Mise à jour du 20/09/2023 : la secrétaire d’État chargée de la Jeunesse et du SNU, Prisca Thévenot, a annoncé hier sur Brut la volonté du gouvernement d’aller vers une “obligation et généralisation” du Service national universel prochainement. Elle a précisé toutefois que les modalités de cette généralisation restent à définir.
Le coup de gueule de Jean-Michel Bocquet, professeur en sciences de l’éducation à l’université Sorbonne-Paris-Nord.
![“Le SNU, que le gouvernement veut rendre obligatoire, utilise les artifices des pédagogies autoritaires” 2 IMG 3288 2](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2023/04/IMG_3288-2-708x1024.jpg)
“Le gouvernement envisage de rendre le Service national universel (SNU) obligatoire dès la rentrée prochaine. Or ce dispositif pose sérieusement question. D’un point de vue pédagogique, on est sur une forme hyper scolaire, déjà présente partout dans la vie de nos enfants (à l’école, dans les conservatoires, les clubs sportifs, parfois en colonies de vacances…). Et l’énorme inconvénient avec cette forme pédagogique, strictement descendante, est un décalage majeur entre les valeurs théoriques transmises (sur la démocratie, les valeurs républicaines, l’engagement citoyen) et la réalité que vivent les jeunes.
Le SNU utilise les artifices des pédagogies autoritaires, dans une caricature qu’on peut qualifier de policière : les jeunes, vêtus en blanc et bleu, en uniforme, se tiennent devant les drapeaux français, sont contraints de faire la même chose au même moment… On flatte une espèce de patriotisme en carton-pâte et, à l’échelle d’un pays, on joue avec des outils dangereux. L’esprit, c’est vraiment de “dresser les corps pour dresser les âmes”, de régénérer la jeunesse pour lui redonner une droiture morale. Et cela s’inscrit dans une forme viriliste, puisque le modèle du jeune “régénéré” proposé aux filles et aux garçons est en réalité très masculin : c’est celui d’un individu plutôt garçon, plutôt fort, sportif, qui se tient bien, qui se lève tôt, etc.
Pour le moment, les jeunes qui participent au SNU sont plus ou moins volontaires. Mais le jour où le dispositif sera étendu à tous [soit 800 000 jeunes par an, ndlr], on aura parmi eux des enfants fragiles, en difficulté scolaire, en situation de handicap, des jeunes de l’Aide sociale à l’enfance… Ce que la République va offrir à ces jeunes, c’est un dispositif qui n’est ni inclusif ni universel, et qui va renforcer la violence que la société exerce sur eux.”