Trois adolescentes en lutte contre la violence viriliste en banlieue, un tandem mère-fils en équilibre instable, une prof de collège prise dans un engrenage paranoïaque en Allemagne : voici les sorties ciné du mercredi 6 mars.
HLM Pussy
Nora El Hourch, jeune autrice et réalisatrice française, nous ravit d’emblée avec HLM Pussy. Et cela d’autant plus qu’elle est l’une des premières à sonder l’impact du mouvement #MeToo sur les “quartiers”, et surtout sur les jeunes filles qui y vivent !
Voyez ses héroïnes : Amina, Zineb et Djeneba sont trois collégiennes impétueuses, rieuses et naïves, comme on peut l’être à 15 ans. Trois amies d’enfance, inséparables par-delà leurs différences (Amina réside dans une banlieue pavillonnaire avec ses parents ouverts et aisés, Zineb et Djeneba habitent dans une cité où les garçons imposent leur loi), jusqu’au jour où Amina poste sur les réseaux sociaux une vidéo mettant en cause l’agresseur de Zineb (on le voit la coincer et l’embrasser sans son consentement, évoquant au passage – et pour frimer – des faits délictueux commis par un caïd dont il se dit l’ami). Pétri de bonnes intentions au départ, le geste d’Amina va se révéler très dangereux, notamment pour ses deux copines qui se retrouvent en première ligne puisque vivant dans la même cité que le lascar et sa bande…
On le voit, le simple résumé de l’intrigue témoigne de sa richesse, puisque s’y imbriquent les thèmes de l’amitié adolescente, des frontières sociales, des violences sexuelles et sexistes ainsi que celui de la puissance des réseaux sociaux. Mais ce qu’il ne dit pas, c’est la subtilité dont fait preuve Nora El Hourch pour les explorer. Ouvrant son récit sur une scène d’altercation entre les trois amies et deux garçons brancheurs, la réalisatrice adopte d’emblée le point de vue des filles (vibrantes Leah Aubert, Salma Takaline et Médina Diarra !). Façon pour elle de démonter au plus près la complexité des situations, mais aussi de témoigner de son empathie. Constante et convaincante. Ainsi, le regard tout en nuances qu’elle pose sur la double culture d’Amina, trop blanche pour certains, trop arabe pour d’autres ; ainsi, sa façon sensible d’aborder la zone grise du consentement à travers Zineb, petite fille taiseuse qui se découvre femme, brutalement, à travers le regard prédateur de son agresseur. Un élan profondément sororal – et contagieux – se dégage donc de ce premier film cohérent et prometteur.
![“HLM Pussy”, “La Vie de ma mère”, “La Salle des profs” : les sorties ciné de la semaine 2 Capture decran 2024 03 04 a 16.55.12](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2024/03/Capture-decran-2024-03-04-a-16.55.12-768x1024.png)
HLM Pussy, de Nora El Hourch.
La Vie de ma mère
Sujet périlleux que celui choisi par Julien Carpentier pour son premier long-métrage ! La Vie de ma mère nous entraîne en effet dans les pas de Pierre, 33 ans, fleuriste, qui voit sa vie basculer lorsque Judith, sa mère fantasque, débarque sans prévenir dans son quotidien. En fait, Judith est bipolaire et vient de s’échapper de sa clinique après avoir arrêté son traitement. Leurs retrouvailles vont donc être explosives… D’autant que Pierre, garçon bosseur, méthodique, réservé, comprend assez vite qu’il va devoir prendre en charge, désormais, cette mère passablement inadaptée quoique vigoureuse. Lourde responsabilité… Soyons honnêtes : la chance du film, c’est d’abord l’alchimie formidable qui se dégage du duo antagoniste formé par Agnès Jaoui (jamais pathétique ni vulgaire dans le rôle pourtant borderline, haut en couleur, de Judith) et William Lebghil (qui trouve enfin un rôle à sa hauteur en interprétant un Pierre plus calme et plus mature que les personnages comiques auxquels il semblait abonné). Certes, leur énergie “mélancomique” fait un peu penser, parfois, à celle qui oppose le clown blanc et l’Auguste du cirque de notre enfance. Reste que la qualité de leur jeu et la juste complexité de leurs sentiments les entraînent – et nous avec – vers un territoire plus intéressant et touchant. Le ton adopté par Julien Carpentier, entre tendresse et lucidité, participe également de ce bel équilibre… instable.
![“HLM Pussy”, “La Vie de ma mère”, “La Salle des profs” : les sorties ciné de la semaine 3 AFF 120 LA VIE DE MA MERE](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2024/03/AFF-120-LA-VIE-DE-MA-MERE-752x1024.jpg)
La Vie de ma mère, de Julien Carpentier.
La Salle des profs
Réalisé tel un thriller, La Salle des profs place au cœur de son intrigue haletante un dilemme moral tout à fait d’actualité. Nul hasard s’il a pour cadre un collège, chambre d’écho d’à peu près toutes les grandes questions de notre société. Nous voilà donc projeté·es au côté de Carla, une jeune enseignante en mathématiques qui décide de mener sa propre enquête, en secret, après qu’une série de vols a eu lieu en salle des profs et que les soupçons se sont dirigés vers un élève d’origine étrangère. Sauf que l’intègre Carla (remarquable Leonie Benesch) perd vite le contrôle de la situation, tant et si bien que tout le monde se retourne contre elle et se met même à soupçonner tout le monde (élèves, profs et parents compris). Une ronde paranoïaque qui raconte, a minima, combien la relation de confiance s’est rompue (entre les ados et les adultes comme entre le système éducatif et les familles), mais qui montre aussi la détresse d’une société précaire, chahutée, polarisée, qui croit trouver dans le racisme, l’effet de groupe et la tyrannie une réponse à ses inquiétudes. La Salle des profs étant un film allemand, il est difficile, bien sûr, de ne pas établir de liens avec le terrible passé de ce pays (il a d’ailleurs battu des records d’entrées en Allemagne). Reste qu’en distillant avec une rare maîtrise tensions, humiliations et questions tout le long de son récit réaliste, Ilker Çatak, son réalisateur, nous adresse à toutes et à tous un avertissement des plus efficaces.
![“HLM Pussy”, “La Vie de ma mère”, “La Salle des profs” : les sorties ciné de la semaine 4 Capture decran 2024 03 04 a 16.58.40](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2024/03/Capture-decran-2024-03-04-a-16.58.40-766x1024.png)
La Salle des profs, d’Ilker Çatak.