Capture d’écran 2022 05 17 à 15.25.00
Match du PSG le 14 mai où les joueurs ont porté des maillots spéciaux, au flocage arc-en-ciel. ©Capture d'écran BFMTV.

Julien Pontes du col­lec­tif Rouge Direct : « Le refus d’Idrissa Gueye est révé­la­teur d’une homo­pho­bie sys­té­mique dans le football »

Julien Pontes, porte-​parole du col­lec­tif Rouge Direct qui lutte contre l’homophobie dans le foot, revient pour Causette sur le cas du joueur du PSG Idrissa Gueye, qui n’aurait pas joué same­di soir contre Montpellier afin d’éviter de por­ter un maillot au flo­cage arc-​en-​ciel en sou­tien aux droits LGBT. Un refus symp­to­ma­tique d’une homo­pho­bie ancrée dans le football. 

Son absence sur le ter­rain n’est pas pas­sée inaper­çue et relance la ques­tion de l’homophobie dans le foot­ball. Le joueur du Paris-​Saint-​Germain Idrissa Gueye a déser­té le ter­rain same­di 14 mai contre Montpellier, lors de la jour­née dédiée à la lutte contre l’homophobie orga­ni­sée par la Ligue de foot­ball pro­fes­sion­nel (LFP), à l’occasion de laquelle les joueurs du cham­pion­nat fran­çais arborent un maillot au flo­cage arc-​en-​ciel. Une situa­tion qui s’était d’ailleurs déjà pré­sen­tée l’année der­nière, Idrissa Gueye ayant alors refu­sé de jouer, invo­quant une gastro-entérite. 

Si cette année l’entourage du joueur, contac­té par l’AFP, a refu­sé d’expliquer les rai­sons de cette absence, l’entraîneur du PSG Mauricio Pochettino a de son côté évo­qué des « rai­sons per­son­nelles », pré­ci­sant que le milieu de ter­rain « n’était pas bles­sé » avant de faire savoir hier à RMC Sport que la déci­sion du joueur est « indi­vi­duelle ». Selon France Info, l'entraîneur aurait en réa­li­té « très mal pris » la véri­table rai­son du for­fait. L'absence du joueur séné­ga­lais serait, d’après les infor­ma­tions du Parisien, moti­vée par des convic­tions reli­gieuses, Idrissa Gueye étant musul­man pra­ti­quant. Interview avec Julien Pontes, porte-​parole du col­lec­tif Rouge Direct, lan­ceur d’alerte contre l’homophobie dans le foot et plus lar­ge­ment dans le sport, qui décrypte pour Causette la polémique. 

Causette : Quelle a été votre réac­tion face au refus d’Idrissa Gueye de jouer same­di soir ? 
Julien Pontes : Nous sommes très inquiets. Nous assis­tons depuis same­di soir à un véri­table défer­le­ment de haine contre les LGBT sur les réseaux sociaux, ajou­té à des mil­liers de mes­sages de sou­tien envers ce joueur. Nous avons envoyé dimanche un cour­rier au PSG par le biais de notre avo­cat pour deman­der au club de convo­quer Idrissa Gueye – qui est en ce moment tran­quille­ment au Qatar – afin de le sanc­tion­ner et de deman­der à ce qu'il pré­sente des excuses publiques. Pour l’instant nous n’avons pas reçu de réponses. L’employeur du joueur, le PSG, doit être ferme. Bien sûr, il faut res­pec­ter la pré­somp­tion d’innocence mais son choix semble être moti­vé par ses convic­tions reli­gieuses. Il a le droit d’avoir des convic­tions mais il doit les expli­quer. Expliquer pour­quoi est-​ce que l’homosexualité est un pro­blème quand on est pra­ti­quant, qu’on soit musul­man, chré­tien ou autre. Au-​delà de la polé­mique en elle-​même, ce refus est révé­la­teur d’une homo­pho­bie sys­té­mique dans le football. 

« Il faut se poser la ques­tion du rap­port entre homo­sexua­li­té et reli­gion et pour­quoi elles coha­bitent si mal »

Julien Pontes

Selon vous, der­rière cette polé­mique se cache la ques­tion du rap­port entre l’homosexualité et la reli­gion ? 
J.P. : Oui. Il est temps d’affronter la ques­tion de la reli­gion et de l’homosexualité. Ce sont deux réa­li­tés qui coha­bitent dif­fi­ci­le­ment aujourd’hui dans le monde du foot. Cette polé­mique est fina­le­ment le moment clé pour faire bou­ger les men­ta­li­tés sur le sujet et regar­der la réa­li­té en face. Il faut se poser la ques­tion du rap­port entre les deux et pour­quoi elles coha­bitent si mal. 

Quel est l’impact de cette jour­née de lutte contre l'homophobie ? Pensez-​vous que por­ter ces maillots flo­qués de l’arc-en-ciel LGBT puisse aider la lutte ?
J.P. :
Cette jour­née qui est recon­duite chaque année depuis trois ans ne donne pas les résul­tats annon­cés. La preuve, on a vu aucun coming out dans le monde du foot­ball pro­fes­sion­nel fran­çais. Le Français Ouissem Belgacem, qui a dû aban­don­ner sa car­rière de joueur pro en rai­son de l'homophobie en est d’ailleurs le par­fait exemple. Pour nous, c’est davan­tage une opé­ra­tion de com­mu­ni­ca­tion qui s’apparente à du pink­wa­shing qu’une réelle lutte. C’est un peu « la jour­née paillette » une fois par an et le reste de l’année, c’est 364 jours d’impunité. En 2019, il y avait déjà eu une opé­ra­tion où l’on pro­po­sait aux joueurs de por­ter un bras­sard arc-​en-​ciel et on avait consta­té que beau­coup d’entre eux ne l’avaient pas mis. On nous avait répon­du que les bras­sards étaient de mau­vaise qualité. 

« On a affaire à un phé­no­mène d’homophobie qui s'enkyste »

Julien Pontes

Que devrait-​il être mis en place selon vous ? 
J.P. : Il faut mettre en place un véri­table tra­vail de fond, que ce soit dans le foot­ball ama­teur ou dans le foot­ball pro­fes­sion­nel. On a besoin de mes­sages de sen­si­bi­li­sa­tion por­tés par des asso­cia­tions par­te­naires de la Fédération fran­çaise de foot­ball (FFF) et de la Ligue de foot­ball pro­fes­sion­nel (LFP).
Ces ins­tances ne manquent pas de moyens finan­ciers, elles doivent désor­mais mettre en place des moyens humains pour lut­ter contre l’homophobie. Dans le cadre du foot­ball pro­fes­sion­nel, il faut par­ler aux joueurs toute l’année de ces ques­tions LGBT. On ne leur en parle jamais et là, on leur demande de por­ter un maillot bon gré mal gré, ça ne peut pas fonc­tion­ner. 
Il ne faut pas oublier non plus le foot ama­teur, qui repré­sente deux mil­lions de licen­ciés en France, c’est le pre­mier sport du pays. Tous les entrai­neurs de clubs ama­teurs doivent être for­més pour pou­voir réagir lorsqu’ils font face à des phrases aujourd’hui deve­nus banales sur le ter­rain : « On n’est pas une équipe de tapettes », « c’est un tir de PD ». 

« Les auto­ri­tés publiques et spor­tives doivent recon­naitre le motif homo­phobe s’il est avéré »

Julien Pontes

L'international fran­çais Antoine Griezmann fait en 2019 la Une de Têtu avec en titre "l'homophobie dans le foot, ça suf­fit !", Ouissem Belgacem sort un livre il y a un an pour bri­ser le tabou et le joueur pro­fes­sion­nel anglais Jake Daniels fait son coming out lun­di dans la presse bri­tan­nique, une pre­mière en Angleterre. Les choses changent ?
J.P. :  Si on salue évi­dem­ment le coming out de Jake Daniels, il ne fait que mettre en évi­dence le retard du foot fran­çais. Il suf­fit de se rendre dans un stade un soir de match pour consta­ter en écou­tant les chants des sup­por­ters qu’on a affaire à un phé­no­mène d’homophobie qui s'enkyste, avec l’impression que les clubs pro­fes­sion­nels se sont fer­més sur la ques­tion de l’homophobie. En 2013 on a mené une étude uni­ver­si­taire sur l’homophobie dans le foot. Les résul­tats étaient alar­mants : 41 % des joueurs pro et 50 % des joueurs en centre de for­ma­tion décla­raient des opi­nions contre l’homosexualité. La LFP doit impé­ra­ti­ve­ment refaire ce genre d'études pour mesu­rer le niveau d’homophobie. La LFP doit prendre ses res­pon­sa­bi­li­tés vis-​à-​vis des clubs qui doivent eux-​mêmes prendre leurs res­pon­sa­bi­li­tés vis-​à-​vis de leurs sup­por­ters. Il ne s’agit pas de les infan­ti­li­ser mais de leur expli­quer la loi et sor­tir de l’omerta. Parce que l’homophobie reste un délit, que ce soit dans un stade ou dans une tri­bune entre copains. Il faut sai­sir l’occasion avec Idrissa Gueye pour sor­tir de cette polé­mique par le haut. 

Lire aus­si : Homophobie dans le foot : ren­contre entre l'ancien foot­bal­leur pro­fes­sion­nel Ouissem Belgacem et le pré­sident des Ultras Indians Tolosa, Alexandre Roux

Après 48 heures de silence radio, le PSG est sor­ti de son silence hier soir en fai­sant savoir qu’il se déso­li­da­rise d’Idrissa Gueye, qui risque la sup­pres­sion de sa prime d’éthique. Qu’en pensez-​vous ? 
J.P. : Vous savez, Idrissa Gueye touche des mil­lions d’euros de salaire par an donc une prime sup­pri­mée, c’est pea­nuts. Je serais favo­rable à une sanc­tion péda­go­gique, comme un stage de sen­si­bi­li­sa­tion aux ques­tions LGBT, même si bien sûr sanc­tion­ner un joueur ça envoie un mes­sage, fort aux joueurs ama­teurs et aux sup­por­ters. Dans tous les cas, les auto­ri­tés publiques et spor­tives doivent recon­naitre le motif homo­phobe s’il est prou­vé. Si ce n’est pas fait, c’est recon­naître un droit à l’homophobie et c’est la porte ouverte à toutes les discriminations.


Rapport SOS Homophobie 2022 : les vio­lences LGBTIphobes ont per­sis­té en 2021

SOS Homophobie publie, ce mar­di, son rap­port annuel à l'occasion de la Journée mon­diale contre l'homophobie, la trans­pho­bie et la bipho­bie. L'association indique avoir reçu l'an der­nier 1515 témoi­gnages au niveau natio­nal, contre 1815 en 2020. Si les actes d'homophobie reculent, ce n'est pas le cas des actes de trans­pho­bie qui sont pour la pre­mière fois le deuxième type de LGBTIphobie rele­vé par les pôles d’écoute de l'association. Selon le rap­port les vic­times de ces dis­cri­mi­na­tions sont d'ailleurs par­ti­cu­liè­re­ment jeunes. Sur les 179 cas de trans­pho­bie rele­vés par l’association, 16% concernent des moins de 18 ans. Ces actes trans­phobes se tra­duisent majo­ri­tai­re­ment par du rejet (79% des cas), par des insultes (27%), du har­cè­le­ment (20%) ou de la dis­cri­mi­na­tion (17%).

Le rap­port sou­ligne cepen­dant deux avan­cées majeures ten­dant vers davan­tage d’égalité des droits pour les per­sonnes LGBTI : la loi qui pro­hibe les thé­ra­pies de conver­sion ain­si que la loi bioé­thique, qui a ouvert l’accès à la Procréation médi­cale assis­tée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules.

Partager
Articles liés

Inverted wid­get

Turn on the "Inverted back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.

Accent wid­get

Turn on the "Accent back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.