Emmanuel Macron 2019 10 09 03
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« Les cadres fami­liaux ont explo­sé » : Emmanuel Macron s'attaque (encore une fois) aux familles monoparentales

ÉDITO. « On constate que les cadres fami­liaux et édu­ca­tifs ont explo­sé. Une immense majo­ri­té des per­sonnes inter­pel­lées vient de familles mono­pa­ren­tales ou de l'Aide sociale à l'enfance. Cela montre que le chan­tier de la famille est essen­tiel. » Dans son inter­view au jour­nal Le Point, Emmanuel Macron a une fois de plus poin­té du doigt les familles mono­pa­ren­tales et leur sup­po­sée res­pon­sa­bi­li­té dans les émeutes qui ont émaillé la pre­mière année de son deuxième quinquennat.

Dans cet entre­tien fleuve, le pré­sident de la République semble faire la sourde oreille à la colère et à la las­si­tude d'une grande par­tie de la popu­la­tion au moment des émeutes. Surtout, il semble en oublier l'origine. À savoir : une vio­lence poli­cière ayant conduit à la mort du jeune Nahel. Lui n'y voit qu'un « immense défer­le­ment de vio­lence » et une « volon­té de ven­geance contre les forces de police, l'État, et tout ce qu'il repré­sen­tait ».

Plutôt que ques­tion­ner une vio­lence sys­té­mique, ou a mini­ma, de recon­naître cette vio­lence policière-​là, le Président pré­fère dési­gner des cou­pables tou·tes trouvé·es : les familles mono­pa­ren­tales et l'Aide sociale à l'enfance (ASE). En juillet, lors d'une inter­view télé­vi­sée, le chef de l'État avait déjà poin­té du doigt ces jeunes « qui, pour une écra­sante majo­ri­té, ont un cadre fami­lial qui est fra­gi­li­sé, soit parce qu’ils sont dans des familles mono­pa­ren­tales – ils sont éle­vés par un seul de leurs parents – soit parce qu’ils sont à l’Aide sociale à l’enfance », avant d'appeler à « un retour de l’autorité à chaque niveau, et d’abord dans la famille ».

À lire aus­si I Mort de Nahel : « Aujourd'hui en France, beau­coup de monde s’identifie à cette victime »

La France compte 1,5 mil­lions de familles mono­pa­ren­tales. Et clai­re­ment, ces der­nières ne méritent pas de se voir une nou­velle fois cari­ca­tu­rées. Parce qu'il n'y a qu'un·e seul parent·e qui est une femme, dans 80% des cas , il y aurait for­cé­ment un cadre fami­lial « fra­gi­li­sé » ou « explo­sé » ? Des lacunes dans l'éducation des enfants ? Un manque d'autorité ? Forcément, elles lais­se­raient traî­ner leurs fils et leurs filles ? C'est non seule­ment stig­ma­ti­sant mais aus­si extrê­me­ment humi­liant pour elles. C'est insi­nuer que, sans figure pater­nelle, puisque c'est bien de cela qu'il s'agit, il n'y aurait pas d'autorité possible. 

Lors des émeutes de 2005, on avait déjà enten­dues ces insi­nua­tions, comme le rap­pelle le thé­ra­peute fami­lial Jean-​François Le Goff, dans un article paru en 2011 dans la revue Dialogue : « Les familles mono­pa­ren­tales ont alors été accu­sées d’être l’une des causes de ces désordres sociaux ; on décri­vait des mères débor­dées et impuis­santes – ayant sub­ti­le­ment éli­mi­né ou dis­cré­di­té la fonc­tion pater­nelle, lais­sant ain­si leurs enfants, sans repère, aller à la dérive, subir de "mau­vaises influences" et inca­pables de s’intégrer à la socié­té. »

Alors, quoi, on stig­ma­tise et on recom­mence ? On laisse pen­ser que la solu­tion est de « sanc­tion­ner finan­ciè­re­ment » les familles, comme l'avait lan­cé Emmanuel Macron cet été, ima­gi­nant « une sorte de tarif mini­mum dès la pre­mière conne­rie » com­mise par un enfant ? Ne faudrait-​il pas, plu­tôt, les accom­pa­gner, ces mères, en par­ti­cu­lier finan­ciè­re­ment ? Car c'est bien la pré­ca­ri­té qui crée de la ten­sion, de la vio­lence, et des jour­nées sans fin pour ces femmes qui doivent cumu­ler trois jour­nées en une… « J'ai par­lé de déci­vi­li­sa­tion il y a quelques mois. C'est bien cela que nous avons vu. Il faut donc s'atteler à reci­vi­li­ser », a conclu le loca­taire de l'Élysée dans Le Point. Pour espé­rer du civisme, il fau­drait com­men­cer par consi­dé­rer les gens dignement.

À lire aus­si I Émeutes : retour sur une semaine de sor­ties poli­tiques lunaires

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