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© Petr Magera / Unsplash

Transidentité des mineur·es : que pré­voit la loi votée par le Sénat ?

Sous cou­vert d’“encadrement”, la droite a voté hier, au Sénat, l’interdiction de la prise en charge médi­cale des mineur·es trans­genre. Décryptage.

C’est dans une ambiance hou­leuse que le Sénat a adop­té, mar­di 28 mai, la pro­po­si­tion de loi visant à enca­drer les pra­tiques médi­cales dans les tran­si­tions de genre chez les mineur·es – soit 294 jeunes concerné·es en 2020. Présenté par la séna­trice (LR) du Val‑d’Oise Jacqueline Eustache-​Brinio, le texte reprend les pré­co­ni­sa­tions du rap­port – à charge – sur “la tran­si­den­ti­fi­ca­tion des mineurs” publié fin mars par un groupe de tra­vail des Républicains. Et a donc été adop­té, hier, par le centre et la droite séna­to­riales, avec 180 voix pour et 136 voix contre.

Composée de quatre articles, cette loi qui doit encore être exa­mi­née par l’Assemblée natio­nale, vient ain­si confier le diag­nos­tic et la prise en charge des mineur·es pré­sen­tant une dys­pho­rie de genre à des centres de réfé­rence spé­cia­li­sés, lis­tés par arrê­té, sur le modèle des consul­ta­tions hos­pi­ta­lières qui existent aujourd’hui. Contrairement à ce que pré­voyait ini­tia­le­ment le texte, elle n’interdit pas la pres­crip­tion des blo­queurs de puber­té, mais en encadre plus stric­te­ment la prescription. 

Ces der­niers, dont les effets sont réver­sibles, sont des hor­mones de syn­thèse visant à sus­pendre le déve­lop­pe­ment des carac­tères sexuels secon­daires (poi­trine, voix, pilo­si­té). Utilisés depuis plu­sieurs décen­nies dans le cas de puber­tés pré­coces, par­fois admi­nis­trés pour trai­ter le can­cer de la pros­tate ou de l’endométriose, ils peuvent aujourd’hui être pres­crits à des mineur·es souf­frant d’une dys­pho­rie de genre, dans le cadre d’un sui­vi médi­cal. Avec cette loi, le Sénat veut réser­ver la pres­crip­tion ini­tiale de ces trai­te­ments aux méde­cins exer­çant dans les centres de réfé­rence, après éva­lua­tion du dos­sier par une équipe médi­cale plu­ri­dis­ci­pli­naire (c’est déjà le cas dans la pra­tique) et après un délai mini­mal de deux ans. Ce qui, pour les opposant·es au texte, revient à inter­dire indi­rec­te­ment le recours à ces blo­queurs de puberté.

Jusqu’à deux ans de pri­son encou­rus par les médecins 

En paral­lèle, le Sénat a pure­ment et sim­ple­ment inter­dit la pres­crip­tion aux mineur·es d’hormones croi­sées. Ces molé­cules, dont les effets sont en par­tie irré­ver­sibles, per­mettent de déve­lop­per des carac­té­ris­tiques phy­siques secon­daires cor­res­pon­dant à l’identité de genre du ou de la jeune. À l’heure actuelle, elles sont le plus sou­vent pres­crites autour de 15 ans, tou­jours dans le cadre d’un sui­vi médical. 

Enfin, le Sénat a éga­le­ment inter­dit la réa­li­sa­tion de chi­rur­gie de réas­si­gna­tion sur les mineur·es. Lesquelles sont, en réa­li­té, déjà réser­vées aux adultes, à l’exception des tor­so­plas­ties (réduc­tion du volume mam­maire) – qui peuvent, dans cer­tains cas, être réa­li­sées sur des mineur·es de plus de 16 ans. Sur ces deux inter­dic­tions, le Sénat pré­voit une peine pou­vant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende pour les méde­cins qui contre­vien­draient à ces règles. “Un pré­cé­dent pré­oc­cu­pant”, a esti­mé Frédéric Valletoux, ministre délé­gué char­gé de la Santé. Alors que le gou­ver­ne­ment a lais­sé pla­ner le flou sur ses inten­tions jusqu’en fin de soi­rée, le ministre a fina­le­ment reje­té en bloc l’initiative LR, après avoir écou­té tous les groupes, dénon­çant “une approche tota­le­ment dog­ma­tique, sub­jec­tive, où les argu­ments médi­caux et scien­ti­fiques ont peu d'importance”. 

“L’une des lois les plus res­tric­tives d’Europe”

Des asso­cia­tions de défense des droits LGBTQIA+ et de nombreux·euses sénateur·rices ont éga­le­ment repro­ché l’intégration à ce texte d’un article consa­cré à la mise en place d’une stra­té­gie natio­nale pour la pédo­psy­chia­trie. Alors même que “l’incongruence de genre” (soit un sen­ti­ment d’inadéquation entre le genre et le sexe de nais­sance) a été exclue de la caté­go­rie des troubles men­taux par l’Organisation mon­diale de la san­té en 2018.

“Cette pro­po­si­tion de loi veut inter­dire ce qui est mieux pour les jeunes et aller contre la science”, s’est indi­gnée hier Daisy Letourneur, secré­taire de l’association Toutes des femmes, lors d’un ras­sem­ble­ment devant le Sénat. Dans l’hémicycle, peu avant le vote de la loi, des sénateur·rices de gauche ont, pour leur part, dénon­cé “l’une des lois les plus res­tric­tives en Europe”. Trois semaines plus tôt, c’est la défen­seure des droits qui s’inquiétait, dans un avis publié le 6 mai, des effets de ce texte, “de nature à por­ter atteinte aux droits et à l’intérêt supé­rieur” de l’enfant. 

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