Durant deux jours, dans quatre lieux de Paris, des bancs d’allaitements ont été installés par la marque Elvie afin, déclare celle-ci, de « briser le tabou sur l’allaitement en public ». Cette démarche (ou ce coup de com ?) pleine de bonne volonté, pourrait-elle s’avérer contre-productive ?
Les générations précédentes avaient en tête Les amoureux qui s’bécotent sur les banc public, une chanson de Georges Brassens, qui dénonçait « le regard oblique » que les « passants honnêtes » décochaient, assortis de « propos venimeux » à celles et ceux qui osaient s’embrasser sans vergogne sur le mobilier urbain.
Aujourd’hui, ce sont les mères allaitantes qui essuient les regards venimeux, quand ce ne sont pas des actes plus violents. Ainsi, en 2021, une maman qui donnait le sein, dans la file d’attente d’un point relais, avait été interpellée par une femme choquée qu’elle allaite en public. Hors‑d ’elle, elle avait insulté la jeune mère, puis, à bout d’argument, l’avait violemment giflée. Quelques mois plus tard, à Disneyland Paris, avec plus d’égards mais fermement, deux agents de la sécurité avaient demandé à une maman allaitante de se cacher car elle « choquait la clientèle étrangère ».
Même chose au Louvre, l’été dernier. Un gardien suggère à la mère de bébé Lana, qu’elle est en train de nourrir sur un banc dans une salle presque vide, de se réfugier aux toilettes pour ne pas « déranger une partie des visiteurs ». Faudra-t-il un jour décrocher des murs du musée tous les tableaux où l’on voit des femmes allaitantes (Coucou les 10 000 Saintes Vierges et leurs copines) et les planquer dans les latrines ?
Faut-il créer des lieux dédiés à l’allaitement ?
On espère ne pas en arriver là. C’est dans cet objectif que la marque britannique Elvie a lancé hier à Paris une opération « bancs d’allaitements ». Ceux-ci sont installés jusqu’à ce soir dans quatre lieux de la capitale. La marque déclare sur son site vouloir encourager « l’allaitement (et le tirage de lait) en public afin que les femmes puissent nourrir leurs enfants où et quand elles le souhaitent ». Outre la belle couverture médiatique que cette opération offre à la marque (qui vend tire-laits, coussins mammaires et autres accessoires liés à la maternité) la démarche elle-même peut être questionnée. Faut-il créer des lieux dédiés à l’allaitement, ou au contraire stigmatiser ceux (et leurs propriétaires) qui y seraient opposés ?
Sur son site, Elvie précise que la marque souhaite encourager « les établissements à s’afficher (à l’aide d’un autocollant sur la devanture NDLR) comme favorables à l’allaitement, les parents de jeunes enfants (pouvant) facilement trouver des lieux agréables et confortables, sans se prendre la tête. » Ce qui, si la pratique se rependait, pourrait induire que tous les autres établissements n’y sont donc pas favorables, comme si l’allaitement nécessitait un agrément, une autorisation, comme si cette pratique n’était pas naturelle. Verra-t-on un jour sur les devantures s’afficher de sympathiques affichettes : « Ici on admet les chiens et les femmes allaitantes » ?