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Un rap­port de Greenpeace dépèce l'intense lob­bying des indus­triels de la viande

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Campagne publicitaire d'Interbev

L'étude publiée ce 25 jan­vier par l'ONG montre que les indus­triels de la viande s'appuient sur un réseau d'influenceur·euses mais aus­si sur des inter­ven­tions dans les écoles, des pro­cé­dures bâillons et du lob­bying par­le­men­taire pour pro­mou­voir la barbaque.

En pré­am­bule du rap­port Comment les lob­bies de la viande nous mani­pulent publié ce mar­di 25 jan­vier, une mise au point : Greenpeace ne s'inscrit pas dans une démarche végé­ta­rienne et « sou­tient les éle­vages pay­sans, inten­sifs en emplois, garants du bien-​être ani­mal et qui pré­servent les éco­sys­tèmes, le cli­mat et notre san­té ». C'est au « sys­tème qui pro­fite uni­que­ment aux acteurs indus­triels » du sec­teur de la viande que l'ONG s'attaque.

Rappelant que, selon les cli­ma­to­logues, la consom­ma­tion de viande en occi­dent est un enjeu clef de la lutte contre le réchauf­fe­ment cli­ma­tique, Greenpeace dresse le constat que, mal­gré l'amorce d'une remise en ques­tion de notre modèle ali­men­taire ces der­nières années, nous man­geons tou­jours plus de viande en France : de 76 kilos de viande en moyenne par an et par Français·e dans les années 60, nous sommes passé·es à 84 kilos en 2020. « La pro­duc­tion et la consom­ma­tion de viande, bien que pou­vant pré­sen­ter des inté­rêts agro­no­miques et sani­taires, ont atteint des niveaux insou­te­nables pour nos éco­sys­tèmes comme pour notre san­té, tance le rap­port. Certains repré­sen­tants des filières viande se démènent pour cacher cette réa­li­té. »

Influenceurs bidoche et gros budgets

Greenpeace a ain­si iden­ti­fié 25 orga­ni­sa­tions pro­fes­sion­nelles œuvrant pour défendre la filière dans « un réseau d'influence ten­ta­cu­laire ». Les plus puis­santes sont, explique Greenpeace l'Interprofession bétail et viande (Interbev) et la Fédération fran­çaise des indus­triels char­cu­tiers trai­teurs (FICT) Matraquage publi­ci­taire, drague des par­le­men­taires, pro­cès inten­tés aux acteur·trices qui remettent en ques­tion notre consom­ma­tion exces­sive de viande : chez les indus­triels de la viande, la fin (la faim ?) jus­ti­fie les moyens. Interbev, c'est par exemple 19 sites inter­net et 51 comptes offi­ciels sur les réseaux sociaux, décrit Greenpeace, aux­quels s'ajoutent pas moins de 10 sites et 22 comptes réseaux sociaux de ses membres influenceur·euses (cuisinier·ières, professionnel·les de san­té, per­son­na­li­tés anti-​végans…). La spé­ci­fi­ci­té de cette orga­ni­sa­tion, c'est aus­si de consa­crer deux-​tiers de son bud­get annuel (entre 35 et 45 mil­lions d'euros selon les années) à des outils per­met­tant « d'influencer le débat public », notam­ment auprès des enfants et des jeunes grâce à des inter­ven­tions dans le milieu scolaire.

De son côté, la FICT s'est spé­cia­li­sée dans le lob­bying auprès des par­le­men­taires, par­ti­cu­liè­re­ment à l'heure où le légis­la­teur entend voter une pro­po­si­tion de loi inter­di­sant les sels nitri­tés dans la com­po­si­tion des char­cu­te­ries. Ces conser­va­teurs, qui colorent d'ailleurs les pro­duits pour les rendre plus appé­tis­sants, sont clas­sés can­cé­ri­gènes selon l'OMS. Le 3 février, l'Assemblée natio­nale exa­mi­ne­ra en pre­mière lec­ture la pro­po­si­tion de loi de Richard Ramos, dépu­té Modem du Loiret, visant à les faire dis­pa­raître pro­gres­si­ve­ment de nos sau­cis­sons et autres jam­bons secs. Selon Libération, mi-​janvier, le pré­sident de la FICT Bernard Vallat écri­vait aux dépu­tés un cour­rier leur deman­dant de ne pas sou­te­nir la pro­po­si­tion de loi, arguant qu'elle aurait « des consé­quences désas­treuses pour tout le sec­teur natio­nal de la char­cu­te­rie » et serait « dan­ge­reuse pour la san­té des consom­ma­teurs » (les nitrites pro­té­geant du risque de « de toxi-​infections ali­men­taires »). Pourtant, en mars 2020 lors de la mis­sion par­le­men­taire visant à pré­pa­rer la loi Ramos, ce même Vallat avait recon­nu que les sels nitri­tés conte­nus dans la char­cu­te­rie étaient res­pon­sables d'« envi­ron » 1 200 can­cers colo­rec­taux par an.

Pour Yuka, la note est salée

Avec un bud­get de 3,8 mil­lions d'euros annuel, la FICT peut se per­mettre des pour­suites judi­ciaires à l'encontre des acteur·trices cri­tiques des excès de l'industrie de la viande. C'est ce qui est arri­vé à Yuka, l'application qui note les pro­duits ali­men­taires dans une optique de san­té des consommateur·rices et débusque donc la pré­sence d'additifs sur les éti­quettes. Libération explique qu'assigné en jus­tice par la FICT par trois fois entre jan­vier et juin 2021, Yuka a été fina­le­ment condam­né à ver­ser 95 000 euros à l'organisation pro­fes­sion­nelle dans le cadre de dom­mages et inté­rêts. « Elles deman­daient aus­si que soit sup­pri­mé de notre appli­ca­tion l’avis de l’OMS sur les char­cu­te­ries et elles ont gagné, ce qui pose un vrai pro­blème sur la liber­té d’expression », détaille Julie Chapon, co-​fondatrice de Yuka, à Libération. Une ins­tru­men­ta­li­sa­tion de la jus­tice qui peut s'apparenter aux pro­cé­dures bâillon, du nom de cette méthode pour faire taire ses comptempteur·rices en por­tant plainte en diffamation.

Enfin, Greenpeace montre que les lob­bies de la viande indus­trielle excellent dans la réponse mar­ke­ting face à un mou­ve­ment socié­tal qui remet en ques­tion sa consom­ma­tion car­née et prend de l'ampleur. « Et si la liber­té c'était d'être flexi­ta­rien ? », demande ain­si un clip vidéo pour Interbev, s'appropriant un terme uti­li­sé par les éco­lo­gistes pro­mou­vant des assiettes plus végé­tales. « Let’s talk about pork » pro­pose une cam­pagne d'une autre orga­ni­sa­tion, Inaporc, finan­cée par l'Union euro­péenne, créée pour ras­su­rer les jeunes consommateur·rices. « Pour convaincre les consom­ma­trices et les consom­ma­teurs de viande qui s'inquiètent de leur impact sur la pla­nète et le bien-​être ani­mal, les filières viande ont pré­emp­té leurs pré­oc­cu­pa­tions, sou­ligne Greenpeace. Elles décrivent les éle­vages, même lorsqu’ils sont indus­triels, comme fai­sant par­tie inté­grante de la solu­tion à la crise cli­ma­tique et envi­ron­ne­men­tale, et jamais comme l’une de ses causes. » De quoi se faire un sang de cochon.

Lire aus­si l Laure Ducos de Greenpeace : « Les pubs mar­tèlent que la viande est bonne pour la san­té, mais elle peut être dangereuse »

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