Le rapport annuel de la Défenseure des droits, publié lundi, fait état d’une augmentation des réclamations dans tous les domaines en 2022. À commencer par les droits des personnes étrangères.
Le rapport annuel de la Défenseure des droits, Claire Hédon, a été publié hier, lundi 17 avril. Consulté par Causette, il fait état des situations pour lesquelles l’instance indépendante a été saisie tout au long de l’année 2022. Chargée de veiller au respect des droits et des libertés de chacun·e, la Défenseure des droits a souligné en préambule de son rapport avoir reçu au total 125.456 réclamations, soit 9 % de plus qu’en 2021. « Depuis trois ans que je suis en poste, je constate des atteintes aux droits qui portent atteinte à la cohésion et à la démocratie. On a une augmentation dans tous les domaines », a ainsi affirmé Claire Hédon lundi auprès de l’Agence France Presse (AFP), rapporte Le Monde. Voici ce qu’il faut retenir.
- La dégradation des droits fondamentaux des personnes étrangères
Le nombre de réclamations concernant les droits des personnes étrangères a « atteint, en 2022, un niveau jamais connu dans l’institution » indique le rapport. Ce nombre est passé de 6 540 en 2019 à 21.666 en 2022, soit une hausse de 231 % en trois ans, ce qui en fait la première thématique de réclamations auprès de l’institution cette année. Cette hausse s’explique, selon le rapport, par la dégradation « importante » du service public à l’égard des personnes étrangères. En cause notamment, la dématérialisation des guichets préfectoraux, qui implique une prise de rendez-vous en ligne, mais aussi les développements de plateformes permettant d’effectuer l’intégralité de la demande de titre de séjour en ligne. « L’institution a non seulement continué à recevoir de très nombreuses réclamations d’étrangers ne parvenant pas à obtenir un rendez-vous pour déposer une première demande de titre de séjour en préfecture mais elle a également été confrontée à l’augmentation notable et préoccupante des réclamations provenant d’étrangers titulaires d’un droit au séjour et rencontrant des difficultés dans le cadre du renouvellement de leur titre, que ce soit en raison de l’impossibilité de prendre un rendez-vous en ligne, de dysfonctionnements techniques rencontrés sur les nouvelles plateformes ou plus généralement de délais d’instruction particulièrement excessifs », explique le rapport.
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- L’état dramatique de la protection de l’enfance
La Défenseure des droits pointe « l’état dramatique de la protection de l’enfance », pour laquelle les réclamations sont en hausse de 20 % entre 2021 et 2022 (3 586 saisies). Ces dernières concernent la protection déficiente des enfants en danger, les atteintes au droit à l’éducation ou encore les atteintes au droit à la santé des enfants. Dans son rapport, la Défenseure des droits appelle l’État à « prendre les mesures nécessaires afin d’ériger l’intérêt supérieur de l’enfant en considération première de l’ensemble des politiques publiques, pour que les enfants soient pleinement considérés comme des sujets de droits ».
Le rapport s'est aussi penché sur le cas des enfants en situation de handicap. La Défenseure des droits invite ainsi à mieux organiser l'octroi d'accompagnant·es dans le cadre scolaire (AESH). « Au lieu de répondre aux besoins de l'enfant, le système scolaire demande à l'enfant de s'adapter. Les besoins de nombreux enfants sont ignorés », déplore le rapport.
- Hausse des réclamations sur la « déontologie de la sécurité »
La Défenseure des droits est chargé de veiller au respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité sur le territoire. En la matière, le rapport annuel fait état de 2 455 réclamations portant sur la « déontologie de la sécurité » soit une légère hausse de 2 % par rapport à 2021. Une majorité (78 %) de ces réclamations concerne l’action des forces de l’ordre. Parmi les motifs de saisies, on trouve la violence (15 %), le refus de plainte (10 %) ou encore des propos déplacés (10 %) tenus par des personnes exerçant une autorité. Lors d’une conférence de presse donnée ce lundi, Claire Hédon a indiqué que la répression policière lors des manifestations contre la réforme des retraites a d'ores-et-déjà donné lieu à 115 saisines en 2023, rapporte Le Monde.
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- La hausse des réclamations en matière de lutte contre les discriminations
Le rapport de la Défenseure des droits observe une légère hausse (2 %) des saisines concernant la lutte contre les discriminations, dont 20 % sont fondées sur le handicap de l’intéressé·e. On trouve ensuite les origines (13 %), l’état de santé (11 %) et la nationalité (5 %) de la personne.
Le rapport souligne aussi que l’emploi demeure, comme l’an dernier, le premier domaine où s’exercent les discriminations : 24 % des saisines concernent une discrimination dans l'emploi privé et 17 % dans l'emploi public, loin devant l'éducation (7%) ou le logement (6%). « De trop nombreuses réclamations parviennent encore au Défenseur des droits de la part de femmes dont les contrats ont été interrompus parce qu’elles étaient enceintes et auxquelles on reproche régulièrement un “un manque de loyauté” lorsqu’elles ne signalent pas, de façon très anticipée, leur grossesse », constate ainsi le rapport qui rappelle que « rien ne les y oblige ».
- Vers une meilleure protection des lanceur·ceuses d'alerte
L’instance a également reçu 134 réclamations concernant l’orientation et la protection des lanceur·ceuses d’alerte. Une augmentation de 51 % par rapport à 2021, où on en comptait 89. L’année 2022 a d’ailleurs marqué une nouvelle étape dans leur protection, avec la loi Waserman entrée en vigueur le 1er septembre, qui a étendu la protection et les droits des lanceur·ceuses d’alerte. « C’est au cours de sa mise en œuvre dans les mois et les années à venir que l’on pourra juger de l’efficacité réelle du nouveau cadre légal », estime le rapport qui souligne qu’ « on peut d’ores-et-déjà estimer qu’il doit être encore amélioré – notamment sur le volet financier de l’accompagnement des lanceurs d’alerte ».