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Gymnastique ryth­mique : le com­bat de Peterson Ceus devant le Conseil d'État pour pro­fes­sion­na­li­ser les hommes

La gymnastique rythmique (GR) est l'un des deux sports, avec la natation synchronisée, à ne pas avoir de catégorie masculine aux Jeux olympiques. Une discrimination aux yeux de Peterson Ceus. Depuis plusieurs années, le jeune homme de 22 ans est devenu l'image de cette lutte pour la parité en GR. Il a défendu sa cause devant le Conseil d'État, vendredi 8 octobre.

À l'entrée du Conseil d'État dans le Ier arrondissement de Paris, vendredi 8 octobre, Peterson Ceus, 22 ans, s'apprête à assister à une audience publique d'une grande importance pour lui. Par le biais de son association de défense de l’égalité hommes-femmes en gymnastique rythmique (Grade), il lance, à l'été 2020, une requête contre la Fédération Française de Gymnastique (FFG) et le Premier ministre. « Je me bats pour qu'un jour en GR, il puisse y avoir une catégorie masculine lors des compétitions. Tous les autres sports en ont une, pourquoi pas nous ? », s'interroge le jeune homme. Même s'il est souriant, il est mal à l'aise, et pour cause. Deux jours auparavant, il a appris qu'à l'issue de l'audience publique, prévue à 14h, la rapporteure publique, chargée d'exposer les faits et circonstances du litige puis de donner son opinion, allait rejeter leur requête. Une déception pour toute l'association, d'environ 70 membres, dont il est le président.

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Avant d'entrer dans le Conseil d'État, Peterson Ceus et l'avocat de l'association Grade, Me Arthur Sauzay, se demandent bien quelle est la raison de ce rejet. Ils sont entourés par les caméras de la société de production Panama films, qui suivent le gymnaste depuis 3 ans dans sa lutte. Lors de l'énoncé des faits, la rapporteure publique explique que leur requête est totalement justifiée et qu'il existe une « discrimination indirecte pure ». Mais elle finit son énoncé en expliquant que le Conseil d'Etat n'est pas en mesure de trouver la solution à ce problème. Selon elle, la solution se trouve auprès des institutions sportives et politiques, du ministère mais pas auprès de la justice. La décision ne sera rendue que dans deux semaines mais les dés semblent déjà jetés. Peterson Ceus et son équipe veulent rester positifs. « Elle nous a tout de même appris des choses. La notion de discrimination indirecte pure par exemple », observe le jeune homme.

Symbole d'une lutte

Cette audience est un premier grand pas pour une lutte qu’il a engagé très jeune. En 2014, il a 15 ans lorsqu’il participe à l’émission La France a un incroyable talent, sur M6. Il n’est pas sélectionné pour l’étape suivante mais ce passage lui permet de mettre en avant la présence des hommes dans la gymnastique rythmique. Il enchaîne par la suite, les témoignages dans les médias où il raconte son parcours et ses envies de faire de la gymnastique rythmique son métier. Or, pour obtenir le statut haut-niveau auprès du ministère des sports et donc vivre de la gymnastique rythmique, il faut avoir certains prérequis. En GR, c'est notamment être en catégorie élite et/ou faire partie de l'équipe de France, mais ces deux catégories excluent les hommes. Ne pas être considéré comme sportif de haut-niveau veut dire pas de subventions ni d'aménagements de l'emploi du temps à l'école. Des contraintes qui rendent très difficile le parcours de Peterson Ceus. Malgré tout, avec sa famille et sa mère en particulier, il investit de grosses sommes pour continuer à rêver. « La GR est un sport très onéreux, pour le pratiquer, voyager etc. j'ai dû me débrouiller avec l'aide de ma mère. » Cet argent lui sert à se déplacer en Europe pour assister à des stages, promouvoir la GR masculine mais aussi participer à certaines compétitions.

Pour faire avancer les choses, en août 2018, il crée son association, Grade, dans le but de mener son combat. Finalement, le 26 septembre dernier, il annonce dans un post sur ses réseaux sociaux qu'il a entamé un recours auprès du Conseil d’État à l’encontre de la Fédération Française de Gymnastique (FFG) mais elle n’est pas la seule visée. « On a décidé d'attaquer aussi le Premier Ministre parce que nous considérons qu'aujourd'hui, les règles d'accession au haut-niveau sont totalement discriminatoires », explique son conseillé Arthur Sauzay.

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Une combativité malgré les obstacles

Dans les nombreux échanges qu'ils ont eu, la FFG a expliqué dans un courrier adressé à Peterson Ceus que la catégorie masculine n’est pas encore d’actualité car il n’y a pas assez d’adhérents. En janvier 2020, sur 32 272 licencié·es en gymnastique rythmique, seuls 385 étaient des hommes. Le Comité International Olympique (CIO), avance les mêmes raisons. Mais pour Me Arthur Sauzay, cette excuse n’est pas valable. « Même la rapporteuse est d'accord sur ce sujet. Et puis l'Espagne a ouvert une catégorie en 2009 avec un nombre très faible d'adhérents au départ. » C’est d’ailleurs chez le voisin européen que le jeune homme s’est rendu en 2020 pour participer au championnat national dans la catégorie masculine. Une compétition qu’il remporte, dans la sous-catégorie des participants étrangers. 

Ce mordant, il le tire de cette passion dévorante qu'il a pour un sport qui ne lui offre aucun avenir. La gymnastique rythmique est née dans les années 40 en Union Soviétique avant de devenir une discipline olympique à l’occasion des Jeux de Los Angeles en 1984. Ce sport consiste à réaliser une chorégraphie mêlant difficultés corporelles, danse et maitrise des « engins » que sont le ruban, le ballon, les massues, la corde et le cerceau. Mais dans les compétitions internationales, cette discipline est exclusivement réservée aux femmes. Peterson Ceus découvre ce sport lorsqu’il a 10 ans. Il fait ses premiers pas dans le club de sa ville, Cergy (Val d’Oise), où rapidement, il se démarque. Dans ce sport quasi exclusivement féminin, la présence du jeune homme détonne, mais ce n’est pas la première fois qu’un garçon participe à des compétitions. Depuis des années, ils pratiquent ce sport. Les hommes ne sont pas nombreux, mais ils sont présents.

« On est tolérés au mieux, mais pas du tout considérés.»

Peterson Ceus

Ses excellents résultats lui permettent de se distinguer dans les compétitions qui l'opposent aux filles. Très vite, il devient une célébrité dans le monde de la GR française, avec son lot d’admirateur·rices et de détracteur·rices. « Il y a eu des compétitions où des mamans de concurrentes me demandaient ce que je faisais là. Comme si je n'avais pas le droit d'y être », raconte le gymnaste. Sur le praticable de gymnastique, Peterson Ceus brise les codes binaires de notre société, il excelle dans ce sport « féminin » et atteint les plus hautes sphères nationales. C’est en obtenant ces résultats qu’il se met à rêver de vivre d’une carrière professionnelle et internationale. Pour lui, cependant, pour le moment, ce rêve est hors de portée, les hommes ne pouvant participer qu'aux championnats nationaux. Pour Peterson Ceus, leur présence est simplement tolérée. « Les garçons ont juste le droit de participer aux compétitions dans les catégories féminines. On est tolérés au mieux, mais pas du tout considérés. » De fait, ils participent à des compétitions qui sont faites et organisées pour des femmes, ce qui n'est pas sans poser question sur l'iniquité que peut représenter les différences de force physique avec un concurrent masculin.

Lorsque la décision du Conseil d'État sera connue à la fin du mois d'octobre, peu importe le résultat, Peterson Ceus et toute son équipe continueront ce combat. À côté de ce recours judiciaire, le jeune homme continue de promouvoir son sport. Pour la rentrée sportive, avec son club d'Anthony GR (Hauts-de-Seine) il a ouvert un cours consacré aux garçons. Pour le moment, il a accueilli 7 gymnastes. « J'ai l'impression qu'à part moi, personne ne veut s'emparer de cette lutte alors je continuerai tant qu'il faudra, témoigne-t-il. Et puis, même si je ne profite pas finalement des futures avancées, si d'autres le peuvent, je serai satisfait. »

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