Un an après le rapport administratif accablant sur les crèches, les avancées promises sont encore loin du “big-bang nécessaire”, déplorent les observateur·rices et les acteur·rices du secteur, qui appellent à un changement de braquet.
Les avancées attendues dans le secteur des crèches, un an après le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), sont jugées insuffisantes par les acteur·rices du secteur. “Le rapport de l’Igas a mis un coup de pied dans la fourmilière, il a réveillé un peu tout le monde, mais depuis, les choses avancent lentement, trop lentement”, déclare à l’AFP Julie Marty Pichon, coprésidente de la Fédération nationale des éducateurs de jeunes enfants (Fneje). “La rustine ne suffit plus, il faut des actions fortes et de l’argent”, ajoute-t-elle.
Commandé après la mort d’un bébé de 11 mois dans une crèche lyonnaise, le rapport de l’Igas avait eu l’effet d’une mini-bombe, en avril 2023. L’institution y décrivait une qualité d’accueil “très disparate”, une situation pouvant entraîner des “carences dans la sécurisation affective et dans l’éveil” des tout-petits et appelait à de profondes réformes. Elle pointait notamment trois problèmes structurels : la faiblesse du taux d’encadrement, la pénurie de professionnel·les et des contrôles insuffisants dans un secteur privé en pleine expansion. Quelques mois plus tard, deux livres-enquêtes enfonçaient le clou en mettant au jour le fonctionnement de certaines structures privées et en dénonçant une course au rendement au détriment des enfants.
Multitude de promesses
Ce double électrochoc a suscité une multitude de promesses et d’initiatives : mission flash et commission d’enquête à l’Assemblée nationale, rapport de l’Igas sur les microcrèches, lancement d’une mission sur la question de la maltraitance en crèches. Le gouvernement a promis un contrôle renforcé, “plus systématique et plus inopiné” de ces structures par les centres de protection maternelle et infantile (PMI). “On aimerait tous que tout aille plus vite, c’est évident, mais ce sujet demande la mise en œuvre de chantiers importants qui demandent du temps”, estime Élisabeth Laithier, présidente du Comité filière petite enfance, qui préfère voir, elle, le verre à moitié plein. Elle relève des avancées comme l’inscription dans la loi “plein emploi” de deux mesures nouvelles : l’autorisation accordée à une crèche est désormais limitée à quinze ans et chaque établissement fera dorénavant l’objet d’une évaluation tous les cinq ans. Mais, ajoute-t-elle, “il est évident qu’il reste encore beaucoup de travail à faire sur le suivi, l’accompagnement et le contrôle qui dépend de la PMI, [laquelle] souffre cruellement de moyens humains et financiers”. Sans compter “la problématique la plus urgente, à savoir comment recruter et former des professionnels en nombre suffisant”.
"Question de sous"
À l’heure actuelle, la France compte 460 000 places d’accueil en collectif, dont 50 % relèvent des crèches publiques, 27 % des crèches privées et 23 % des crèches associatives. Or il manque des professionnel·es dans 49 % des crèches, selon les estimations gouvernementales. Plus globalement, l’exécutif évoque un manque de 200 000 places d’accueil pour les tout-petits et s’est fixé pour objectif de les créer d’ici à 2030.”Les annonces c’est bien, ça ne coûte pas cher”, ironise Cyrille Godfroy, cosecrétaire général du syndicat national des professionnels de la petite enfance (SNPPE). “Mais on ne sait toujours pas ce qui va être fait pour que les effectifs de formation augmentent. État et régions se renvoient la patate chaude, on sait que tout cela est une question de sous”, ajoute-t-il. Annoncée par l’exécutif, la revalorisation de 100 à 150 euros mensuels des personnels de la petite enfance est “non seulement insuffisante”, mais “rien ne dit à ce stade qu’elle pourra être mise en œuvre, tout dépend des collectivités”.
Autre question laissée en suspens et qui dépend d’un regain d’attractivité du métier, celle du taux d’encadrement. “Le discours public a été de dire : on ne peut pas renforcer les normes d’encadrement parce qu’on manque de professionnels”, relève le député LFI William Martinet, vice-président de la commission d’enquête sur le modèle économique des crèches et sur la qualité de l’accueil des jeunes enfants à l’Assemblée nationale. Pour lui, “le nœud du problème est avant tout budgétaire : un vrai service public de l’enfance, ça demande des moyens budgétaires, ça ne se bricole pas avec quelques millions d’euros. On bute toujours sur cette question-là”.