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Paul Bensussan en 2021 sur BFMTV © Capture d'écran

"Syndrome d'aliénation paren­tale" : les exper­tises judi­ciaires du psy­chiatre Paul Bensussan dans le viseur d'associations

Quatre asso­cia­tions fémi­nistes ou de pro­tec­tion de l'enfance ont sai­si le Conseil natio­nal de l'ordre des méde­cins et le par­quet géné­ral de la cour d'appel de Versailles pour ques­tion­ner le tra­vail de l'expert psy­chiatre judi­ciaire Paul Bensussan, qu'elles accusent de « sys­té­ma­ti­que­ment » contes­ter la parole de l'enfant dans le cadre d'affaires de vio­lences intra­fa­mi­liales et d'inceste.

Le psy­chiatre Paul Bensussan, média­tique expert judi­ciaire agréé par la cour d'appel de Versailles, fait-​il mal son tra­vail ? Quatre asso­cia­tions (Collectif fémi­niste contre le viol (CFCV), CDP-​Enfance, Innocence en dan­ger et le Réseau de pro­fes­sion­nels pour la pro­tec­tion de l’enfance et l’adolescence (REPPEA)) en sont convain­cues et ont écrit ven­dre­di 8 avril au Conseil natio­nal de l'ordre des méde­cins et au par­quet géné­ral de la cour d'appel de Versailles pour leur deman­der « de consta­ter les man­que­ments déon­to­lo­giques [du Dr Paul Bensussan] lors des exper­tises menées et d’en tirer toutes les consé­quences dis­ci­pli­naires qui s’imposent ». Ces asso­cia­tions réclament éga­le­ment que le psy­chiatre ne soit plus mis­sion­né « dans des dos­siers de vio­lences sur mineur ».

En cause, selon Mediapart qui révèle cette sai­sie : une sus­pi­cion de proxi­mi­té de Paul Bensussan avec les thèses autour syn­drome d'aliénation paren­tale (SAP). Jamais recon­nu scien­ti­fi­que­ment, le SAP désigne pour celles et ceux qui le bran­dissent l'emprise d'un enfant par l'un de ses deux parents pour nuire à l'autre – notam­ment dans le cadre d'un divorce – via une « cam­pagne de déni­gre­ment ». Il est géné­ra­le­ment uti­li­sé dans le cadre de défense de pères accu­sés de vio­lences ou d'incestes par leur enfant, pour démon­trer que les accu­sa­tions seraient fausses et dic­tées ou induites par la mère. Or, selon les asso­cia­tions requé­rantes, « l’enfant est tou­jours consi­dé­ré par le Dr Bensussan comme conta­mi­né, sous influence ou vic­time du syn­drome d’aliénation paren­tale, sous l’emprise mater­nelle. […] Un diag­nos­tic posé de manière sys­té­ma­tique. »

"Observations dans la salle d'attente"

A l'appui de leur cour­rier, les quatre asso­cia­tions ont adjoint neuf exper­tises réa­li­sées par Paul Bensussan et dans les­quelles le psy­chiatre conclut « à une forme d'aliénation paren­tale », indique Mediapart, pour en contes­ter le pro­fes­sion­na­lisme et l'impartialité. Dans plu­sieurs de ces pro­cé­dures judi­ciaires, l'entretien entre l'enfant et le Dr Bensussan n'aurait pas duré plus de « vingt minutes », selon les indi­ca­tions des mères contes­tant l'expertise. « Cette durée est notoi­re­ment insuf­fi­sante pour mener un entre­tien avec un enfant ayant dénon­cé des faits de mal­trai­tance et éla­bo­rer un diag­nos­tic fiable », sou­lignent les asso­cia­tions. Pire : dans l'un des cas, Paul Bensussan convient lui-​même qu'il… Ne s'est pas entre­te­nu avec les deux fillettes dont il avait la charge mais s'est bor­né à une « obser­va­tion dans la salle d’attente »« Il serait exces­sif de par­ler d’entretien », admet-​il dans son compte-rendu.

Autre élé­ment à charge : alors que la confé­rence de consen­sus char­gée d'ausculter le fias­co judi­ciaire d'Outreau et, plus récem­ment la CIIVISE (Commission Indépendante sur l'Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants) recom­mandent de faire inter­ve­nir un·e pédo­psy­chiatre pour exa­mi­ner les mineur·eures dans ces affaires de vio­lences intra­fa­mi­liales, le Dr Bensussan n'a jamais été for­mé en pédo­psy­chia­trie. Ainsi, dans le dos­sier de l'une des neuf exper­tises mises en cause par les asso­cia­tions, un mail du psy­chiatre envoyé à une mère a été ver­sé. « Il me semble néces­saire de vous dire que je ne suis pas pédo­psy­chiatre », y lit-on.

Lire aus­si l Inceste : la Commission indé­pen­dante tor­pille le "syn­drome d'aliénation parentale"

Pour les requé­rantes qui dénoncent la proxi­mi­té idéo­lo­gique du pro­fes­sion­nel de san­té avec les asso­cia­tions de défense des inté­rêts des pères, ces exper­tises « se révèlent tota­le­ment ten­dan­cieuses, voire uni­que­ment idéo­lo­giques, et ne sont pas basées sur des consta­ta­tions médi­cales ».

Adèle, condam­née à un an de pri­son ferme pour sous­trac­tion d'enfants

Contacté par Mediapart, le Dr Bensussan a indi­qué « réser­ver ses réponses aux ins­tances ordi­nales ». La veille de l'envoi du cour­rier à l'Ordre des méde­cins et au par­quet géné­ral de la cour d'appel de Versailles, il signait tou­te­fois une tri­bune dans Marianne au sujet d'une affaire par­ti­cu­lière, celle d'une mère connue sous le nom d'Adèle. Selon Anne-​Cécile Mailfert, pré­si­dente de la Fondation des femmes qui a fait le récit de son his­toire dans sa chro­nique heb­do­ma­daire sur France Inter le 1er avril, Adèle a été condam­née à un an de pri­son ferme pour sous­trac­tion de ses trois enfants. Anne-​Cécile Mailfert pré­cise qu'Adèle a vou­lu les pro­té­ger après avoir sur­pris leur père de regar­der de la pédo­por­no­gra­phie avec eux. 

Mis en cause nom­mé­ment dans cette chro­nique, Paul Bensussan se défend donc, aux côtés de l'avocate Marie Dosé, dans cette tri­bune. « Aux yeux de la chro­ni­queuse, écrit le duo, la déci­sion du par­quet de clas­ser sans suite la plainte de la mère demeure la preuve ultime d’une jus­tice pénale cou­pable d’innocenter les abu­seurs. Pas un mot sur les mois d’enquête, ni sur la résis­tance de l’enfant à confir­mer aux enquê­teurs les allé­ga­tions de sa mère, ni même sur le choix de celle-​ci de ne pas sai­sir un juge d’instruction – donc de ne pas contes­ter le clas­se­ment sans suite. »

Les deux auteur·rices concluent leur tri­bune en déplo­rant que « l’absence de l’aliénation paren­tale des clas­si­fi­ca­tions actuelles [soit] sou­vent pré­sen­tée comme la preuve de sa non-​existence ». En deman­dant au Conseil natio­nal de l'ordre des méde­cins de se pen­cher sur le cas Bensussan, les asso­cia­tions requé­rantes espèrent un posi­tion­ne­ment de l'ordre sur un « syn­drome » de plus en plus exploité.

Lire aus­si : Tribune l Manifeste des mères pro­tec­trices contre le « syn­drome d'aliénation parentale »

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