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montage Causette © Georges Biard / Wikimedia Commons et © Влада на Република Северна Македонија / Wikimedia Commons

Affaire Depardieu : cher M. Macron, avoir défen­du la “pré­somp­tion d’innocence” n’est pas ce qu’on vous reproche ! 

Emmanuel Macron a décla­ré, mar­di soir, lors de sa confé­rence de presse, n’avoir “aucun regret” pour avoir défen­du la pré­somp­tion d’innocence de l’acteur Gérard Depardieu. Une ligne de défense mal­hon­nête puisque ce n’est pas cela que les fémi­nistes lui reprochent.

Emmanuel Macron a décla­ré mar­di soir, lors de sa confé­rence de presse, n’avoir “aucun regret” pour avoir défen­du la pré­somp­tion d’innocence de l’acteur Gérard Depardieu, mis en exa­men pour viol et visé par plu­sieurs plaintes. Ça tombe bien. Personne ici, ni chez les fémi­nistes en géné­ral, ne remet en ques­tion le prin­cipe même de la pré­somp­tion d’innocence. Nous sommes en démo­cra­tie et dans un État de droit. Tout le monde y a droit et a droit à une jus­tice. Bien qu’elle soit rare­ment du côté des femmes…

Sauf qu’avec cette réponse, Emmanuel Macron répond à côté et nous entour­loupe. Le jour de sa prise de parole au sujet de Gérard Depardieu, fin décembre, en réac­tion à un repor­tage de Complément d’enquête dif­fu­sé sur France 2 – au cours duquel l’acteur mul­ti­pliait les pro­pos miso­gynes et insul­tants en s’adressant à des femmes –, le chef de l’État n’avait pas défen­du la pré­somp­tion d’innocence, mais bien l’acteur Gérard Depardieu.

Ce qui révolte les fémi­nistes, ce n’est pas de défendre la pré­somp­tion d’innocence. Ce n’est même pas de consi­dé­rer publi­que­ment que Depardieu est, pour reprendre les termes du pré­sident, “un immense acteur”. Car cela, même les fémi­nistes sont capables de le pen­ser (même si uti­li­ser le pas­sé eût été plus per­ti­nent, car ses talents de comé­dien ces dix der­nières années res­tent à prou­ver, mais c’est un autre sujet…).

Non, ce qui crée la colère et meur­trit les femmes c’est de décla­rer qu’il “rend fière la France”. C’est de cla­mer haut et fort qu’un homme visé par trois plaintes pour agres­sion sexuelle ou viol et mis en exa­men pour viols depuis 2020 – à la suite d’une plainte d’une comé­dienne d’une ving­taine d’années, Charlotte Arnould – rend “fière la France”. Un homme sur lequel plane l’ombre d’une telle culpa­bi­li­té, quand bien même elle n’a pas encore été jugée, ne peut rece­voir les hom­mages gran­di­lo­quents d’un chef de l’État.

Car quand des femmes parlent, et prennent ce risque ; que des actrices de pre­mier plan (Sophie Marceau, Anouk Grinberg…) ont elles-​mêmes volé au secours de ces vic­times pré­su­mées et témoi­gné de com­por­te­ments plus que dépla­cés de la part de l’acteur ; que des jour­na­listes ont dévoi­lé des docu­ments vidéo mon­trant l’acteur en pleine action, com­ment peut-​on encore dire de cet homme-​là qu’il rend fier qui que ce soit ? Si l’homme agit mal, pour­quoi faudrait-​il encore louer les qua­li­tés de l’artiste ?

Quand un homme fait honte à la France en gro­gnant, en éruc­tant et en déployant un voca­bu­laire outra­geu­se­ment sexiste sur des images vidéo, pourrait-​on avoir la décence de défendre la pré­somp­tion de culpa­bi­li­té ? Et c’est sans par­ler de ses ami­tiés plus que dis­cu­tables à l’international…

Quant au seul regret expri­mé par le chef de l’État, à savoir celui, selon ses termes, “de ne pas avoir assez dit com­bien la parole des femmes qui sont vic­times de ces vio­lences est impor­tante et com­bien ce com­bat est impor­tant pour [lui]”, on hal­lu­cine sur la dis­so­nance cog­ni­tive. Car si Emmanuel Macron res­pec­tait la parole des femmes vic­times de vio­lence, pré­ci­sé­ment, il ne les aurait pas une nou­velle fois bafouées en ne pre­nant pas à nou­veau en compte leur sta­tut de vic­times poten­tielles. Il se féli­cite que “la parole se libère et sou­haite qu’elle puisse se libé­rer au maxi­mum”, mais il vide cette parole de son sens, de sa cré­di­bi­li­té et de sa poten­tielle vérité.

Lire aus­si I Lettre ouverte à Depardieu, bis repe­ti­ta : "au pays des puis­sants, le viol n’existe pas"


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