Emmanuel Macron a déclaré, mardi soir, lors de sa conférence de presse, n’avoir “aucun regret” pour avoir défendu la présomption d’innocence de l’acteur Gérard Depardieu. Une ligne de défense malhonnête puisque ce n’est pas cela que les féministes lui reprochent.
Emmanuel Macron a déclaré mardi soir, lors de sa conférence de presse, n’avoir “aucun regret” pour avoir défendu la présomption d’innocence de l’acteur Gérard Depardieu, mis en examen pour viol et visé par plusieurs plaintes. Ça tombe bien. Personne ici, ni chez les féministes en général, ne remet en question le principe même de la présomption d’innocence. Nous sommes en démocratie et dans un État de droit. Tout le monde y a droit et a droit à une justice. Bien qu’elle soit rarement du côté des femmes…
Sauf qu’avec cette réponse, Emmanuel Macron répond à côté et nous entourloupe. Le jour de sa prise de parole au sujet de Gérard Depardieu, fin décembre, en réaction à un reportage de Complément d’enquête diffusé sur France 2 – au cours duquel l’acteur multipliait les propos misogynes et insultants en s’adressant à des femmes –, le chef de l’État n’avait pas défendu la présomption d’innocence, mais bien l’acteur Gérard Depardieu.
Ce qui révolte les féministes, ce n’est pas de défendre la présomption d’innocence. Ce n’est même pas de considérer publiquement que Depardieu est, pour reprendre les termes du président, “un immense acteur”. Car cela, même les féministes sont capables de le penser (même si utiliser le passé eût été plus pertinent, car ses talents de comédien ces dix dernières années restent à prouver, mais c’est un autre sujet…).
Non, ce qui crée la colère et meurtrit les femmes c’est de déclarer qu’il “rend fière la France”. C’est de clamer haut et fort qu’un homme visé par trois plaintes pour agression sexuelle ou viol et mis en examen pour viols depuis 2020 – à la suite d’une plainte d’une comédienne d’une vingtaine d’années, Charlotte Arnould – rend “fière la France”. Un homme sur lequel plane l’ombre d’une telle culpabilité, quand bien même elle n’a pas encore été jugée, ne peut recevoir les hommages grandiloquents d’un chef de l’État.
Car quand des femmes parlent, et prennent ce risque ; que des actrices de premier plan (Sophie Marceau, Anouk Grinberg…) ont elles-mêmes volé au secours de ces victimes présumées et témoigné de comportements plus que déplacés de la part de l’acteur ; que des journalistes ont dévoilé des documents vidéo montrant l’acteur en pleine action, comment peut-on encore dire de cet homme-là qu’il rend fier qui que ce soit ? Si l’homme agit mal, pourquoi faudrait-il encore louer les qualités de l’artiste ?
Quand un homme fait honte à la France en grognant, en éructant et en déployant un vocabulaire outrageusement sexiste sur des images vidéo, pourrait-on avoir la décence de défendre la présomption de culpabilité ? Et c’est sans parler de ses amitiés plus que discutables à l’international…
Quant au seul regret exprimé par le chef de l’État, à savoir celui, selon ses termes, “de ne pas avoir assez dit combien la parole des femmes qui sont victimes de ces violences est importante et combien ce combat est important pour [lui]”, on hallucine sur la dissonance cognitive. Car si Emmanuel Macron respectait la parole des femmes victimes de violence, précisément, il ne les aurait pas une nouvelle fois bafouées en ne prenant pas à nouveau en compte leur statut de victimes potentielles. Il se félicite que “la parole se libère et souhaite qu’elle puisse se libérer au maximum”, mais il vide cette parole de son sens, de sa crédibilité et de sa potentielle vérité.
Lire aussi I Lettre ouverte à Depardieu, bis repetita : "au pays des puissants, le viol n’existe pas"