GENERATION
© Polina Tankilevitch

Génération Z : le fos­sé idéo­lo­gique se creuse entre les jeunes hommes et les jeunes femmes

Depuis #MeToo, un fos­sé idéo­lo­gique s’est créé entre les jeunes femmes et hommes de la Génération Z. Un constat qui ne risque pas d’arranger nos bidons de “réar­me­ment démographique”.

Un fos­sé idéo­lo­gique s'est creu­sé entre les jeunes hommes et les jeunes femmes”, affirme le jour­na­liste anglais John Burn-​Murdoch dans un article du Financial Time. Il s’appuie, pour ce faire, sur les récents son­dages de l’entreprise Gallup – qui a enquê­té sur les ten­dances poli­tiques de la géné­ra­tion Z – et sur les recherches de la pro­fes­seure à l’Université de Stanford Alice Evans et ce qu’elle nomme la “diver­gence des genres”.

Le constat du jour­na­liste est le sui­vant : les jeunes femmes sont de plus en plus sus­cep­tibles de s’identifier comme “pro­gres­sistes” et de voter à gauche, tan­dis que les jeunes hommes res­tent plus conser­va­teurs. Les Gen Z se scindent ain­si en deux, avec des visions du monde oppo­sées, dans un mou­ve­ment qui s’affranchit des géné­ra­tions pré­cé­dentes qui culti­vaient des ten­dances idéo­lo­giques simi­laires. Gallup constate cette évo­lu­tion chez les 18–30 ans aux États-​Unis, en Corée du Sud, ou encore en Allemagne, dans de larges pro­por­tions. La ques­tion n’est donc plus de se deman­der si les jeunes femmes et les jeunes hommes ont des idéo­lo­gies dif­fé­rentes, mais bien d’où émanent ces diver­gences avérées. 

“Polarisation idéo­lo­gique genrée”

Aux États-​Unis, l’apparition de ce fos­sé idéo­lo­gique – en six ans – cor­res­pond aux pre­miers évé­ne­ments de ce qui devien­dra le mou­ve­ment #MeToo. D’après John Burn-​Murdoch, ce der­nier est “l’élément déclen­cheur, don­nant nais­sance à des valeurs farou­che­ment fémi­nistes chez les jeunes femmes qui se sont sen­ties aptes à s’exprimer contre des injus­tices qui per­du­raient depuis long­temps”. No shit, Sherlock. Alice Evans insiste par ailleurs sur l’émergence d’une “culture publique fémi­ni­sée” – voire “fémi­nis­tée” – pour expli­quer cette récente “pola­ri­sa­tion idéo­lo­gique gen­rée”, selon ses termes. Si la cher­cheuse sou­ligne que cette scis­sion est sur­tout rele­vée “dans les pays éco­no­mi­que­ment déve­lop­pés et cultu­rel­le­ment libé­raux”, elle s’observe éga­le­ment en Afrique. 

"Dans la plu­part des pays, les femmes ont ten­dance à se tour­ner vers des idées de gauche tan­dis que les hommes res­tent immo­biles", affirme le jour­na­liste du Financial Time, qui note cepen­dant "des signes que les jeunes hommes se tournent acti­ve­ment vers la droite en Allemagne, où les moins de 30 ans d'aujourd'hui sont plus oppo­sés à l'immigration que leurs aînés et ont évo­lué vers le par­ti d’extrême droite AfD au cours des der­nières années.” S’il y a bien des excep­tions – on note­ra en France Thaïs d’Escufon, grande défen­seuse des causes iden­ti­taires et mas­cu­li­niste –, la ten­dance est donc à davan­tage de pro­gres­sisme chez les femmes. De leur côté, les hommes, mena­cés dans leurs pri­vi­lèges, pren­draient peur devant tant d’émancipation fémi­nine et s’enliseraient dans les théo­ries réac­tion­naires. Le fameux back­lash.

Lire aus­si I Enquête sur la croi­sade anti­fé­mi­niste de Thaïs d’Escufon 

Le jour­na­liste cite éga­le­ment l’influence des “bulles de filtres”, ou “la pro­li­fé­ra­tion des smart­phones et des médias sociaux [qui] signi­fie que les jeunes hommes et les jeunes femmes vivent de plus en plus dans des espaces et des cultures dis­tincts”. Les algo­rithmes poussent ain­si les indi­vi­dus à consom­mer des sources d’information pola­ri­sées, où les opi­nions de chacun·e sont constam­ment réaf­fir­mées, sans pos­si­bi­li­té de tom­ber par hasard sur du conte­nu plus pro­gres­siste pour les un·es ou plus conser­va­teur pour les autres. À la fois une béné­dic­tion et une malédiction.

Sociétés divi­sées

La pola­ri­sa­tion des opi­nions peut avoir des réper­cus­sions sur l’avenir – notam­ment poli­tique – d’un pays. John Burn-​Murdoch sou­ligne en ce sens le cas de l’élection pré­si­den­tielle de 2022 en Corée du Sud, où les hommes ont voté en masse pour le par­ti de droite People Power, tan­dis que les femmes sou­te­naient le par­ti démo­crate libé­ral “dans des pro­por­tions presque égales et oppo­sées”. Selon le jour­na­liste, la situa­tion coréenne doit ser­vir d’avertissement : “La socié­té y est divi­sée en deux. Le taux de mariages s’est effon­dré et le taux de nata­li­té a chu­té pré­ci­pi­tam­ment, tom­bant à 0,78 nais­sance par femme en 2022, soit le taux le plus bas de tous les pays du monde”, décrit le journaliste.

En France, au der­nières élec­tions, si le Rassemblement National est par­ve­nu à ral­lier au moins une fois 46 % des 25–34 ans, ”aucune dif­fé­rence n’émerge entre les hommes et les femmesd’après l’Ifop. éric Zemmour ras­semble, quant à lui, davan­tage d’hommes, mais plus âgés. Le fos­sé cultu­rel se creuse néan­moins, avec la popu­la­ri­té gran­dis­sante des dis­cours mas­cu­li­nistes en ligne, amas­sant de plus en plus de vues, notam­ment chez les jeunes mecs. En paral­lèle, “les femmes, jeunes notam­ment, sont bien plus conscientes des inéga­li­tés que les jeunes hommes [et] se disent plus fémi­nistes (48 % contre 34 % des hommes)”, selon un son­dage d’ONU Femmes France. Difficile, dans ces condi­tions, d’imaginer faire rimer “pola­ri­sa­tion idéo­lo­gique” et “réar­me­ment démo­gra­phique” de sitôt.

Partager
Articles liés

Inverted wid­get

Turn on the "Inverted back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.

Accent wid­get

Turn on the "Accent back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.