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Délali Apegnowou (à gauche) et Oumou Modibo Keita © DR

À la COP 27, la Caravane afri­caine pour le cli­mat fait entendre la voix des popu­la­tions en pre­mière ligne de la catas­trophe climatique

Financée par Oxfam, la Caravane afri­caine pour le cli­mat réunit 170 orga­ni­sa­tions de la socié­té civile de 28 pays afri­cains en pointe sur le com­bat contre le réchauf­fe­ment cli­ma­tique. Causette tire le bilan de sa pré­sence à la COP 27 avec deux de ses pro­ta­go­nistes, la Malienne Oumou Modibo Keita et la Togolaise Délali Apegnowou.

Ils et elles veulent faire bou­ger les lignes et faire payer aux pays riches les consé­quences d'un réchauf­fe­ment cli­ma­tique qu'ils·elles subissent au quo­ti­dien. Les membres de la Caravane afri­caine pour le cli­mat, qui réunit 170 orga­ni­sa­tions de la socié­té civile de 28 pays afri­cains, ont sillon­né pen­dant plu­sieurs semaines leurs ter­ri­toires pour sen­si­bi­li­ser les popu­la­tions au fac­teur humain du réchauf­fe­ment cli­ma­tique et faire remon­ter leurs doléances. L'opération a été menée grâce à un finan­ce­ment d'Oxfam.

Dès l'ouverture de la COP 27 le 6 novembre, une délé­ga­tion de cette ini­tia­tive inédite s'est ren­due sur place à Charm el-​Cheikh en Égypte pour faire entendre la voix des popu­la­tions par­mi les plus expo­sées aux consé­quences du dérè­gle­ment cli­ma­tique : les per­sonnes habi­tant le conti­nent afri­cain. Ambition : exi­ger des pays riches qu'ils paient leur dette éco­lo­gique envers les pays en voie de déve­lop­pe­ment, his­to­ri­que­ment beau­coup moins émet­teurs d'émission de gaz à effet de serre, et ain­si enclen­cher l'adaptation au réchauf­fe­ment. Causette s'est entre­te­nue avec deux membres de cette délé­ga­tion, toutes deux tren­te­naires et déter­mi­nées. Oumou Modibo Keita, Malienne, est direc­trice exé­cu­tive des Jeunes Volontaires pour l'Environnement (JVE-​Mali). Délali Apegnowou, Togolaise, est fon­da­trice de l'ONG FEDIA, qui aide les femmes à s'émanciper via une acti­vi­té de maraîchage.

Causette : Pouvez-​vous nous pré­sen­ter vos acti­vi­tés mili­tantes ?
Oumou Modibo Keita : Je dirige la branche malienne des Jeunes Volontaires pour l'Environnement, ONG née au Togo. Nous menons des actions de sen­si­bi­li­sa­tion aux pro­blé­ma­tiques envi­ron­ne­men­tales, édu­quons et pro­po­sons des solu­tions en sou­te­nant des pro­jets tels que des reboi­se­ments. Les clefs de l'adaptation au réchauf­fe­ment cli­ma­tique sont l'agro-écologie, la res­tau­ra­tion des terres et de la bio­sphère. Par exemple, nous plai­dons pour pré­ser­ver le pou­mon de l'Afrique, le bas­sin du Congo. C'est le plus grand puits de car­bone au monde et nous devons abso­lu­ment le main­te­nir pour régu­ler la tem­pé­ra­ture mon­diale.
Délali Apegnowou :
Il y a trois ans, j'ai déci­dé d'allier mon com­bat fémi­niste à mes pré­oc­cu­pa­tions pour l'écologie en créant l'ONG FEDIA, qui déve­loppe une acti­vi­té de maraî­chage bio avec des jeunes filles, afin de les for­mer au métier. La plu­part sont dému­nies et ont du mal à pour­suivre leurs études.
Auparavant, je tra­vaillais dans la trans­for­ma­tion de la tomate, donc notre ONG est accom­pa­gnée par un ingé­nieur agri­cole qui nous trans­met son savoir-​faire. Cette année, nous culti­vons prin­ci­pa­le­ment du piment car les récoltes pré­cé­dentes de hari­cots et de maïs ont été mau­vaises, en rai­son de la sèche­resse. Nos dif­fi­cul­tés sont celles des autres agri­cul­teurs togo­lais. C'est un pays très agri­cole com­po­sé en majo­ri­té d'exploitations fami­liales mais nous devons nous battre avec la pluie qui, à cause du dérè­gle­ment cli­ma­tique est soit inexis­tante soit bien trop forte.

D'où vient votre mili­tan­tisme éco­lo­gique ?
O.M.K. : J'ai bas­cu­lé dans la vie asso­cia­tive en 2004, à l'occasion d'un démé­na­ge­ment dans un nou­veau quar­tier de Bamako. À ce moment-​là, les espaces verts n'étaient pas pro­té­gés de la pré­da­tion fon­cière. On s'est réunis en tant qu'habitants du quar­tier et avons déci­dé de nous battre ensemble pour la pro­tec­tion de notre espace de vie via une asso­cia­tion que j'ai pré­si­dée jusqu'en 2019. Nous avons plan­té des arbres, lut­té contre la construc­tion d'immeubles. La lutte a été très dure puisque des mili­tants ont été empri­son­nés, mais cet enga­ge­ment éco­lo­gique très concret a été très sti­mu­lant pour la suite car l'échelle hyper locale per­met d'observer direc­te­ment les résul­tats de nos luttes.
D.A. :
En tant que fémi­niste, j'ai vite com­pris que les femmes étaient les pre­mières tou­chées par la crise cli­ma­tique. Au Togo, l'érosion côtière fait fuir les hommes, qui s'installent plus loin dans les terres. Mais les femmes, elles, ont plus de mal à par­tir car elles ont déve­lop­pé leur acti­vi­té qu'elles ne peuvent se per­mettre de quit­ter parce qu'il leur faut nour­rir leur famille, elles ne veulent pas non plus chan­ger leur enfant d'établissement sco­laire. Elles sont donc en pre­mière ligne et m'en aper­ce­voir a boos­té mon envie de lutter.

Pourquoi vous être enga­gées dans la Caravane afri­caine pour le cli­mat ?
O.M.K. : Avant de nous rendre à Charm el-​Cheikh, nous avons sillon­né le Mali, en choi­sis­sant de nous arrê­ter dans cinq endroits aux condi­tions cli­ma­tiques dif­fé­rentes. Sur cha­cun de ces lieux, nous avons orga­ni­sé des ras­sem­ble­ments popu­laires où ont été repré­sen­tées toutes les couches de la socié­té civile de la loca­li­té. On a don­né la parole à ces per­sonnes qui ne l'a habi­tuel­le­ment pas pour évo­quer les impacts du réchauf­fe­ment cli­ma­tique sur leurs vies. Nous avons ensuite cher­ché ensemble des pistes de solu­tions pour aller vers l'adaptation à laquelle nous devons nous résoudre. Les bonnes pra­tiques ont été consi­gnées pour ser­vir à tous.
D.A. : Cette ini­tia­tive repré­sente une aubaine pour sen­si­bi­li­ser la popu­la­tion au réchauf­fe­ment cli­ma­tique et mar­te­ler que le réchauf­fe­ment cli­ma­tique n'est pas une théo­rie impor­tée de l'Occident, mais qu'il est pal­pable, par­tout dans nos vies. L'enjeu était aus­si d'amener les gens à s'impliquer, car ils voient bien qu'il n'y a plus de sai­son, que la sèche­resse est ter­rible, mais ils attendent des réponses l'État sans faire le lien avec l'activité humaine. Or, nous étions là pour leur prou­ver que oui, et que nous avons tous un rôle à jouer. Par exemple, pour limi­ter le gas­pillage, une expé­rience dans laquelle on obser­vait les conser­va­tions res­pec­tives d'un légume bio et d'un légume culti­vé en conven­tion­nel, qui pour­tant ont pous­sé dans le même vil­lage. Le légume bio est beau­coup plus résis­tant à la tem­pé­ra­ture ambiante !

Quel regard portez-​vous sur les actions menées par vos gou­ver­ne­ments res­pec­tifs dans la lutte contre le réchauf­fe­ment cli­ma­tique ?
O.M.K. : Je suis actuel­le­ment à la COP en tant que repré­sen­tante de la socié­té civile de mon pays, ce n'est pas négli­geable. Notre pre­mier ministre est venu, son dis­cours en dit long sur la volon­té de lea­der­ship du Mali sur la ques­tion cli­ma­tique. Mais il y a encore tant à faire ! A nous, socié­té civile, de deman­der des résul­tats de ce volon­ta­risme affi­ché en actions concrètes.
D.A. :
Pareil, j'observe que mon pays fait, mais que c'est loin d'être suf­fi­sant. D'un côté, le Togo pro­meut l'agro-écologie avec la mise en place d'écovillages. Mais de l'autre, il conti­nue à sub­ven­tion­ner l'engrais ou à éta­blir des contrats d'approvisionnement en éner­gies fos­siles. Je ne veux pas accu­ler nos gou­ver­nants car je sais que ce n'est pas facile. Mais on doit com­prendre que les consé­quences de nos acti­vi­tés menacent nos exis­tences mêmes.

Que retenez-​vous de votre mis­sion de plai­doyer à Charm el-​Cheikh ?
O.M.K. : Notre pré­sence était capi­tale, puisque la Cop, c'est la Conférence des par­ties : il est donc indis­pen­sable d'y être pour faire entendre notre voix, celle de 28 nations pour la pre­mière fois unies sur cette thé­ma­tique, pour aller vers l'adaptation. La Caravane est un outil de syn­thèse des dif­fé­rentes pro­blé­ma­tiques et des dif­fé­rents moyens d'adaptation des 28 pays visi­tés par les dif­fé­rentes branches de la Caravane. Nous avons pré­sen­té ces tra­vaux de la jeu­nesse afri­caine, par­ti­cu­liè­re­ment consciente et impli­quée, à beau­coup d'acteurs poli­tiques, qu'il s'agisse de ministres de l'environnement ou de déci­deurs.
D.A. :
J'y ai pas­sé une semaine et suis res­tée sur ma soif car nos acti­vi­tés de lob­bying nous per­mettent de ren­con­trer beau­coup de monde mais n'ont pas été sui­vies de grandes déci­sions. Alors, je me répète mon adage pré­fé­ré : quand on vit, l'espoir est permis. 

Lire aus­si l COP 27 : l’Union euro­péenne est prête à rehaus­ser ses enga­ge­ments climatiques

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