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Enquête sur la croi­sade anti­fé­mi­niste de Thaïs d’Escufon 

On connaissait Thaïs d’Escufon visage de Génération identitaire (GI) puis “influenceuse d’extrême droite” depuis la dissolution du mouvement en mars 2021. Voilà qu’on la découvre depuis quelques mois, influenceuse masculiniste spécialiste des rapports entre les femmes et les hommes. Décryptage d’un virage dangereux, plus que jamais antiféministe. 

26 mars 2023. Après un peu moins de deux ans de vidéos essentiellement consacrées à des thématiques identitaires estampillées extrême droite, Thaïs d’Escufon confirme un virage entamé déjà depuis plusieurs semaines. Dans une vidéo intitulée “Ce que vous ne verrez plus sur ma chaîne”, l’ex-porte-parole de Génération identitaire (GI) de 24 ans, reconvertie en influenceuse d’extrême droite depuis la dissolution du mouvement en mars 2021, annonce se lancer dans une nouvelle thématique : le masculinisme. 

“Le combat électoral est un objectif lointain, difficilement atteignable dans les conditions actuelles parce que notre vision du monde est juste, mais trop abstraite et n’apporte pas de solution concrète”, affirme-t-elle face caméra, faisant alors allusion à son engagement dans la campagne électorale d’Éric Zemmour en 2022. Une “défaite” selon ses termes, qui l’amène visiblement à un changement de paradigme. “La question identitaire ‘pure’ reste capitale, rappelle la jeune femme un peu plus loin. Mais je me rends compte du caractère crucial de la masculinité pour permettre la renaissance de cette identité. Sans une armée d’hommes valeureux prêts à défendre leur terre envers et contre tout, rien ne sera possible.” Au menu de la chaîne de Thaïs 2.0 ? La psychologie des relations hommes-femmes désormais. Tout un programme.

Parcours militant

Avant de revenir plus en profondeur sur les thèses défendues par la youtubeuse, une mise au point s’impose. Qui est donc Thaïs d’Escufon ? Visage d’ange, cheveux blonds et regard bleu perçant, Anne-Thaïs du Tertre d’Escoeuffant – de son vrai nom – s’est d’abord fait un nom à travers le mouvement politique d’extrême droite, Génération identitaire (GI). Quatrième d’une famille bourgeoise et catholique de neuf enfants, la jeune femme intègre en effet la section toulousaine du collectif d’extrême droite en 2018. Alors étudiante en langue étrangère à la faculté Le Mirail de la ville Rose, Thaïs d’Escufon est rapidement de toutes les actions.

Outre les traditionnels collages, elle se distingue également dans des opérations plus violentes, à l’image d’une intrusion dans les locaux de l’ONG humanitaire SOS Méditerranée à Marseille, en octobre 2018, qui lui vaudra d’ailleurs une condamnation à huit mois de prison avec sursis. Au palmarès judiciaire de l’influenceuse, on retrouve également une autre condamnation à deux mois de prison avec sursis pour “injures publiques” à la suite de la diffusion de vidéos sur une tournée antimigrant·es du groupuscule d’extrême droite dans les Pyrénées.

Mais c’est véritablement lors d’une manifestation contre le racisme et les violences policières, organisée le 20 juin 2020 sur la place de la République, à Paris, par le collectif Justice pour Adama, que son rôle au sein du mouvement prend une ampleur médiatique. Ce jour-là, des militant·es identitaires suspendent une banderole “Justice pour les victimes du racisme anti-blanc” sur le toit d’un immeuble de la place parisienne. Thaïs d’Escufon, perchée sur une cheminée, cheveux au vent et fumigène à la main, se filme alors, expliquant les raisons de ce happening. La courte vidéo devient rapidement virale sur les réseaux sociaux. Le nom de Thaïs d’Escufon aussi. On lui déroule le tapis rouge sur les plateaux et dans les colonnes de médias d’extrême droite comme Boulevard Voltaire, TV Libertés ou Causeur. La nouvelle tête d’affiche de GI, qui devient rapidement – de fait – le visage du mouvement, est aussi invitée dans des émissions grand public comme Balance ton post.

Reconversion numérique

Dix mois après ce coup d’éclat, en mars 2021, Gérald Darmanin, alors ministre de l’Intérieur, sonne la fin de la récré pour Génération identitaire en annonçant la dissolution du mouvement en raison de son racisme et de sa violence (décision confirmée par le Conseil d’État le 3 mai). Une dissolution qu’elle confesse à Causette avoir vécue comme “un deuil personnel”. “J’ai dû dire adieu à un mouvement de jeunes comme moi, qui m’avait construite, où j’avais appris tant de choses et vécu des aventures extraordinaires, un mouvement auquel j’avais prêté mon visage et mon nom, explique-t-elle. Ma détermination, elle, était intacte. Je savais que j’allais continuer à porter mon combat.”

Un mois pile plus tard et après avoir été censurée successivement sur Instagram, Twitter et Facebook pour ses propos réactionnaires, Thaïs d’Escufon se replie sur YouTube. Elle publie sa première vidéo au titre évocateur : “JE PARS EN CROISADE SUR YOUTUBE !”  Comme plusieurs comptes d’extrême droite, en décembre 2022, deux mois après le rachat de Twitter (aujourd’hui X) par Elon Musk, Thaïs d’Escufon était de retour sur le réseau social, où elle compte aujourd’hui pas loin de 60 000 abonné·es.

Profession : youtubeuse ? 

Vignettes travaillées, plans fixes, vidéos postées régulièrement, esthétique léchée, titres accrocheurs en majuscules : la jeune femme embrasse totalement son nouveau statut de youtubeuse en épousant les codes de la plateforme. Une appropriation observée chez la plupart des influenceur·euses d’extrême droite, comme l’explique Achraf Ben Brahim dans son livre Pourquoi l'extrême droite domine la toile : le grand remplacement numérique, publié en mai dernier aux éditions de l’Aube :  “YouTube n’est pas utilisé comme un simple moyen d’hébergement. Un véritable effort est fait pour adapter le contenu aux formats modernes et aux codes de publication qui rappellent les youtubeurs à succès. […] Rien n’est laissé au hasard.” De quoi engranger partenariats et sponsoring avec des marques identitaires et donc percevoir des revenus.

Le militantisme identitaire de Thaïs d’Escufon n’est plus seulement sur les plateaux de télévision, il est désormais sur le Web, comme elle l’annonce frontalement dans sa première mouture. “On manque de jeunes de droite qui s’assument à visage découvert sur Internet, explique-t-elle à Causette. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de créer cette chaîne YouTube : pour proposer une alternative à des jeunes qui, comme moi, ne se retrouvent pas dans le modèle de société qu’on leur propose.”

Créneau porteur

Comment expliquer cette reconversion numérique ? “La dissolution de Génération identitaire et ses problèmes de justice ont porté un coup à l’engagement identitaire de Thaïs d’Escufon et à son action directe, juge Francis Dupuis-Déri, politologue et enseignant à l’université du Québec, spécialiste de l’antiféminisme et des masculinistes. Avec cette chaîne YouTube, elle a trouvé un créneau qui est beaucoup plus sécuritaire, c’est-à-dire moins engageant physiquement et juridiquement.” Un créneau porteur : sa chaîne comptabilise à ce jour 201 000 abonné·es et chacune de ses 140 vidéos cumule à chaque fois entre 70 et 492 000 vues. 

Elle talonne désormais des poids lourds numériques de la droite radicale tels que Baptiste Marchais, qui compte 279 000 abonné·es ; Papacito, 260 000 avant la fermeture de sa chaîne en juin par YouTube ; Julien Rochedy, 165 000 ; ou encore Stéphane Édouard, 392 000 abonné·es. Un succès qui se comprend également à l’aune des transformations de la communication et de l’activité politique. “Elle incarne la professionnalisation d’un militantisme de clavier, qui se rapproche de l’influence, au profit d’une cause politique ou partisane, explique ainsi Magali Della Sudda, char­gée de recherche au CNRS et autrice du livre Les Nouvelles Femmes de droite (éd. Hors d’atteinte, 2022). C’est une manière d’élargir les possibilités de vivre par et pour la politique sans être élue ou collaboratrice d’élus. Ce peut être l’occasion de conquérir une audience plus large et d’être rétribuée en plaçant des produits de marques associées aux valeurs politiques des identitaires.” 

Virage éditorial

Tout ceci nous amène donc au 26 mars 2023, date à laquelle Thaïs d’Escufon formalise son virage éditorial masculiniste. Pourquoi ? “D’une part, je ressentais une certaine lassitude, j’avais l’impression de tourner en rond sur les mêmes sujets et de ne parler qu’à des convaincus, explique l’intéressée auprès de Causette. D’autre part, après la défaite de Zemmour aux présidentielles, je commence à douter de la victoire simplement politique. Après ça, j’ai commencé à m’intéresser aux questions du féminisme, de la psychologie des sexes et tout ce qui y touche plus largement.” Sur Youtube, elle se définit elle-même comme une “ex-porte-parole de Génération identitaire, vidéaste militante” traitant désormais de la “psychologie des rapports hommes-femmes”

Une thématique qui ratisse sans aucun doute un public plus large. Car, rappelons-le, le masculinisme séduit dans tous les milieux, aussi bien à droite qu’à gauche du spectre politique. “Ce n’est pas pour rien, je pense, qu’elle fait des vidéos à destination des différentes catégories de la manosphère [réseau de communautés masculines en ligne promouvant des croyances anti-féministes, ndlr]. Elle cherche à s’adresser à ces hommes qui ne sont pas nécessairement d’extrême droite”, affirme le politologue canadien Francis Dupuis-Déri. La mouvance serait même en plein essor sur les réseaux sociaux depuis quelques années, selon le constat de l’historienne belge Marie Peltier, spécialiste elle aussi du masculinisme. Elle observe un “regain du discours masculiniste d’extrême droite beaucoup plus affiché et décomplexé”, dans lequel Thaïs d’Escufon jouerait d’ailleurs “un rôle notable au niveau francophone”.

Coach pour hommes en mal de virilité 

Au programme donc, les relations entre les hommes et femmes. “Pourquoi tu dois connaître son BODYCOUNT ? [pratique qui consiste à décompter le nombre de partenaires sexuels qu’une femme a eu]”, “Pourquoi les femmes sont devenues si CAPRICIEUSES ?”, “Où sont passés les VRAIS hommes ?” ou encore “Pourquoi la morale féminine DÉTRUIT la société”, pour citer quelques titres des 140 vidéos publiées à ce jour sur la chaîne de Thaïs d’Escufon. C’est peu dire que la vision défendue par la jeune femme est traditionaliste. Dans la conception identitaire de Thaïs d’Escufon, la réhabilitation des rôles genrés est nécessaire. “Je souhaite plus que tout la réconciliation entre les hommes et les femmes de mon peuple, ainsi que le retour d’une virilité héroïque chez mes contemporains masculins. Je donne des clés de compréhension de la psychologie des sexes à tous ceux qui me suivent et sont prêts à remettre en question leurs idées préconçues et le discours de propagande féministe dominant”, avance-t-elle auprès de Causette

Si Thaïs d’Escufon s’applique à transposer les valeurs traditionnelles aux relations modernes entre les hommes et les femmes, elle se défend pour autant d’être une tradwife (épouse traditionnelle). Elle se considère plutôt comme une femme “réaliste”, qui fonde ses théories sur la science, notamment sur la psychologie évolutionniste, “evopsy” pour les initié·es. Selon la psychologie évolutionniste, qui base les comportements humains sur la théorie de l’évolution biologique, il existerait des “prédispositions masculines et féminines” s’expliquant par la sélection naturelle. En somme, une vision sexiste et essentialisante où les hommes sont des “chasseurs” et les femmes, des “gardiennes du foyer”. 

Cibler les jeunes hommes 

Les premières cibles numériques de Thaïs d’Escufon, ce serait donc les hommes, et plus particulièrement les “jeunes hommes” qui représentent d’ailleurs aujourd’hui la majorité de son auditoire. “Ils recherchent des réponses face à la déstabilisation massive des relations hommes-femmes avec l’arrivée des applications de rencontre et aussi la domination des hyperfemelles [sic], c’est-à-dire ces femmes qui n’existent que grâce au déchaînement de leur pouvoir de séduction, et donc de frustration”, explique Thaïs d’Escufon à Causette, affirmant que “nous vivons dans un monde où les jeunes hommes se trouvent souvent désemparés, déconcertés par l’évolution rapide de la dynamique des sexes et des relations hommes-femmes. Ils vivent un isolement terrible et leur solitude affective est génératrice de névroses et peut entraîner des comportements pathologiques”. “C’est là que je vois mon rôle : offrir une perspective qui prend en compte les stéréotypes traditionnels, c’est une cause noble et je n’ai pas peur d’en porter le flambeau, c’est même ma fierté et, plus prosaïquement, mon intérêt de femme européenne de voir nos hommes redevenir virils et s’affirmer”, assène-t-elle.

Pour Magali Della Sudda, “le fait de s’adresser prioritairement aux hommes, comme en témoignent les conseils prodigués par Thaïs d’Escufon sur les réseaux sociaux et chaînes depuis plusieurs mois, lui permet de se distinguer d’autres femmes de droite, comme le Collectif Némésis [collectif féminin d’extrême droite se réclamant du féminisme], qui cible essentiellement les femmes”. Une manière “d’élargir l’audience auprès d’un public masculin préoccupé par la masculinité et inquiet des avancées de l’égalité entre les sexes et les genres”, soutient la chercheuse. Un public pas seulement masculin. Thaïs d’Escufon nous raconte par exemple avoir rencontré “Élodie” une de ses abonné·es. Cette jeune femme de 22 ans était, selon ses dires, “une fervente militante féministe et LGBT”. “Une de mes vidéos, intitulée ‘Pourquoi je ne suis pas féministe’, a provoqué chez elle un choc salutaire, estime l’influenceuse. Elle m’a dit avoir été bouleversée par mon discours sur la compétition malsaine entre hommes et femmes, la destruction de la famille et les différences biologiques et complémentaires entre les sexes. Aujourd’hui, Élodie a quitté ses anciennes associations et envisage avec enthousiasme la création d’une famille avec son fiancé. Elle est un bel exemple de la prise de conscience que je souhaite inspirer.” Une bien belle victoire pour Thaïs.

Le féminisme justement. Qu’en pense-t-elle ? Pour Thaïs d’Escufon, “le féminisme contemporain est un des principaux cancers de notre société”, balance-t-elle à Causette. S’il y a selon elle, “tant de féministes aujourd’hui, c’est parce que les femmes sont malheureuses que les hommes n’en soient plus des ‘vrais’”. “Je souhaite le retour d’une masculinité héroïque chez les hommes, celle qui nous faisait les admirer et les aimer. Je milite donc activement dans l’intérêt des femmes !” prêche l’influenceuse. “Son discours est dangereux pour les féministes, car elle sert de faire-valoir aux masculinistes, dans une dynamique de mise en concurrence entre les femmes, alerte l’historienne Marie Peltier. Son discours alliant développement personnel et thématique identitaire est dangereux, car il peut conduire des personnes intéressées par le développement personnel à être, parfois malgré elles, séduites par des thèses d’extrême droite. C’est un brouillage des genres dont l’extrême droite sait profiter.”

Précieuse caution des mascus ? 

Il faut rappeler que Thaïs d’Escufon s’inscrit dans un phénomène plus large de féminisation du mouvement identitaire avec une émergence de figures féminines médiatiques proches de l’extrême droite française. On peut citer Alice Cordier, présidente de Némésis; les journalistes Charlotte d’Ornellas, Eugénie Bastié, ou encore la tiktokeuse Estelle Redpill. “Le phénomène des femmes antiféministes n'est pas nouveau. Comme il existe des hommes pro-féministes, il existe des femmes antiféministes”, rappelle d’ailleurs Francis Dupuis-Déri, citant la théorie développée par la sociologue Christine Delphy selon laquelle cet antiféminisme pourrait s’expliquer par “une haine de soi ou une misogynie intériorisée”. Le politologue explique également qu’avoir cette position antiféministe place aussi ces femmes “dans une situation originale” sur le plan médiatique. “ Il y a quelque chose qui attire nécessairement l’attention, de la même manière qu’un homme pro-féministe, une femme antiféministe va attirer les médias, ça donne un ‘bon spectacle’. Là-dessus, Thaïs d’Escufon s’est très bien positionnée”, affirme Francis Dupuis-Déri.

Thaïs d’Escufon entretient des liens étroits avec certains influenceurs identitaires. Une proximité qui serait donc stratégique. En tant que femme antiféministe, Thaïs d’Escufon pourrait bien servir de “caution” féminine à la haine des femmes, comme le rappelait Marie Peltier plus haut. Une façon pour Francis Dupuis-Déri de recevoir aussi une sorte de validation entre pairs. “Ils s’invitent, ils s’adoubent ou en tout cas ils se reconnaissent mutuellement, explique-t-il. C’est un type de validation. Ils se donnent du crédit, on peut imaginer que Baptiste Marchais est content d’inviter Thaïs d’Escufon, car ça décoince un peu son image. Le fait d’avoir une femme qui elle-même n’aime pas les féministes renforce leur force de frappe.” 

En octobre 2021, elle est effectivement la première invitée du “café cartouche” de la chaîne YouTube Bench&Cigars, tenue par le youtubeur d’extrême droite Baptiste Marchais, dont le concept consiste à partager une séance de tir avec un·e invité·e trié·e sur le volet. Le titre de la vidéo,  “Thaïs d’Escufon découvre le calibre 12 (et elle adore !!)”, transpire la masculinité toxique et le sexisme. Autre exemple, lorsque Stéphane Édouard, youtubeur masculiniste, invite la jeune femme sur sa chaîne pour parler de “la condition des femmes en banlieue” en avril dernier. “Nous commencerons dès que Thaïs sera allée nous faire deux petits cafés”, démarre Stéphane Édouard, très sérieux. À ses côtés, Thaïs d’Escufon esquisse un rire gêné. Deux tableaux sexistes qui ne laissent pas trop de doute quant à la place des femmes dans le milieu de la droite radicale. 

Vieille recette 

Reconvertie en coach pour hommes en mal de virilité, reprenant à sa sauce les codes du développement personnel pour distiller un discours masculiniste et antiféministe, Thaïs d’Escufon n’a pas renoncé à ses idéaux pour autant. Si elle traite désormais surtout de la question des rapports entre les hommes et les femmes, elle glisse dans presque chacune de ses vidéos son discours identitaire. “Une sorte de nationalisme patriotique civilisationnel”, précise Francis Dupuis-Déri. Un virage qu’elle semble d’ailleurs assumer. Elle admet ainsi auprès de Causette “ne plus [parler] d’identité de la même façon qu’au début de [sa] chaîne”, mais rappelle que “cette volonté [de diffuser des idées identitaires] ne [l’a] jamais quittée”. “La mission [qu’elle s’est donnée] est la même : réveiller les Français et lutter contre le grand remplacement qui menace les Européens, ajoute -t-elle. La question des rapports entre les sexes est liée à l’identité : comment défendre l’identité française et européenne si les Européens ne sont même plus capables de fonder des familles et de perpétuer leur lignée ?”

Si ce discours qui promeut la bonne épouse et la bonne mère n’est pas nouveau dans l’histoire de l’extrême droite européenne, Marie Peltier note toutefois une nouveauté : la portée contemporaine que lui redonne aujourd’hui les influenceur·euses comme Thaïs d’Escufon. “En parlant de bodycount ou d’Only fan, elle donne une apparence de modernité à un discours qui est en réalité très ancien ». Ce qui expliquerait, aussi, la recette du succès. “Il y a vraiment une méthode structurée et efficace dans la construction et dans la présentation de son discours, pointe Francis Dupuis-Déri. On voit qu’elle fait ses leçons et qu’elle travaille de manière à présenter sa pensée de manière structurée. La preuve de son efficacité, c’est qu’elle lance des choses qui sont ensuite relayées par des médias traditionnels." Après avoir suggéré, en mai dernier dans un tweet, que le divorce d’un couple avec enfants "devrait être rendu très difficile d’accès avant la majorité de leur progéniture, sauf faute grave commise par l’un ou l’autre parti”, le sujet s’est ainsi invité sur le plateau de TPMP sous la forme d’un débat "pour-contre".

Ambitions politiques ? 

Une question reste en suspens : instrumentaliser l’intime au service d’un discours identitaire est-il un moyen, pour Thaïs d’Escufon, de faire avancer son agenda politique ? Pour Magali Della Sudda, “savoir jouer du désir et de la peur peut caractériser une stratégie de captation des émotions au profit d’un projet politique”. “C’est en partie sur ces leviers que se construit le discours de Thaïs d’Escufon à destination des hommes quand elle fustige les effets des politiques d’égalité ou les féministes, tout en réhabilitant une féminité hétérosexuelle, traditionnelle, rassurant de jeunes gens conservateurs”, soutient-elle. La verra-t-on alors prendre la lumière sur la scène politique française dans les années à venir ? “Sans faire de prédiction, c’est évidemment possible, l’extrême droite en France fait quand même 40 %, donc il y a de la place pour les personnes qui ont de l’ambition”, ajoute Francis Dupuis-Déri.

Question ambition, Thaïs d’Escufon n’est pas en reste. Elle indique à Causette travailler à la création d’un “espace communautaire”.Chaque membre pourra se sentir en sécurité pour échanger sur les thématiques qui nous sont chères : les relations homme-femme et la lutte contre la solitude épidémique, poursuit-elle. Ce ne sera pas simplement un lieu de discussion, mais aussi un espace dynamique et interactif. Je prévois de réaliser des vidéos à la demande, adaptées aux requêtes de la communauté, ainsi que des live, pour un contact encore plus direct et authentique.” Une vision toute personnelle de la safe place. 

D’ici là, Thaïs d’Escufon continue de faire vivre sa petite entreprise viriliste. La dernière vidéo en date, publiée le 17 décembre dernier, est consacrée à la théorie fumeuse du bodycount, pratique qui consiste à décompter le nombre de partenaires sexuel·les qu’une femme a connu, rangeant d’office ces dernières dans deux catégories, la fille facile ou la bonne à marier. Quand soudain, au bout d’une minute trente de vidéo, changement d’ambiance. Thaïs d’Escufon nous fait la publicité de la marque Kalos, “une marque patriote offrant de beaux objets fabriqués en France, porteurs de vos valeurs et qui véhiculent la grandeur de notre culture française”, loue l’influenceuse avant de distribuer le code promo “Thais10” offrant 10 % aux acheteur·teuses. Lesdits objets ? Un collier “aigle impérial”, symbole napoléonien, et un couteau “tactique” où figure la devise “Si vis pacem, para bellum” (“Qui veut la paix prépare la guerre”). Explicite. 

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