Baptiste Beaulieu : « En 2029, le genre est recon­nu pour ce qu’il est : une norme sociale »

Pour les dix ans de Causette, Baptiste Beaulieu a accep­té de nous écrire depuis le tur­fu, tel qu’il l’imagine. Bienvenue en 2029.

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Salut Causette !

Ici, en 2029, pas mal de choses ont chan­gé en ce qui nous concerne, et la pre­mière, c’est qu’on peut enfin se tenir la main dans la rue sans peur !

J’en pro­fite pour te don­ner des nou­velles de l’hétérosexuel de base, celui qui marche à côté de moi dans la rue… Crois-​le ou pas, il a ces­sé de sous-​entendre que les femmes les­biennes le seraient par dépit des hommes. Maintenant, plus grand monde ne conteste qu’une femme pre­nant un homme dans ses bras le soir pour s’endormir ne des­sine pas là, dans l’espace d’une chambre à cou­cher, un geste plus tendre ou plus doux que deux femmes ou deux hommes ensemble qui construisent un couple aus­si valide qu’un autre.

Aussi, ça fait trois ans (elles sont tou­jours la der­nière roue du car­rosse) qu’on a ces­sé d’exiger des per­sonnes trans de pas­ser devant tout un tas de méde­cins pour obte­nir le droit d’être léga­le­ment qui elles sont. Leur droit à l’autodétermination leur est, enfin, acquis. Le genre, d’ailleurs, est recon­nu pour ce qu’il est : une norme sociale. Quant à la bina­ri­té homme/​femme, peu de gens en contestent encore l’aberration. Pfff ! Quelle injus­tice faite toutes ces années à l’extraordinaire pou­voir de créa­ti­vi­té de Mère Nature où rien ne naît fixé, mais où tout se déplace, vibre, est fluide !

Sache, chère Causette, que ça y est : l’hétérosexuel qui marche à côté de moi ne conteste plus la vali­di­té de nos amours sur les pla­teaux télé, ne juge plus nos vies avec l’œil froid d’un ento­mo­lo­giste prêt à épin­gler un papillon sur son tableau en liège. Il arrête de par­ler de nous comme si nous n’existions pas, et cesse de s’approprier nos orien­ta­tions, nos iden­ti­tés, nos his­toires, à des fins poli­tiques. D’ailleurs, depuis 2029, on regarde ceux qui défi­lèrent contre notre droit à s’aimer et fon­der une famille avec la même intran­si­geance qu’on regarde ces Blancs qui refu­sèrent de par­ta­ger leur bus avec les Noirs, car ils sont de la même espèce, ces gens-​là. Ils ont tou­jours exis­té, mais il faut, à chaque fois, que Noir·es, gays, femmes, handicapé·es… remontent sur le ring pour démas­quer la bête immonde der­rière le ver­nis poli­cé d’une pen­sée poli­tique visant ni plus ni moins l’annihilation de ce qui lui est dif­fé­rent, autre, inconnu.

Sais-​tu que, main­te­nant, il y a des expo­si­tions pour rendre aux artistes les vraies amours qui furent les leurs ? Tant de bio­gra­phies ont été réécrites, tant de véri­tés ren­dues… Nous n’avons plus aucun mal à recon­naître l’incroyable contri­bu­tion cultu­relle et scien­ti­fique que la com­mu­nau­té LGBT+ a appor­tée à l’humanité depuis l’aube des temps. Alan Turing, Marguerite Yourcenar, Frida Kahlo, Sonia Rykiel, Françoise Sagan, Rudyard Kipling, Jules Verne, Honoré de Balzac, Gustave Flaubert… autant de LGBT+ méconnu·es tel­le­ment l’hétéronormativité nous a étouf­fés durant des cen­taines d’années !

En vrai (et je te lais­se­rai sur ces paroles d’espoir, Causette), les choses n’étaient pas si com­pli­quées, il suf­fi­sait pour y arri­ver de se rendre à l’évidence : les per­sonnes LGBT+ sont plus qu’une simple chance pour l’humanité, elles en repré­sentent l’extraordinaire diver­si­té des amours, des iden­ti­tés, et donc des visages.

C’est, je crois, ce qu’arrive (ENFIN !) à pro­cla­mer l’hété­rosexuel qui marche à mes côtés : « Les LGBT+, dit-​il, vous avez été, vous êtes et vous serez tou­jours une chance pour l’humanité. Le temps d’une exis­tence est trop court pour mar­quer cette oppor­tu­ni­té du fer rouge de la honte. Célébrons cette chance ! Après tout, nous mar­chons côte à côte et ça, tu vois, ce n’est pas toi que cela doit rendre fier, c’est moi. » 

Baptiste Beaulieu est méde­cin géné­ra­liste et roman­cier. Il est l’auteur du blog Alors voi­là, pour récon­ci­lier soignant·es et soigné·es, et anime une chro­nique le lun­di à 10 h 45 sur France Inter.

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