Le Tournoi des six nations féminin a débuté le 25 mars – les Françaises se sont imposées 22 à 12 dimanche à Parme – et la discipline n’est toujours pas professionnelle. Mais depuis quelques mois, un club du Nord lutte pour offrir des CDD à son équipe.
Une médaille d’argent au rugby à sept aux Jeux olympiques de Tokyo en 2020, une médaille de bronze à la Coupe du monde 2022 en Nouvelle-Zélande, cinq Grands Chelems pour le XV de France depuis la création du Tournoi des six nations féminin en 1999… Ces dernières années, le rugby féminin français s’impose en force sur la scène internationale. Malgré ce beau palmarès et un vrai élan médiatique, avec des retombées réelles sur le nombre d’inscriptions dans les clubs, il est l’un des seuls sports collectifs de l’Hexagone où les joueuses ne sont pas professionnelles.
Les préjugés autour de la pratique féminine du rugby – longtemps perçu comme un sport viril, réservé aux hommes – ont freiné son développement, au point que la discipline souffre encore d’un manque de reconnaissance et des moyens nécessaires à sa structuration.
Au-dessus de la mêlée, seules les internationales du XV de France (elles sont 32 cette année) sont, depuis 2019, sous contrat semi-professionnel avec la Fédération française de rugby et perçoivent entre 2 000 et 3 000 euros par mois. Une rétribution bien en deçà de celle de leurs homologues masculins du Top 14, dont le salaire avoisine en moyenne les 10 000 euros mensuels. Et, contrairement à la première division masculine, l’Élite 1, son équivalent féminin, est, elle, toujours « amateure ». Les rugbywomen touchent seulement des primes de match (quelques centaines d’euros par mois), qui diffèrent selon les clubs. Alors, pour joindre les deux bouts, elles sont obligées de travailler, en plus des entraînements le soir, des déplacements et des matchs le week-end. Un emploi du temps serré, dans lequel l’Ovalie occupe une place majeure, mais ne leur rapporte pas un rond.
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Un club du Nord a toutefois décidé de tout mettre en place pour changer la donne. Le Stade Villeneuvois Lille Métropole (LMRCV), club de Villeneuve‑d’Ascq (Nord), qui évolue en Élite 1, a entamé des démarches pour proposer à ses joueuses un contrat semi-professionnel en CDD sportif, à partir de la saison prochaine. « On a mis du temps pour faire tomber les barrières autour du rugby féminin. Aujourd’hui, on a une locomotive : l’équipe de France et ses bons résultats. Il faut surfer sur ces succès et accrocher les wagons derrière, sans perdre l’élan », précise Laura Di Muzio, ancienne joueuse du XV de France et présidente du LMRCV, qui s’est mise en quête de fonds : 200 000 euros d’ici à fin mars. Jusqu’alors, aucun club n’avait tenté l’essai.
Soutenue dans ce combat par ses joueuses, elle veut impulser un mouvement au sein du rugby français. « La situation doit évoluer, de nombreuses joueuses sont dans une situation précaire. Elles jonglent entre le rugby, leurs études et un travail pour pouvoir payer le loyer. La charge mentale est considérable. Forcément, à un moment, ça coince dans un des projets. » Épuisement, fatigue, blessure, le mental et le corps des joueuses de l’Élite 1 sont mis à rude épreuve, au détriment des performances et des résultats. « Si on ne leur donne pas les moyens de s’y consacrer pleinement, elles arrêteront le rugby », poursuit l’ancienne internationale.
Actuellement, celles qui parviennent à atteindre le haut niveau mettent généralement un terme à leur carrière plus tôt que les hommes, avant 30 ans. Laura Di Muzio interpelle alors les dirigeant·es : « Quels moyens donne-t-on au rugby féminin pour grandir et progresser ? » Si la professionnalisation est amorcée, les filles espèrent rapidement transformer l’essai et faire reconnaître une profession à part entière : rugbywoman.
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