Guilain, pay­san maraî­cher sans racines

Chaque mois, on demande à quelqu’un·e pour­quoi il ou elle se lève le matin. La réponse en dessins.

Guilain Vergé, 34 ans, est pay­san maraî­cher. Son nom pour­rait faire croire à une longue tra­di­tion fami­liale, mais il n’en est rien. Il est né et a gran­di en ban­lieue pari­sienne. Bien loin des ver­gers, donc.

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« L’amour de la terre, il me vient d’une tomate. À 19 ans, un pote m’en a fait goû­ter une de son pota­ger et m’a dit : “Hé, tu crois pas qu’on peut se faire de l’argent en fai­sant des trucs comme ça ?” J’ai com­men­cé à culti­ver les 4 m2 du jar­din de mes parents, et j’ai lâché la fac pour un BPREA 1. » Mais deve­nir pay­san n’est pas si simple : « Quand t’as pas d’attache fami­liale dans le métier, tu as de grosses lacunes tech­niques. Un diplôme ne suf­fit pas. » Et sur­tout, pour faire pous­ser des pommes de terre, il en faut de la terre.  « À leur retraite, les pay­sans, avec leurs maigres pen­sions, revendent leurs terres à la découpe et conver­tissent une par­tie de leur ins­tal­la­tion en fon­cier. Les sur­faces agri­coles se font de plus en plus rares, et sur­tout sont très chères. »

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Quand Guilain découvre le réseau Amap 2 Île-​de-​France et son dis­po­si­tif Les Champs des pos­sibles – une cou­veuse coopé­ra­tive per­met­tant de ­tes­ter l’activité agri­cole avant de se lan­cer –, il fait tout pour l’intégrer. « La cou­veuse, j’ai trou­vé ça magique. On te prête la terre, le maté­riel, ça per­met de faire marche arrière si tu te rends compte que ce n’est pas pour toi. » Il res­te­ra « cou­vé » pen­dant deux ans et demi, le temps de se rassurer.

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En 2012, il rem­porte un appel à pro­jets de la région Île-​de-​France qui lui loue 10 hec­tares de terre à conver­tir en bio à Saulx-​les-​Chartreux, à 20 km au sud-​ouest de Paris. Il y coex­ploite aujourd’hui une ferme d’accueil, Le Pas de côté, où Paul, aspi­rant maraî­cher, le rejoint. Logiquement, le cou­vé est deve­nu tuteur.

Maëla, sa cou­sine, ancienne « cou­vée », l’a rejoint en 2014. Elle s’occupe des 245 poules. Ensemble, ils cogèrent la ferme. Avec Paul et l’aide d’un sai­son­nier quatre mois par an, ils assurent la rota­tion de près de 200 varié­tés de légumes et aro­mates qui nour­rissent 200 familles, le tout en bio. Les cultures sont choi­sies en fonc­tion du sol, et l’assolement 3 est réflé­chi pour conser­ver la fer­ti­li­té, pré­ser­ver les insectes auxi­liaires 4 et mini­mi­ser l’utilisation de pro­duits chi­miques : « Sur les 50 pro­duits auto­ri­sés en bio, j’en uti­lise quatre, et le moins pos­sible. Sortir le pul­vé, j’aime pas ça. Guilain a créé, avec des col­lègues, une coopé­ra­tive de par­tage de maté­riel. Les Champs des pos­sibles tente de créer un sys­tème d’instal­lation en coopé­ra­tive pour don­ner des droits sala­riés aux tra­vailleurs agri­coles et créer des fermes pérennes et trans­mis­sibles hors régime capitalistique. 

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Ce sys­tème idéal fait rêver Guilain. En atten­dant de le voir fonc­tion­ner, il reste indé­pen­dant, mais pense créer sa propre coopé­ra­tive. Ses semaines vont de 25 à 50 heures selon le mois : « Je pour­rais bos­ser plus, mais j’aime pas faire des trucs pas indis­pen­sables. » Avec un reve­nu men­suel net avoi­si­nant les 2 500 euros, cela semble effec­ti­ve­ment idéal.

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Le Pas de côté vend sa pro­duc­tion en Amap. « J’ai pas encore trou­vé le point faible. À part si le monde s’écroule et qu’il n’y a plus de bobos ! Ha ha ! Non, nos “ama­piens” ne sont pas que des gens aisés. » Et il existe un vrai lien entre les pro­duc­teurs et leurs clients. « Quand il y a de grosses récoltes, les “ama­piens” viennent aider. C’est très sympa. 

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Justement, l’un d’eux, Florent, ingé­nieur en élec­tro­nique passe sa semaine de vacances comme sta­giaire. « Mieux man­ger, c’est un acte poli­tique, mais sur­tout, à l’Amap, c’est bio, c’est local et le goût des légumes est vrai­ment dif­fé­rent. Dans un super­mar­ché bio, c’est pas pareil. Ici, les tomates sont à tomber !

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1. Brevet pro­fes­sion­nel res­pon­sable d’exploitation agri­cole (BPREA).

2. Association pour le main­tien d’une agri­cul­ture paysanne.

3. Répartition des cultures sur le terrain. 

4. Ces insectes « alliés » sont les pré­da­teurs de nom­breux autres insectes nuisibles. 

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