par­tir de l’étude de La Princesse de Clèves, de Madame de La Fayette, il avait lais­sé cette cha­leu­reuse bande d’ados dire leurs rêves, leurs dési­rs, leurs peurs, dans un docu­men­taire digne, élo­quent, for­mi­dable : Nous, prin­cesses de Clèves.

Surprise ! Dix ans après, voi­là que sa camé­ra atten­tive les sai­sit de nou­veau (une dizaine d’entre eux, en tout cas). Mêlant sub­ti­le­ment les images d’hier à celles d’aujourd’hui, le cinéaste retrouve Emmanuelle, ensei­gnante stoïque dont la voix claire sert de fil rouge, pour mieux inter­ro­ger Armelle, Cadiatou, Laura, Albert, Abou et les autres sur leur vie d’à peine tren­te­naires. Que reste-​t-​il de leurs espoirs de liber­té, d’égalité et de fra­ter­ni­té ? Telle est la ques­tion qui sourd de leurs rires et de leurs paroles, une fois encore, d’une clar­té impressionnante.

Car ce qui frappe, par-​delà la trans­for­ma­tion phy­sique de ces jeunes gens ou leurs dépla­ce­ments géo­gra­phiques, c’est leur déter­mi­na­tion, mal­gré les assi­gna­tions, les embûches, les décep­tions. Et leur don de soi : plu­sieurs d’entre eux·elles ont ain­si choi­si de tra­vailler dans la fonc­tion publique, sin­gu­liè­re­ment, dans le soin… Au final, il émane de ces jeunes issu·es des quar­tiers popu­laires une belle force tran­quille, émi­nem­ment répu­blicaine. En ces temps ­obs­curs de la stig­ma­ti­sa­tion, ça fait sacré­ment du bien ! 

Lire aus­si l Interview de Régis Sauder, réa­li­sa­teur de "En nous"

En nous, de Régis Sauder. En salles.

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