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© Tyler Merbler

Loi bioé­thique : les points de cris­pa­tion à pré­voir durant la seconde lec­ture à l’Assemblée

MISE À JOUR – 31/​07/​20 /​/​ Mercredi 29 juillet au soir, l'Assemblée natio­nale a voté à 66 voix pour, 27 contre et 3 abs­ten­tions l'article 1 de la loi, ouvrant la PMA aux couples de femmes et aux femmes céli­ba­taires. Les dépu­tés ont, en outre, voté sa prise en charge par la sécu­ri­té sociale. La joie des concer­nées est pour­tant miti­gée : la PMA post-​mortem et la méthode ROPA ont été reje­tées par les dépu­tés. Ainsi que l'ouverture de la PMA aux hommes trans.
Autre dos­sier : les dépu­tés ont voté l'autoconservation d'ovocytes. Ils sont même allés plus loin, en auto­ri­sant les éta­blis­se­ments pri­vés à accueillir des stocks de gamètes auto­con­ser­vées lorsque les éta­blis­se­ments publics dédiés (Cecos) de leur ter­ri­toire n'en ont pas la capa­ci­té. Cette dis­po­si­tion concer­ne­ra notam­ment la Guyane, Mayotte, la Martinique et la Corse.


Le pro­jet de loi bioé­thique revient pour une seconde lec­ture à l’Assemblée natio­nale à par­tir de ce lun­di 27 juillet. Dans un cli­mat où de nom­breux oppo­sants cri­tiquent le calen­drier choi­si, qui fait repas­ser le texte devant l’Assemblée juste avant la trêve esti­vale, Causette fait le point sur ses mesures phares… Et ses points d’accrochage.

« J’entends ici et là que le calen­drier ne serait pas le bon, parce que les Français sont en vacances et que l’Assemblée s’est vidée, observe Guillaume Chiche, dépu­té du groupe Écologie Démocratie Solidarité (EDS) et secré­taire de la com­mis­sion spé­ciale char­gée d’examiner le pro­jet de loi rela­tif à la bioé­thique. Mais, que je sache, aucun texte n’est jamais voté en la pré­sence des 577 dépu­tés. Et, par ailleurs, il y a une urgence à légi­fé­rer sur la PMA [Procréation médi­ca­le­ment assis­tée, ndlr] pour toutes : la crise sani­taire a fait dis­pa­raître un cer­tain nombre de pro­jets paren­taux [de femmes seules ou les­biennes qui avaient un pro­jet de PMA à l’étranger sus­pen­du par le confi­ne­ment]. »

Ce matin du 27 juillet, le dépu­té des Deux-​Sèvres, qui sou­haite faire de la léga­li­sa­tion de la PMA pour toutes la signa­ture de son man­dat élec­to­ral, avait convo­qué la presse au Palais-​Bourbon pour un point étape avant la reprise des débats en séance sur la loi bioé­thique. Et pré­vient : même au sein d’EDS, le groupe ras­sem­blant, depuis mai, dix-​sept député·es déçu·es de LREM et cha­peau­té par Matthieu Orphelin, cer­tains amen­de­ments pro­vo­que­ront des dis­sen­sions lors du vote. Alors, ima­gi­nez l’effet du pro­jet de loi sur l’ensemble de l’Assemblée. Guillaume Chiche reste quant à lui confiant : si la com­mis­sion spé­ciale est allée plus loin que le pro­jet de loi gou­ver­ne­men­tal, il croit « que les dépu­tés de la majo­ri­té vont se per­mettre une plus grande liber­té de vote » qu’en pre­mière lec­ture, afin de mar­quer le quin­quen­nat d’une grande loi de pro­grès sociétal.

Car ce texte de loi, très riche, est loin de se limi­ter à sa mesure phare, la PMA pour toutes. Mais les vingt-​cinq heures de débats pré­vues pour cette deuxième lec­ture n’entérineront rien : la loi bioé­thique doit repas­ser à l’automne devant le Sénat, qui aura tout le loi­sir de détri­co­ter le tra­vail des député·es. En atten­dant, Causette vous pré­sente les points saillants de ce pas­sage devant l’Assemblée.

Prise en charge par la sécu­ri­té sociale de la PMA pour toutes

C’est l’un des che­vaux de bataille des asso­cia­tions deman­dant la léga­li­sa­tion de la PMA pour les les­biennes et les femmes céli­ba­taires : faire que la PMA qu’elles entre­prennent soit prise en charge par la Sécurité sociale, comme pour les couples hété­ro­sexuels. Évacué par le Sénat lors de sa pre­mière lec­ture au prin­temps, le rem­bour­se­ment de la PMA pour toutes a été res­tau­ré par la com­mis­sion spé­ciale char­gée du texte à l’Assemblée.

Pour Guillaume Chiche, il s’agit d’un enjeu cru­cial, per­met­tant « d’arrêter la hié­rar­chi­sa­tion entre les dif­fé­rentes familles, hété­ros, solo ou les­biennes ». « L’accès à la pra­tique médi­cale qu’est la PMA ne peut plus souf­frir de dis­cri­mi­na­tion, argue-​t-​il. Pour l’heure, nous sommes face à un exer­cice de droit à géo­mé­trie variable, en fonc­tion de la taille du por­te­feuille [puisque les femmes céli­ba­taires ou les­biennes qui en ont les moyens peuvent se rendre dans les pays étran­gers où la PMA leur est auto­ri­sée]. »

Accès à la méthode de « récep­tion des ovo­cytes de la par­te­naire », dite Ropa

À l’issue de « longues heures de débat », pré­cise Guillaume Chiche, la com­mis­sion spé­ciale a amen­dé le pro­jet de loi pour auto­ri­ser la tech­nique Ropa dans le cadre de l’infertilité de la femme sou­hai­tant tom­ber enceinte. Cette méthode per­met à une femme de faire don de ses ovo­cytes à sa par­te­naire pour une PMA. Pour le dépu­té, il s’agit de « maxi­mi­ser les chances de réus­site », sou­le­vant que « la PMA est un par­cours semé d’embûches et de souffrances ».

Sur ce point, les député·es EDS ne sont pas tous d’accord et le gou­ver­ne­ment reste défa­vo­rable à une telle pra­tique, pour des rai­sons éthiques.

Filiation des enfants né·es par PMA dans un couple de femmes

À l’heure actuelle, au sein d’un couple hété­ro, et PMA ou pas, le père béné­fi­cie d’une pré­somp­tion de pater­ni­té qui auto­ma­tise la filia­tion auprès de l’État civil. Le texte de loi bioé­thique per­met une recon­nais­sance conjointe anti­ci­pée par les deux mères. Guillaume Chiche, lui, ten­te­ra de pous­ser un amen­de­ment pour auto­ma­ti­ser la recon­nais­sance d’une « coma­ter­ni­té pré­su­mée » pour la mère non por­teuse, sur les mêmes moda­li­tés que les couples hétéros.

PMA post-​mortem

Il s’agit ici d’un amen­de­ment qui divise au sein même du très pro­gres­siste groupe EDS : auto­ri­ser la PMA post-​mortem, c’est-à-dire après la mort du ou de la conjoint·e de la rece­veuse d’embryon. Rejeté par la com­mis­sion spé­ciale, il sera bel et bien défen­du par Guillaume Chiche lors de la séance publique.

L’idée ? Qu’au moment des démarches enta­mant le pro­ces­sus de PMA, les équipes médi­cales pro­posent au ou à la conjoint·e de la femme qui se des­tine à por­ter l’enfant de don­ner leur consen­te­ment à ce que la femme réa­lise la PMA si le.la conjoint·e décède avant l’implantation des embryons. « Dans le concret, si la per­sonne décé­dée a don­né son consen­te­ment, la rece­veuse d’embryon aurait six mois de réflexion – le temps du deuil – pour choi­sir de réa­li­ser, ou pas, la PMA, détaille Guillaume Chiche. Si elle sou­haite aller jusqu’au bout de la pro­cé­dure, il fau­dra alors que la PMA soit réa­li­sée sous les dix-​huit mois. »

Autoconservation des ovocytes

Actuellement, sur indi­ca­tion médi­cale, les hommes peuvent faire conser­ver leur sperme dans des Cecos. Parce qu’ils vont subir un trai­te­ment inva­sif qui nui­rait à leur fer­ti­li­té, ou parce qu’ils choi­si­raient une vasec­to­mie comme méthode de contra­cep­tion. Jusqu’à pré­sent, les femmes ne peuvent, elles, conser­ver leurs ovo­cytes que si elles réa­lisent un don de gamètes. Le texte de loi dont débat­tront les député·es veut en finir avec cette inéga­li­té, et ce alors que les femmes décident d’avoir des enfants de plus en plus tar­di­ve­ment, au moment où leur fer­ti­li­té tend à baisser.

« Une per­sonne majeure qui répond à des condi­tions d’âge fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Agence de la bio­mé­de­cine, peut béné­fi­cier, après une prise en charge médi­cale par l’équipe cli­ni­co­bio­lo­gique plu­ri­dis­ci­pli­naire, du recueil, du pré­lè­ve­ment et de la conser­va­tion de ses gamètes en vue de la réa­li­sa­tion ulté­rieure, à son béné­fice, d’une assis­tance médi­cale à la pro­créa­tion », pro­pose la com­mis­sion spé­ciale. « C’est une grande avan­cée pour les femmes, appuie Guillaume Chiche, d’autant que cette auto­con­ser­va­tion sera prise en charge par la Sécurité sociale. »

Don de sang des hommes homosexuels

Alors qu’en juillet 2019 le légis­la­teur avait réduit la période d’abstinence à quatre mois pour les hommes homo­sexuels sou­hai­tant don­ner leur sang, le pro­jet de loi bioé­thique pro­pose de sup­pri­mer pure­ment et sim­ple­ment cette période d’abstinence – une dis­po­si­tion depuis long­temps récla­mée par les asso­cia­tions LGBT.

« La période d’abstinence à laquelle sont sou­mis les hommes homo­sexuels parce qu’ils auraient plus de pra­tiques sexuelles à risque que les autres est une aber­ra­tion », sou­ligne Guillaume Chiche. Sa sup­pres­sion serait un cap sup­plé­men­taire dans la lutte contre la stig­ma­ti­sa­tion des homos, pour en finir avec une époque où ils ont été poin­tés du doigt comme res­pon­sables de la pro­pa­ga­tion du VIH.

Filiation des enfants nés par GPA à l’étranger

Attention, sujet hau­te­ment inflam­mable. Si la loi bioé­thique pré­voit bel et bien un petit quelque chose au sujet de la recon­nais­sance légale des enfants nés par ges­ta­tion par autrui (GPA), on ne peut pas dire qu'il soit des plus lim­pides : « Tous les enfants dont la filia­tion est léga­le­ment éta­blie ont, dans leurs rap­ports avec leurs parents, les mêmes droits et les mêmes devoirs […]. La filia­tion fait entrer l’enfant dans la famille de cha­cun de ses parents. » Difficile, avec cette seule men­tion floue de léga­le­ment éta­blie, de faci­li­ter le droit des familles à obte­nir une recon­nais­sance véri­table vis-​à-​vis du droit fran­çais. Certain·es député·es, Guillaume Chiche en tête, cher­che­ront donc à aller plus loin lors de la séance publique, à coup d’amendements.

Le sien, qui pro­pose une modi­fi­ca­tion de l’article 47 du Code civil, Guillaume Chiche, a pour ambi­tion d’en finir avec « l’adoption intra­fa­mi­liale, qui est une humi­lia­tion pour les parents » mais aus­si avec « l’insécurité juri­dique de l’enfant » : il pro­po­se­ra une recon­nais­sance auto­ma­tique devant l’État fran­çais des enfants nés par GPA à l’étranger, pour que les parents n’aient plus à mener des batailles judi­ciaires pour faire recon­naître leurs enfants.

« Les enfants n’ont pas à pâtir du choix du mode de pro­créa­tion de leurs parents. » Avant de mar­te­ler, pour se pré­mu­nir de la levée de bou­cliers anti-​GPA : « Cette dis­po­si­tion n’est qu’une façon d’offrir à ces familles une léga­li­té, il n’y a pas de marche vers la GPA en France. »

Diagnostic pré­im­plan­ta­toire élargi

Le texte de loi pré­voit l’extension du diag­nos­tic pré­im­plan­ta­toire à la recherche d’aneuploïdie, c’est-à-dire l’anomalie du nombre de chro­mo­somes de l’embryon. L’enjeu : détec­ter et pré­ve­nir les fausses-​couches dans le cadre d’une PMA. Dans le but, encore, « d’éviter des souf­frances inutiles », dixit Guillaume Chiche, aux couples ou aux femmes ayant recours à la PMA.

Libre choix des enfants intersexes

La loi bioé­thique entend pro­té­ger les enfants inter­sexes d’assignations sexuées arbi­traires et réa­li­sées à la nais­sance en concer­ta­tion entre l’équipe médi­cale et les parents. Le texte pré­voit que « le consen­te­ment du mineur doit être sys­té­ma­ti­que­ment recher­ché s’il est apte à expri­mer sa volon­té et à par­ti­ci­per à la déci­sion » concer­nant les inter­ven­tions chi­rur­gi­cales et les trai­te­ments médi­caux de réas­si­gna­tion sexuelle.

Mais pour Guillaume Chiche, cette dis­po­si­tion ne pro­tège pas assez l’enfant, puisque la com­mis­sion spé­ciale pré­voit par ailleurs que : « La rec­ti­fi­ca­tion de l’indication du sexe et, le cas échéant, des pré­noms est ordon­née à la demande de toute per­sonne pré­sen­tant une varia­tion du déve­lop­pe­ment géni­tal ou, si elle est mineure, à la demande de ses repré­sen­tants légaux, s’il est médi­ca­le­ment consta­té que son sexe ne cor­res­pond pas à celui figu­rant sur son acte de naissance. »

Le dépu­té por­te­ra donc un amen­de­ment visant à inter­dire « hors néces­si­té vitale » les inter­ven­tions chi­rur­gi­cales et les « trai­te­ments sou­vent irré­ver­sibles » sur les enfants né·es inter­sexes avant que l’enfant puisse don­ner un consen­te­ment éclai­ré. Cette dis­po­si­tion ali­gne­rait la France sur trois pays euro­péens : Malte, le Portugal et l’Albanie, qui a, début juillet, choi­si d’interdire ces inter­ven­tions sur les enfants.

« J’ai fait exprès de ne pas fixer d’âge auquel le consen­te­ment de l’enfant serait atten­du, pré­cise Guillaume Chiche. Nous sou­hai­tons lais­ser le soin à l’équipe plu­ri­mé­di­cale qui le suit d’estimer ce moment où l’enfant peut déci­der s’il sou­haite res­ter comme il est ou montre la volon­té d’avoir recours à une chi­rur­gie et des trai­te­ments qui modi­fie­ront son appa­rence pour col­ler au genre qu’il s’est choisi. »

Peu de chance que le dépu­té obtienne gain de cause sur l'ensemble de ses pro­po­si­tions, mais au moins, le débat aura le mérite d'exister dans l'hémicycle. Un débat qui ne souf­fri­ra pas, contrai­re­ment à celui sur le mariage pour tous en 2013, de l'outrage de la Manif pour tous : les militant·es catho­liques étaient certes bien présent·es ce midi, devant l'Assemblée natio­nale. Mais ils n'étaient qu'une poi­gnée. Et n'ont obte­nu qua­si aucun écho médiatique.

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