Jeanne Herry : « Ce que j'aime avec la jus­tice res­tau­ra­tive c'est qu'au cours des cercles de parole, le verbe fait avan­cer l’action »

Après le succès de Pupille, Jeanne Herry revient avec Je verrai toujours vos visages, un nouveau film poignant consacré, cette fois, à la justice restaurative, méconnue en France. Explications avec une cinéaste qui a vraiment le goût des autres...

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Jeanne Herry © DR

Causette : Créée en 2014, la justice restaurative est un dispositif peu connu en France, qui met face à face des victimes et des auteur·rices d’infractions au terme d’une longue préparation. Comment et pourquoi vous y êtes-vous intéressée ?
Jeanne Herry :
Je cherchais un nouveau sujet à traiter après Pupille, mon film précédent, et je suis tombée par hasard sur un podcast de France Culture consacré à la justice restaurative, dont je ne savais rien alors. Ça m’a tout de suite intriguée, puis captivée. Sans doute parce que au départ, le milieu de la justice m’intéresse. Je voulais être avocate quand j’étais petite, et j’ai toujours été passionnée par les grands criminels. Et puis la justice, pour moi, ce sont aussi les procès, donc le royaume des récits, de l’oralité et de la fragilité humaine...

Qu’est-ce qui, dans ce nouvel outil judiciaire, a précisément déclenché en vous l’envie de faire un film ?
J. H. :
C’est avant tout la thématique de la réparation. Elle était déjà présente dans Pupille, quoique différemment, puisque son sujet c’était la séparation, la rupture du lien, puis la recréation de ce lien à travers l’adoption. Tandis que là, il s’agit de la reprise d’un dialogue, dûment préparé et encadré, l’idée étant d’échanger des ressentis, de libérer des émotions, pour tisser un nouveau rapport et peut-être dépasser ses peurs. De fait, on ne peut pas vivre sans liens, c’est cela qui me guide, quoi qu’il arrive ! Mais j’aimerais préciser aussi que la justice restaurative est un terrain de jeu très intéressant lorsqu’on est cinéaste. C’est même un cadre idéal pour écrire un film fort, avec des scènes d’action psychologiques, car ici, au cours des rencontres et des cercles de parole entre victimes et auteurs d’agressions, c’est le verbe qui fait avancer l’action. Tout ce que j’aime !

La force de votre film repose beaucoup, aussi, sur la puissance de jeu de vos actrices et acteurs. Un casting 5 étoiles, avec notamment Miou-Miou, Adèle Exarchopoulos, Gilles Lellouche, Élodie Bouchez...
J. H. :
Il n’y a rien qui me passionne plus que filmer les visages, les regards, et l’écoute aussi. Sans doute parce que mon plaisir à filmer les acteurs est au cœur de ma démarche. Du découpage de mon film au tournage, je mets tout en œuvre pour leur créer un espace sécurisé, comme la justice restaurative le fait avec ses participants. Je veux qu’ils se sentent bien, c’est si étrange comme activité, le jeu ! Entre la maîtrise et l’abandon... C’est d’autant plus étrange lorsqu’on plonge, comme ici, dix personnes dans une espèce de huis clos pendant plusieurs semaines !

En somme, Je verrai toujours vos visages parie sur le collectif, à tout point de vue ?
J. H. :
Oui, mon film raconte le triomphe du collectif, comme le cinéma qui est lui-même un travail d’équipe. J’y crois beaucoup, au risque de paraître naïve. C’est dans ma nature : le bonheur, pour moi, c’est les autres. D’ailleurs, la justice restaurative, qui m’a vraiment passionnée pendant trois ans, m’a rendue meilleure ! Elle m’a donné une appétence pour d’autres vies que la mienne, pour reprendre le titre du livre d’Emmanuel Carrère...

Je verrai toujours vos visages, de Jeanne Herry. Sortie le 29 mars.

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