Après sa victoire française en tant que garde des Sceaux, ce grand humaniste et homme d’État avait poursuivi son combat contre la peine de mort pour la faire tomber dans tous les pays où elle tue encore.
Robert Badinter, l’ancien ministre de la Justice de François Mitterrand qui a porté l’abolition de la peine de mort en France, est décédé dans la nuit de jeudi à vendredi, a‑t-on appris auprès de sa collaboratrice, Aude Napoli. L’ancien président du Conseil constitutionnel était âgé de 95 ans.
Ministre de la Justice du président socialiste François Mitterrand (1981−1986), il porta la loi du 9 octobre 1981 qui abolit la peine de mort, dans une France alors majoritairement en faveur de ce châtiment suprême. Il s’investit par la suite, jusqu’à son “dernier souffle de vie”, pour l’abolition universelle de la peine capitale.
Deux mois après avoir fait voter la loi qui le rendit célèbre, il parvenait également à convaincre le Parlement de dépénaliser l'homosexualité, pour les mineurs de plus de 15 ans (la loi ne pénalisait pas l'homosexualité féminine). On estime aujourd'hui que plus de 10.000 condamnations pour homosexualité avaient été prononcées entre 1942 et 1982.
L’abolition dans la Constitution
Né à Paris le 30 mars 1928 dans une famille juive émigrée de Bessarabie (l’actuelle Moldavie), il devient avocat au barreau de Paris après des études de lettres et de droit et mène parallèlement une carrière d’enseignant universitaire. Par la suite, cofondateur avec Jean-Denis Bredin d’un prestigieux cabinet d’avocats, il défend des personnalités, des grands noms de la presse ou de l’entreprise, et plaide occasionnellement aux assises. En 1977, il évite la peine capitale au meurtrier d’enfant Patrick Henry, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité.
Divorcé d’une actrice épousée dans les années 1950, il était marié depuis 1966 à la philosophe féministe universaliste Élisabeth Badinter, née Bleustein-Blanchet, avec qui il a eu trois enfants.
Après son départ du gouvernement, il préside pendant neuf ans le Conseil constitutionnel (1986−1995). Sénateur socialiste de 1995 à 2011, il a la satisfaction de voir l’abolition de la peine de mort inscrite dans la Constitution en 2007. Toujours très actif, il planche sur une réforme de l’ONU dans les années 2000 et sur la réforme du Code du travail pendant le quinquennat de François Hollande.
Hommages
Rapidement après l’annonce de son décès, ce vendredi matin, les hommages ont plu. Emmanuel Macron a salué sur X “une figure du siècle, une conscience républicaine, l’esprit français” qui “ne cessera jamais de plaider pour les Lumières”. “En siégeant à ses côtés au Sénat, j’ai tellement admiré Badinter ! C’était un orateur qui faisait vivre ses mots comme des poésies. Il raisonnait en parlant et sa force de conviction était alors sans pareille. Peu importe les désaccords. Je n’ai jamais croisé un autre être de cette nature. Il était tout simplement lumineux”, a réagi sur X le leader La France insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon.
“Avec Robert Badinter, la France perd un géant, immense juriste, avocat et homme d’État. Je perds un ami intime, un compagnon de luttes, de victoires , de conversations littéraires et de moments intenses”, a écrit de son côté l’économiste Jacques Attali, ancien conseiller de Frannçois Mitterrand à l’élysée.