Les scientifiques du Giec publient, ce 28 février, le deuxième volet de leur sixième rapport. Un constat alarmant consacré aux effets du changement climatique sur les sociétés humaines et les écosystèmes ainsi que les moyens de s’y adapter.
Après le temps des faits, vient celui des effets. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) vient de dévoiler, ce lundi 28 février, le second volet de son sixième rapport approuvé par les 193 États membres de l’Organisation des nations Unies (ONU). Après un premier volet publié en août 2021 sur les bases physiques du changement climatique, les scientifiques se sont, cette fois, penché·es sur les impacts, les vulnérabilités et l’adaptation à la crise climatique. C’est un bilan sombre, bien plus alarmant que le précèdent, que dressent 270 scientifiques du monde entier à partir de 34 000 études. Un rapport de 4 000 pages qui risque toutefois de voir sa portée limitée par la guerre qui fait rage actuellement en Ukraine.
Que retenir alors de ce nouveau rapport ? Premièrement que le réchauffement climatique n’est plus un problème du futur mais une réalité déjà observée avec +1,09°C par rapport à l'ère pré-industrielle (1950−1990) et que ses impacts s’annoncent encore plus considérables. Si les précédents rapports du Giec témoignent tous des innombrables conséquences de la hausse des températures, ce dernier volet revoit considérablement à la hausse ces estimations. « Les impacts que nous constatons aujourd’hui surviennent beaucoup plus rapidement que nous l’attendions il y a 20 ans, et ils sont bien plus perturbateurs et plus répandus », avancent les chercheur·euses dans le rapport. Ces dernier·ières évoquent « des impacts en cascades » et « des risques qui deviennent de plus en plus complexes et difficiles à gérer ».
Conséquences sur les populations…
Le changement climatique est déjà un problème sanitaire. Selon les nouvelles estimations des scientifiques du Giec, 3,3 à 3,6 milliards de personnes vivent déjà dans des environnements très vulnérables. Particulièrement en Afrique, en Asie du Sud, en Amérique centrale et du Sud ainsi que dans les petits États insulaires. Un chiffre qui sera inévitablement amené à s’accroitre si rien n’est fait, prévient le rapport qui constate que l’ensemble du globe est d'ores et déjà confronté à l’augmentation des maladies infectieuses. Il cite par exemple une progression du choléra, provoquée par l'augmentation des pluies et des inondations. Le changement climatique a également « réduit la sécurité alimentaire et l'accès à l'eau » pour des millions de personnes en Afrique, en Asie, en Amérique centrale et du Sud, dans les petites îles et en Arctique, entraînant des graves problèmes de malnutrition.
Lire aussi I Réchauffement climatique : le nombre de feux incontrôlés va doubler d'ici à 2100, selon l'ONU
Et ce sont 30 millions de personnes par an qui sont déplacées en raison d’évènements climatiques extrêmes de plus en plus fréquents et de plus en plus intenses comme les canicules, les sécheresses, les inondations, les feux et les tempêtes. Des évènements qui impactent de fait la santé des populations. La fumée des feux de forêt contribue à augmenter les problèmes cardiovasculaires et respiratoires tandis que la santé mentale est considérablement aggravée par la hausse des températures, les traumatismes liés aux phénomènes extrêmes ainsi que par la perte de moyens de subsistance. Des problème de santé et des décès qui « augmenteront considérablement à court et à long terme ». Le Giec est en effet pessimiste sur l’avenir : selon le rapport, 75 % de la population mondiale pourrait être exposée à des vagues de chaleur mortelles notamment dans les villes d’ici la fin du siècle. Contre 30% aujourd’hui.
… et sur la biodiversité
Selon le Giec, les animaux, les plantes et les espaces naturels sont en première ligne, avec des « dégâts substantiels et des pertes de plus en plus irréversibles pour les écosystèmes terrestres, d'eau douce, côtiers et marins ». Le rapport constate des « pertes d’espèces locales et des cas de mortalité massives des plantes et des animaux entrainant les premières extinctions induites par le climat ». Par ailleurs, c’est « environ la moitié des espèces évaluées à l’échelle mondiale » qui s’est déplacée en raison du changement climatique.
Politique d'adaptation
Ces effets, qui diffèrent selon les régions du globe et selon les catégories socio-économiques, vont continuer de s'aggraver et de s'intensifier avec chaque dixième de degré supplémentaire. Pour le président du GIEC, Hoesung Lee, « le rapport est un terrible avertissement sur les conséquences de l’inaction. Les demi-mesures ne sont plus une option ». Si le Giec relève quelques progrès comme le fait qu’au moins 170 pays et de nombreuses villes ont inclus l’adaptation dans leurs politiques climatiques, ces dernières sont faites à trop petite échelle et avec encore trop peu de financements. « Si nous nous engageons beaucoup plus fortement qu'actuellement, nous pouvons arriver à éviter beaucoup des graves conséquences », explique l'un des auteurs du rapport.
Pour le Giec, l’ampleur des risques associés au changement climatique dépendra fortement de notre capacité à diminuer drastiquement et rapidement nos émissions de CO2. Contenir le réchauffement climatique à 1,5 °C – l’objectif le plus ambitieux de l’accord de Paris – « réduirait considérablement les pertes et dommages », toutefois « sans pouvoir tous les éliminer », avertissent les scientifiques, qui évoquent une « hausse inévitable de multiples dangers ». Pour freiner le désastre, il est primordial que les gouvernements travaillent en collaboration avec « les communautés, la société civile, les organismes, les institutions scientifiques en intégrant les groupes traditionnellement marginalisés, y compris les femmes, les jeunes, les peuples autochtones, les communauté locale et les minorités ethniques. » Le Giec publiera un troisième et dernier volet en avril consacré aux solutions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, avant une synthèse prévue pour septembre 2022.
Lire aussi I L'Affaire du siècle : « La justice prend l’État au mot et va le contraindre à respecter ses engagements climatiques »