Six anciennes gymnastes de l’équipe de France féminine ont dénoncé des violences physiques et psychologiques dans une enquête diffusée dimanche soir dans l’émission sportive Stade 2 sur France 2.
Pour la première fois, la parole se libère dans le milieu de la gymnastique artistique française. Dans une enquête exclusive, diffusée dimanche 14 mai dans l’émission Stade 2 sur France 2 (disponible en replay), six anciennes gymnastes de l’équipe de France féminine témoignent publiquement des violences qu’elles auraient subies de la part de cadres de la fédération française de gymnastique. Quatre d’entre elles s’expriment d’ailleurs à visage découvert face à la caméra. Aujourd’hui âgées de 20 ans à 30 ans, ces jeunes femmes épinglent principalement une encadrante de l’équipe de France ainsi qu’un couple d’entraîneurs dont les identités n’ont pas été révélées par France Télévisions.
Les faits dénoncés vont de remarques et insultes notamment sur le physique jusqu’à des violences physiques et de la maltraitance. Face à la caméra de France 2, Valentine Sabatou aujourd’hui âgée de 26 ans, explique ainsi avoir été contrainte de participer à l’âge de 16 ans à une démonstration malgré une fracture à la cheville et alors que l'entraîneur était « au courant » de cette blessure et qu’elle ne pouvait plus marcher. Elle témoigne au total d’une vingtaine de blessures graves en sept ans sans que cela questionne, selon elle, les médecins de l’équipe de France ou ses entraîneur·euses. « On était uniquement des objets à performances, on s’en foutait de notre santé », déplore Valentine Sabatou qui a quitté la fédération en 2015.
Remarques répétées sur le poids
À l’instar de deux autres athlètes qui témoignent sous couvert d’anonymat, Clara Della Vedova dénonce de son côté avoir subi de nombreuses insultes, notamment sur son poids. « L'entraîneur qui vient me voir et qui me regarde de haut en bas et qui me dit, c'est quand que tu vas arrêter de grossir ?, raconte-t-elle. Je n’ai pas su quoi répondre. »
Contacté par France Télévision, l’ex-entraîneur de l’équipe de France mis en cause – qui entraîne désormais dans l’est de la France – s’est défendu par écrit. Aux accusations de négligence et de maltraitance de Valentine Sabatou, il répond qu'il est « impossible d’effectuer un exercice au sol avec une cheville fracturée. La gymnaste n’aurait certainement pas mis sa santé en danger si elle n’avait pas pu faire cette démonstration ». Il assure avoir « toujours suivi les recommandations du service médical de l’Insep [Institut national du sport, de l’expertise et de la performance, ndlr] et de la fédération française de gymnastique ». Quant aux insultes et remarques grossophobes, l’ex-entraîneur n’écarte pas sa responsabilité. « Depuis 2000, j’ai appris au fil des ans qu’une parole une fois lancée, même dans le feu de l’action sportive, peut un jour ressurgir, atteste-t-il. Je regrette que celle que j’aurais ainsi prononcée, ait pu choquer une gymnaste que j’accompagnais vers le haut niveau olympique ».
Violences physiques
Les anciennes gymnastes pointent aussi la responsabilité d’une haute responsable de l’équipe de France féminine de gymnastique artistique. Elles dénoncent notamment de nombreuses critiques sur leur physique. Une pression telle que certaines ont parfois mis leur santé en danger. Camille Bahl – en équipe de France entre 2014 et 2017 de ses 14 à 19 ans – déclare ainsi avoir subi des remarques répétées sur son physique et son alimentation de la part de cette responsable. « Elle me demandait de perdre trois kilos en une semaine, explique l’ancienne gymnaste. Ça m’est arrivé de manger que des pommes pendant quatre jours. »
De son côté, Marine Petit, 15 ans à l’époque des faits qu’elle dénonce, témoigne avoir été giflée par cette encadrante après avoir participé à une fête lors des jeux olympiques de Pékin en 2008.
Invitée sur le plateau de Stade 2, la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra s’est dit « bouleversée » par ces témoignages. Elle a assuré ne pas avoir eu connaissance de ces accusations et a annoncé l’ouverture d’une enquête après la diffusion de l'émission. « Ce qu’il faut, c’est qu’on puisse ouvrir une enquête et on va le faire dès demain (lundi) matin avec les équipes du ministère des Sports », a‑t-elle déclaré, précisant qu’elle allait convoquer le président de la Fédération française de gymnastique, James Blateau. Pour le moment, les personnes mises en cause par les gymnastes n’ont reçu aucune sanction pénale ou disciplinaire. De son côté, la Fédération française de gymnastique n’a pas réagi à la diffusion du reportage.
Lire aussi I Comment Simone Biles est en train de crever le tabou de la santé mentale chez les athlètes