Rousseau

Reportage : auprès des sou­tiens de Sandrine Rousseau, entre décep­tion et sur­prise pour ses 49% à la pri­maire EELV

Sandrine Rousseau a per­du de très peu mar­di 28 sep­tembre la pri­maire EELV face à Yannick Jadot. Intronisé dans la fou­lée par le par­ti pour la pré­si­den­tielle, ce der­nier n'a pas eu un mot pour le score de son adversaire.

Il est 17h28 ce mar­di 28 sep­tembre dans un res­tau­rant soli­daire de Pantin (Seine-​Saint-​Denis) quand un bruis­se­ment court par­mi les jour­na­listes qui attendent en bas des marches menant au pre­mier étage du bâti­ment où Sandrine Rousseau s'est retran­chée avec ses plus proches. « Elle a per­du, c'est plié, Jadot fait 51% », trans­mettent les équipes télé, qui viennent d'apprendre la nou­velle dans leurs oreillettes, à leurs col­lègues de radio et presse écrite. Alors qu'à 17h30, la nou­velle tombe sur les écrans des télé­phones et que les visages des militant·es se décom­posent, la can­di­date mal­heu­reuse à la pri­maire EELV des­cend les marches et pro­voque un mou­ve­ment de foule des caméras. 

Après des remer­cie­ments émus à son équipe de cam­pagne, Sandrine Rousseau prend la mesure du che­min par­cou­ru : « Je crois vrai­ment que cette cam­pagne pré­si­den­tielle ne pour­ra plus com­plè­te­ment être la même après notre cam­pagne des pri­maires, et ça, c'est déjà une pre­mière vic­toire. » En rem­por­tant 49% des suf­frages (48,97% exac­te­ment) face à un cacique d'Europe éco­lo­gie les verts (EELV), la quasi-​inconnue des Verts vient de réa­li­ser une per­for­mance, à la hau­teur des réac­tions épi­der­miques que sa cam­pagne a sus­ci­té chez ses adversaires. 

"On ne revien­dra pas en arrière"

Les membres de l'équipe de cam­pagne de celle qu'on a pré­sen­té comme la can­di­date « radi­cale » face à un Jadot plus « prag­ma­tique » et donc pré­si­den­tiable se prennent dans les bras, certain·es la larme à l'œil. Hébétés de voir perdre leur cham­pionne avec un écart de 2 107 voix sur 104 772 suf­frages expri­més. « Ce score, c'est le début de quelque chose », lance Annie Lahmer, conseillère régio­nale d'Île-de-France, à un mili­tant pour le conso­ler. « L'écart est infime, reprend-​t-​elle pour Causette. Ca veut dire que Sandrine et ses idées se sont ancrées dans le pay­sage poli­tique et qu'on ne peut plus faire sans elle, ni au sein du par­ti ni en dehors. » Celle qui s'est liée d'amitié avec Sandrine Rousseau en 2016 lorsqu'elles ont fait front com­mun avec deux autres femmes pour accu­ser, dans une enquête de Médiapart, l'ancien numé­ro 2 du par­ti Denis Baupin ajoute : « C'est tout de même une belle vic­toire car elle avait face à elle quelqu'un d'implanté dans l'institution. »

Le verre à moi­tié plein est aus­si celui que par­tage la mili­tante EELV Mélanie1, 24 ans, qui a rejoint le camp Sandrine Rousseau il y a un mois et demi, de façon béné­vole, comme l'ensemble de l'équipe de cam­pagne. « J'ai choi­si Sandrine Rousseau parce qu'elle est avant tout éco­no­miste et que je consi­dère qu'il manque au par­ti une légi­ti­mi­té dans le champ éco­no­mique, explique-​t-​elle. Elle est aus­si vice-​présidente de l'Université de Lille et donc connait les pro­blé­ma­tiques des jeunes, notam­ment en ce qui concerne notre pré­ca­ri­té. » La décep­tion déjà rava­lée concer­nant la vic­toire d'un Jadot « plu­tôt libé­ral et Macron-​compatible », la jeune femme veut elle aus­si croire que « pour la pro­chaine fois, ce sera bon, la socié­té aura évo­lué pour mesu­rer l'importance du pro­jet de Sandrine Rousseau, qui se base sur la lutte contre les dis­cri­mi­na­tions, qu'elles soient sociales, éco­no­miques, d'origines ou de genre pour un vrai chan­ge­ment de sys­tème. » « Il a fal­lu attendre 50 ans pour que les idées de la pion­nière de l'écoféminisme [concept qui lie les luttes contre le patriar­cat et le capi­ta­lisme], Françoise d'Eaubonne, soient por­tées par une can­di­date à la pré­si­den­tielle, abonde la mili­tante fémi­niste et autrice Claudine Cordani. On ne revien­dra pas en arrière. »

"Yannick est politique"

Même enthou­siasme du côté d'Yves, 41 ans et Guillemette, 65 ans, qu'on sur­prend à devi­ser sur les chiffres de cette défaite : « 49%, ce n'est pas 25 ! » « Ce qui est par­ti­cu­lier concer­nant Sandrine Rousseau, c'est que ses sou­tiens sont de très jeunes gens et des gens qui n'étaient pas poli­ti­sés, observe Guillemette. Sandrine a donc réus­si à les faire venir à elle avec ses idées qui résonnent chez ces jeunes mili­tants, et ça, cela peut inté­res­ser l'ensemble du par­ti. » « On espère donc que Yannick Jadot va conti­nuer à por­ter les com­bats de Sandrine Rousseau, com­plète Yves. Notamment sur les droits des femmes et le reve­nu d'existence [sur le prin­cipe du reve­nu uni­ver­sel, ndlr] de 850 euros. »

Désormais tourné·es vers l'élection pré­si­den­tielle, les militant·es croisé·es dans le QG de Sandrine Rousseau acceptent pour la plu­part les règles du jeu de la pri­maire consis­tant à se ras­sem­bler désor­mais autour de la figure de Yannick Jadot – même si Mélanie fait la gri­mace quand on lui demande si cela va repré­sen­ter un effort et pré­fère sau­ter la ques­tion. Annie Lahmer cal­cule : « Yannick est poli­tique et il est loin d'être bête, il voit bien qu'il va devoir faire avec l'élan que Sandrine a sus­ci­té. De son côté, elle s'est enga­gée à res­pec­ter le choix de la per­sonne dési­gnée, donc elle tra­vaille­ra avec lui. Il faut juste qu'on lui donne la place. »

Dans le dis­cours de Jadot, pas un mot sur le score de Rousseau

Mais « Yannick » a‑t-​il bien mesu­ré l'effet Sandrine et le sur­saut d'enthousiasme poli­tique qu'elle a créé ? Les deux équipes de cam­pagne et leurs cham­pions s'étaient don­né rendez-​vous vers 18h au Dock B, salle cultu­relle sise sur les bords de Seine par­cou­rant Pantin. Après avoir par­cou­ru les 50 mètres entre la péniche-​bar où il avait appris les résul­tats et le Dock B, Yannick Jadot a adres­sé son pre­mier dis­cours d'investiture devant un par­terre de jour­na­listes et de militant·es. Frappant : « Sandrine » est remer­ciée au même titre que « Delphine » (Batho) et « Eric » (Piolle), candidat·es à la pri­maire évincé·es au pre­mier tour2. Pas plus, pas moins. Yannick Jadot ne salue­ra pas le score de son adver­saire, ne poin­te­ra pas que l'étroitesse de sa vic­toire l'oblige face à celle qui a por­té haut les cou­leurs de l'écoféminisme. Mot qu'il ne pro­non­ce­ra nul­le­ment, pré­fé­rant atta­quer son dis­cours sur la lutte à mener contre l'idéologie d'Eric Zemmour. Et don­nant ain­si l'impression que ce der­nier, même un jour de réunion de la grande famille EELV, conti­nue d'être l'ultime bous­sole du débat politique. 

« C'est vrai qu'il aurait pu mettre plus en avant le très bon score de Sandrine, mais ce n'est qu'un pre­mier dis­cours, il lui fera de la place plus tard », tente le Conseiller de Paris EELV Emile Meunier. Ce der­nier, qui a voté pour Yannick Jadot parce que l'homme lui est appa­ru comme « mieux pré­pa­ré sur les dos­siers », recon­nait qu'il y a eu dans cette pri­maire « un vrai match ». « La phrase peut faire un peu élé­ment de lan­gage, mais je pense vrai­ment que l'écologie en res­sort gagnante car cha­cun a pu appor­ter ses élé­ments, com­plé­ter l'autre, affirme-​t-​il. Grâce à Sandrine, des luttes qui font par­tie des fon­da­men­taux du par­ti comme la lutte contre les dis­cri­mi­na­tions ont pu à nou­veau res­sor­tir dans le débat public. Cela avait été un peu oublié et Sandrine a rap­pe­lé au monde que, oui, l'écologie est un pro­jet com­plet et radi­cal. » Encore faudra-​t-​il faire une place à Rousseau dans la cam­pagne EELV pour qu'elle puisse conti­nué à le rappeler.

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  1. Le pré­nom a été modi­fié[]
  2. Oublié, Jean-​Marc Governatori, mais il faut dire que le can­di­dat cen­triste entend por­ter son score de 2,5 % devant la jus­tice.[]
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