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© Arnaud Jaegers

Quel deve­nir pour le “vote fémi­niste” amor­cé par la can­di­da­ture mal­heu­reuse de Sandrine Rousseau ?

La can­di­da­ture de Sandrine Rousseau à la pri­maire éco­lo­giste des Verts a mobi­li­sé un large élec­to­rat de sen­si­bi­li­té fémi­niste. Mais existe-​t-​il pour autant un vote fémi­niste comme il a pu exis­ter, autre­fois, un vote ouvrier ?

Sitôt éclos, sitôt dou­ché. L’espoir fémi­niste sus­ci­té par la can­di­da­ture mal­heu­reuse de Sandrine Rousseau à la pri­maire EELV s’est sol­dé, le 28 sep­tembre der­nier, par une défaite à 2 000 voix près. L’enthousiasme de jeunes et moins jeunes militant·es pour l’ancienne porte-​parole du par­ti, qui avait fait de l’écoféminisme la pierre angu­laire de son pro­gramme et de sa vision pré­si­den­tielle s’est heur­té à l’élection plus conven­tion­nelle de Yannick Jadot, dont la fibre prag­ma­tique contraste avec la pro­po­si­tion radi­cale assu­mée de Rousseau. Fin de par­tie pour ce vote féministe ?

Depuis l’émergence du mou­ve­ment #MeToo en 2017, les enjeux fémi­nistes mobi­lisent une nou­velle géné­ra­tion mili­tante qui influe sur les débats de socié­té et que les par­tis poli­tiques sont bien obli­gés d’écouter. Tant et si bien qu’on trouve, dans les pro­messes élec­to­rales affi­chées jusqu'à pré­sent par les aspirant·es président·es, des réfé­rences au fémi­nisme, (un tract d'Anne Hidalgo affiche ain­si « Je veux une France répu­bli­cain, huma­niste, pro­gres­siste, éco­lo­giste et fémi­niste ») ou à l'égalité hommes-​femmes (Valérie Pécresse, can­di­date à la pri­maire LR y fait désor­mais sou­vent allu­sion). Même Marine Le Pen s’y est mise, à sa manière, décla­rant mi-​septembre vou­loir faire du har­cè­le­ment de rue un délit pas­sible de pri­son. A croire que désor­mais, la mobi­li­sa­tion des ques­tions fémi­nistes est deve­nue incon­tour­nable. Mais existe-​t-​il un public en France qui décide de son bul­le­tin de vote prin­ci­pa­le­ment en fonc­tion des pro­po­si­tions tou­chant aux droits des femmes, ou s’agit-il d’une variable par­mi tant d’autres dans le choix électoral ?

“Grille de lec­ture des rap­ports sociaux”

Celles qui se sont enthou­sias­mées pour la can­di­da­ture de Sandrine Rousseau veulent croire à l’émergence d’un vote fémi­niste. « À mon sens, il existe un avant et après Sandrine Rousseau. En la voyant être si convain­cante et incar­ner un fémi­nisme enga­gé dans sa vie, je me suis ren­du compte qu’il était pos­sible d’avoir des can­di­dates fémi­nistes dans les­quelles je pou­vais me recon­naître. Dorénavant, ce sera un cri­tère [de vote, ndlr] pour moi », explique Suzanne, 27 ans et béné­vole de la cam­pagne de Sandrine Rousseau. 

Lire aus­si l Reportage : auprès des sou­tiens de Sandrine Rousseau, entre décep­tion et sur­prise pour ses 49% à la pri­maire EELV

S’il est impos­sible de savoir pré­ci­sé­ment qui sont les votant·es de la pri­maire éco­lo­giste des Verts, des membres de EELV ont éga­le­ment consta­té une mobi­li­sa­tion fémi­niste plus forte au sein de leur par­ti : « À mesure que les causes prennent de l’ampleur dans la socié­té, il y a des élec­to­rats qui se mobi­lisent, qui se révèlent et qui ont des prio­ri­tés plus ou moins affir­mées, observe Léa Balage el Maliki, en charge des mobi­li­sa­tions et élec­tions chez EELV. C’est le cas du fémi­nisme, qui n’est plus vu comme une cause de sec­teur mais qui devient une grille de lec­ture poli­tique des rap­ports sociaux. » 

Depuis le mou­ve­ment MeToo, les incur­sions de mili­tantes fémi­nistes au sein des ins­ti­tu­tions poli­tiques sont plus nom­breuses. Ces der­nières années chez EELV, des acti­vistes fémi­nistes à l’instar d’Alice Coffin et Raphaëlle Rémy Leleu, toutes deux conseillères à la ville de Paris, peuvent avoir contri­bué à l’émergence d’un vote fémi­niste : « Le vote mili­tant fémi­niste est ame­né par ces figures qui font le lien entre la socié­té civile, les mili­tantes fémi­nistes et la poli­tique, détaille Léa Chamboncel, pod­cas­teuse poli­tique et autrice d’un livre à paraître sur la place des femmes dans la vie poli­tique. C’est un phé­no­mène nou­veau jusqu'à alors, le mili­tan­tisme fémi­niste et le monde poli­tique avaient du mal à se rejoindre. » 

Un vote fémi­niste can­ton­né à EELV

Pour de nom­breuses élec­trices, la can­di­da­ture de Sandrine Rousseau a cris­tal­li­sé leur envie d’entendre une voix fémi­niste assu­mée et sans conces­sions dans le cadre de la cam­pagne pré­si­den­tielle : « Aujourd’hui, je pense que je peux me pri­ver d’un vote pour un can­di­dat dont le pro­gramme sur les ques­tions liées au genre ne me satis­fe­rait pas », explique Eli Tessier, membre de EELV. Pour Sévérine, membre de la cam­pagne de Sandrine Rousseau, le vote ne pour­ra plus se faire désor­mais sans la prise en compte des droits des femmes. « Dans toutes les crises, les pre­mières per­sonnes à être les plus tou­chées sont les femmes. Pour moi, c’est pri­mor­dial de pen­ser à ce para­mètre lorsqu’on vote », assure-t-elle.

Néanmoins, les fémi­nistes qui se rendent aux urnes ne sont pas que fémi­nistes. Au moment du vote, leurs consi­dé­ra­tions sont diverses. Plus que le fémi­nisme, ces élec­trices défendent éga­le­ment un pro­jet de socié­té inclu­sif : « Au-​delà du fémi­nisme, la ques­tion de l’antiracisme est très impor­tante pour moi. Le fémi­nisme qui m’anime est inter­sec­tion­nel, il intègre les ques­tions de racisme et les per­sonnes de la com­mu­nau­té LGBT. Pour l’instant, je ne vois aucun can­di­dat à la pré­si­den­tielle qui prenne en compte tous ces para­mètres dans son pro­gramme », détaille Clotilde, sup­por­trice de Sandrine Rousseau. Même son de cloche chez Suzanne : « J’aimerais trou­ver un pro­gramme qui parle de liai­sons des luttes, parce qu’il faut être sur tous les fronts. Je ne peux pas voter uni­que­ment pour une can­di­date fémi­niste, il faut faire des ponts plus larges. » Clotilde, elle, envi­sage peut-​être de voter pour la France insou­mise. Elle se trouve en effet des valeurs fémi­nistes com­munes avec les figures des dépu­tées LFI Clémentine Autain et Mathilde Panot (qui est d’ailleurs pré­si­dente du groupe à l’Assemblée).

Si la cam­pagne de Sandrine Rousseau a mobi­li­sé pour la pre­mière fois un élec­to­rat fémi­niste, il convient néan­moins de nuan­cer l’importance de ce der­nier dans le champ poli­tique : « Le fémi­nisme est un fac­teur de vote prin­ci­pa­le­ment pour le mou­ve­ment éco­lo­giste, observe Janine Mossuz-​Lavau, poli­to­logue et direc­trice de recherche émé­rite CNRS. Dans le reste de l’électorat, je ne pense pas que ce soit déter­mi­nant. Même pour l’électorat de gauche qui pour­rait voter pour Anne Hidalgo, le fémi­nisme n’est pas pri­mor­dial. C’est plu­tôt les ques­tions liées au pou­voir d’achat qui mobi­lisent ces élec­teurs. C’est encore pré­ma­tu­ré de par­ler d’un vote fémi­niste en France. » A l’inverse, si Eric Zemmour n’est pas encore offi­ciel­le­ment décla­ré can­di­dat, il ne se prive pas de dra­guer un élec­to­rat anti-​féministe, en s’affichant clai­re­ment contre l’égalité entre les genres et le fémi­nisme. Ainsi, lors de la Convention de la droite en 2019, il avait décla­ré que le fémi­nisme était rien moins qu’« une guerre d’extermination de l’homme blanc hété­ro­sexuel ». De quoi mobi­li­ser un élec­to­rat masculiniste ?

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