Comment reconnaître les symptômes d’une dépression ? Comment réagir si un·e proche fait une crise d’angoisse ? Quel comportement adopter si un·e collègue évoque des pensées suicidaires ? C’est pour pouvoir adopter les bons gestes face à ces questions que l’association française Premiers Secours en Santé Mentale (PSSM) a lancé en 2019 une formation de secourisme.
On le sait, la crise sanitaire et économique a mis en lumière l’importance de la santé mentale et la nécessité d’en prendre soin. En France, selon le site gouvernemental Vie publique.fr, une personne sur cinq est touchée chaque année par un trouble psychique. Soit 13 millions de Français·es. Pourtant, si la santé mentale touche une large population, elle souffre encore de méconnaissances et de préjugés qui bloquent bien souvent l’accès aux soins.
C’est pour faire face à cet enjeu sociétal majeur et accroître la prévention, que l’association Premiers Secours en Santé Mentale (PSSM) France a lancé en 2019 une formation de secourisme adaptée du modèle australien lancé au début des années 2000 (Mental Health First Aid). À l’occasion de la 33e édition des Semaines d’information sur la santé mentale (SISM) – qui se tient du 10 au 23 octobre, Solène Barriol adjointe à la coordination et responsable de la communication de l’association PSSM France explique à Causette l’importance de se former aux gestes de premiers secours.
Causette : Quel est le principe de la formation aux premiers secours en santé mentale ?
S.B. : C’est une formation de 14 heures en présentiel comparable à la formation de gestes aux premiers secours physiques. Elle propose à tous les citoyens dès l’âge de 18 ans et sans compétences médicales particulières d’apprendre à détecter chez quelqu’un les signes d’un trouble ou d’une crise de santé mentale. Elle permet aussi d’acquérir une méthode pour fournir une première aide et une assistance. Attention, les secouristes en santé mentale ne sont pas là pour remplacer les soignants ou les thérapeutes. La formation est seulement là pour savoir comment réagir et intervenir, c’est un accompagnement avant une prise en charge de soins psychologiques. Une de nos secouristes a mis en pratique cet accompagnement le soir même de sa formation, lors d’une soirée entre amis.
Quel est le but de la formation ?
S.B. : La santé mentale est un enjeu majeur de santé publique mais les troubles psychiques souffrent encore beaucoup de stéréotypes dû en partie à une grande méconnaissance. Former des personnes aux gestes de premiers secours permet donc de lutter contre leur stigmatisation. Notre objectif est de former 750 000 secouristes en santé mentale en France d’ici 2030. Pour l’heure nous avons formé 32 000 secouristes en trois ans. Et à terme, on aimerait que tous les citoyens aient connaissance de cette formation.
![Troubles psychiques : une association propose une formation aux gestes de premiers secours pour lutter contre leur stigmatisation 2 Capture d’écran 2022 10 14 à 12.26.26](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2022/10/Capture-d’écran-2022-10-14-à-12.26.26-1024x470.jpg)
Est-elle adaptée à tous les troubles mentaux ?
S.B. : Nous avons choisi de nous concentrer sur quatre des troubles de santé mentale les plus courants et également les plus stéréotypés. On retrouve la dépression, les troubles anxieux, les troubles psychotiques et les troubles liés à l’utilisation de substances. On apprend aux secouristes les facteurs de risque et signes avant-coureurs afin de les détecter au sein de leur entourage. Puis à reconnaître les signes et les symptômes d’une crise. Par exemple la différence entre une crise de panique et une crise d'angoisse.
Comme le ferait un secouriste formé aux premiers gestes de secours avec une personne qui ferait une crise cardiaque, le secouriste peut ainsi intervenir dans le cadre d’une crise d’angoisse par exemple. À ce moment-là, on peut avoir l’impression de faire une crise cardiaque justement. Apprendre les différents symptômes permet d'être rassurant. On leur apprend aussi à leur fournir une aide, par l’écoute rassurante et sans jugement premièrement. Le secouriste encourage ensuite la personne à consulter si besoin en l’orientant vers les différents types de soin.
« Cela peut être un choc d’apprendre que l’on souffre de tel ou tel trouble mental. »
Est-elle adaptée à toutes les situations et à tous les publics ?
S.B. : Ce n’est pas interdit de secourir quelqu’un dans la rue mais ce n’est pas le contexte idéal. Notre formation est davantage adaptée à un public que l’on connaît. Son entourage ou ses collègues par exemple. D’une part parce qu’il est plus facile de détecter que quelque chose a changé dans le comportement d’un proche et d’autre part, parce qu’il y a besoin d’instaurer un climat de confiance pour évoquer le besoin d’une prise en charge. D’autant que cela peut être un choc d’apprendre que l’on souffre de tel ou tel trouble mental. Un secouriste en santé mentale devra aussi souvent intervenir à plusieurs reprises pour écouter, rassurer et accompagner la personne concernée vers le soin.
La formation est payante. Combien coûte-t-elle ?
S. B. : Elle coûte 250 euros par personne mais il peut y avoir des prises en charge par l’entreprise ou par Pôle emploi. On va bientôt mettre en place un fond solidaire qui permettra de prendre en charge une partie ou la totalité du coût de la formation pour des personnes avec des revenus peu élevés.
« Les troubles anxieux ont explosé mais on constate aussi un vif intérêt sur le sujet. »
Les conséquences de la pandémie de Covid-19, associées à la crise économique et aux nombreuses incertitudes qui pèsent sur l’avenir, s’apparentent à un cocktail explosif pour les jeunes qui apparaissent comme les plus touché·es par cette détresse psychologique.
S.B. : Oui et c’est pourquoi nous avons intégré en début d’année toute une partie sur les troubles les plus fréquents chez les moins de 20–25 ans. On y aborde les troubles alimentaires, les addictions et les automutilations sans intention suicidaire.
Nous travaillons aussi sur un module ado qui devrait voir le jour début 2023. Trois séances d’1h30 qui s'adresseraient à des jeunes de 12 à 18 ans. L’objectif serait d’être secouriste auprès de leurs amis mais sans porter bien sûr les mêmes responsabilités que les adultes. On a beaucoup d’espoir dans ce module car ça permettrait d’avoir plus tard des adultes déjà formés et sensibilisés à la santé mentale.
5,3 millions de personnes ont été formé·es aux gestes de premiers secours en santé mentale dans le monde depuis 2001, notamment en Australie et au Royaume-Uni. Seulement 32 000 en France depuis 2019. Comment expliquer ce retard ?
S.B. : Sur les questions de santé mentale, les pays anglo-saxons ont toujours eu une longueur d’avance. Je ne sais pas comment expliquer cette différence, peut-être qu’il leur est simplement plus facile d’aborder le sujet. Quoi qu’il en soit en France, les choses bougent, on sent qu’il y avait une grosse attente. On a pris conscience de l’importance de la santé mentale avec les effets dévastateurs de la crise sanitaire. Les troubles anxieux ont explosé mais on constate aussi un vif intérêt sur le sujet. On sent que la parole s’est libérée.
Pour s’inscrire à une formation, c’est par ici.