Édito. Morgan Keane aurait dû fêter ses 28 ans en décembre. Cet hiver, il aurait certainement coupé du bois, comme à son habitude, dans la petite forêt tout près de sa maison à Calvignac, dans le Lot, où il vivait avec son petit frère, Rowan, depuis le décès de ses parents. Mais Morgan Keane est mort. Et il aura 25 ans pour toujours. Le 2 décembre 2020, ce Franco-britannique a été tué d’une balle dans la poitrine en coupant du bois devant chez lui. Une balle d’un chasseur inexpérimenté qui l’avait pris pour un sanglier.
Jeudi, le tribunal de Cahors a condamné l’auteur du tir, un chasseur de 35 ans, qui avait reconnu avoir tiré « sans identifier la cible », à deux ans de prison avec sursis et une interdiction de chasser à vie. Le directeur de la battue au cours de laquelle le drame s’est produit a, quant à lui, été condamné à dix-huit mois de prison avec sursis et à un retrait du permis de chasse pendant cinq ans. Des peines jugées bien légères en comparaison à celle de ses proches : le manque d’un frère ou d’un ami à perpétuité.
Morgan Keane est « un accident de chasse ». Un de plus. L’année de sa mort, l’Office français de la biodiversité (OFB) en avait recensé quatre-vingt dont sept mortels. Un peu facile de parler d’accident. Derrière chacun d’entre eux , il y a un quelqu'un qui a tiré sur quelqu’un. L’a blessé et, parfois, l’a tué. Il y a aussi celles et ceux qui restent. Les ruraux qui doivent continuer à vivre avec la peur de mourir pour s'être promené dans la nature. Il y a les tirs incessants qui empoisonnent leur vie. Et la cohabitation bien souvent impossible.
Pourtant, de la mort de Morgan Keane, du procès au tribunal de Cahors, il aurait pu jaillir une étincelle d’espoir quant à l’encadrement de la chasse. Il aurait pu enfin en être fini de ces terribles accidents dont les balles broient tant de vies sur leur passage. Trois jours avant le verdict du tribunal de Cahors, la secrétaire d’État chargée de l’écologie présentait, en effet, son plan gouvernemental pour la sécurité à la chasse. À l’instauration d’une demi-journée sans chasse par semaine, le gouvernement a préféré opter pour la création d’une contravention sanctionnant l’emprise excessive d’alcool (il était temps !), davantage de formation et une application mobile pour permettre aux promeneur·euses de géolocaliser les chasseurs. Mais à quoi pourrait-elle bien servir, cette application, si ces derniers chassent aussi jusque dans les propriétés privées comme celle de Morgan Keane ?
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