exxtrait un divan à tunis
© Diaphana distribution

Un divan à Tunis : une comé­die thérapeutique

Premier film de la réa­li­sa­trice franco-​tunisienne Manele Labidi, Un divan à Tunis est une comé­die pétillante avec Golshifteh Farahani. Elle y incarne une psy­cha­na­lyste pari­sienne, bien déci­dée à ouvrir son cabi­net à Tunis au len­de­main de la révolution.

Manele Labidi ∏Viviana Morizet
© Diaphana distribution

Causette : L’héroïne d’Un divan à Tunis est fran­çaise. Pourquoi vient-​elle s’installer dans la cap­tale de la Tunisie, le pays de ses parents ?
Manele Labidi : Ce mou­ve­ment me fas­cine depuis un moment. Personnellement. Mes parents sont par­tis de Tunisie à la fin des années 1970 pour des rai­sons éco­no­miques. Leur idée était simple : on vient en France, on gagne de l’argent et on repart. Trente-​cinq ans après, ils sont tou­jours là. Le mythe du retour s’est effon­dré : ils sont deve­nus des étran­gers dans leur propre pays. Moi, je suis née en France en 1982. Lorsque la révo­lu­tion a écla­té en Tunisie, en 2011, j’ai pen­sé m’y ins­tal­ler. Parce que ça avait du sens. Et pour ven­ger mes parents. Enfin, disons pour répa­rer. Même si je ne l’ai pas conscien­ti­sé à ce moment-​là. Finalement, je suis res­tée en France, mais j’ai réa­li­sé mon pre­mier film en Tunisie… à cinq minutes de la mai­son de mes grands-​parents, dans la ban­lieue sud de Tunis. Un pur hasard, je vous le promets !

Tatouée, céli­ba­taire, indé­pen­dante : Selma ne se plie pas vrai­ment aux codes tuni­siens. La considérez-​vous comme une figure fémi­niste ?
M. L. : Je ne vou­lais pas en faire un per­son­nage qui reven­dique, mais par ses actes, oui, elle est extrê­me­ment fémi­niste ! Elle fume dans la rue, et ça, en Tunisie, je peux vous assu­rer que c’est un acte poli­tique. Pareil dans le fait qu’elle vive seule. Ou pour son look, pas du tout sexua­li­sé. Moi-​même, en don­nant une fin ouverte à mon film, je joue avec les codes. Il était impor­tant de ne pas ter­mi­ner sur l’amour, le roman­tisme… L’enjeu du récit, c’est la quête pro­fes­sion­nelle de Selma, qui, après avoir exer­cé en France, ouvre son cabi­net de psy­cha­na­lyse dans une ban­lieue popu­laire de Tunis.

En convo­quant psy­cha­na­lyse et « Révolution arabe », de quoi vouliez-​vous par­ler, au fond ? 
M. L. : La révo­lu­tion ne peut pas être com­plète s’il n’y a pas une révo­lu­tion de l’intime et de l’individu au même moment. Certes, on est beau­coup plus avan­cés en Tunisie que dans les autres pays arabes, mais quand même, la parole reste muse­lée sur le plan de l’intime. Or, la révo­lu­tion a eu des consé­quences psy­cho­lo­giques impor­tantes sur la popu­la­tion. Les troubles de l’anxiété, voire les troubles para­noïaques, ont aug­men­té. Les gens sont pas­sés d’une dic­ta­ture pater­na­liste à un État chao­tique. Ils se sentent livrés à eux-​mêmes. Le sou­ci, c’est qu’il y a très peu de psy­cha­na­lystes en Tunisie. Il y a une vraie demande.

Un divan à Tunis reste une comé­die légère, qui évoque sou­vent les comé­dies ita­liennes de la belle époque.
M. L. : Ah, je suis ravie que vous me disiez ça ! L’énergie des comé­dies ita­liennes est assez proche de l’humour tuni­sien. Un humour vital, très médi­ter­ra­néen, tein­té de gra­vi­té donc de mélan­co­lie, mais qu’on accorde peu au monde arabe. À tort. De fait, le ciné­ma nous repré­sente tou­jours dans le drame. On peut com­prendre pour­quoi, mais je trou­vais impor­tant de prendre du recul, pour une fois, par rap­port à ça. 

Un divan à Tunis, de Manele Labidi. Sortie le 12 février. 

Partager
Articles liés

Inverted wid­get

Turn on the "Inverted back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.

Accent wid­get

Turn on the "Accent back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.