Le Musée des Beaux-Arts de Dijon met en parallèle, jusqu’au 22 août, costumes et œuvres picturales du XVIIIe siècle, soulignant le dialogue et l’influence réciproque entre le monde de l’art et celui de la mode.
Au siècle des Lumières, des boudoirs et des perruques poudrées, l’habit fait la nonne, et l’art de paraître prend tout son sens. Le style à la française s’impose dans toutes les cours et grandes villes d’Europe et les œuvres picturales deviennent les témoins d’une transformation de la société des Lumières. Une société dans laquelle les élites dirigeantes de l’aristocratie et les classes montantes de la haute-bourgeoisie rivalisent d’ailleurs de style et d’audace, dans un désir de séduction et d'affirmation de leur puissance. Et cela que ce soit dans leurs tenues ou dans les tableaux qui les représentent. L’exposition temporaire À la mode. L’art de paraître au XVIIIe siècle, présentée par le Musée des Beaux-Arts de Dijon jusqu’au 22 août, remonte le cours des siècles pour nous conter les influences réciproques entre le monde artistique et celui de la mode.
Après une première étape au Musée d’art de Nantes au début de l’année, l’exposition part cette fois à la rencontre d’un nouveau public dans l'établissement dijonnais, qui a réouvert ses portes en mai 2019 après dix-sept ans de travaux. « Nous étions à la recherche d'une expo "clé en main", explique auprès de Causette, Sandrine Champion-Balan, conservatrice en chef et co-commissaire de l’exposition. J'ai appelé ma collègue du musée de Nantes début 2020 pour lui demander si ils avaient réfléchi à une deuxième étape pour l'expo. Elle m'a répondu "pourquoi pas", tout est allé très vite, on a validé le projet en septembre 2020. » L'exposition a ouvert ses portes le 13 mai dernier et la fréquentation ne désemplit pas à en croire les dizaines de touristes et groupes scolaires croisées ce 16 juin.
Croiser les regards
Pourquoi s'être intéressé au siècle des Lumières et plus particulièrement au rapport entre l'art et la mode ? « Le XVIIIème siècle est sans aucun doute le siècle où est née la mode au sens actuel du terme, avec l’appropriation des modèles et des codes vestimentaires, répond Sandrine Champion-Balan. La mode devient un langage entre les élites, à l’époque, on s’habille avec l’idée de paraître et d’afficher son identité sociale. » Une exposition « particulièrement exceptionnelle, du fait de la rareté, préciosité et fragilité » de certaines pièces qui ne sont d'ordinaire jamais exposées au public.
C’est aussi la première fois que l’institution dijonnaise - en collaboration avec le Musée d’Art de Nantes et le Palais Galliera, Musée de la mode de la ville de Paris - met en vis-à-vis des pièces textiles inédites, des peintures, des objets et des arts graphiques. Au total, 140 œuvres - dont la majorité ont été prêtées pour l’occasion - qui permettent de croiser les regards entre le monde de l’art et celui de la mode au XVIIIe siècle. Tout cela au milieu d’une scénographie particulièrement innovante et dynamique, avec notamment l’utilisation de vitrines et de larges miroirs pour créer une conversation entre les costumes et les toiles.
Travail minutieux
« Mettre en lien la mode et l’art pictural était un challenge inédit mais nécessaire pour provoquer un véritable dialogue entre les deux et mettre sur un pied d’égalité peinture et costume », assure Sandrine Champion-Balan. Pour certaines robes, il aura fallu près de trois jours de « mannequinage » à l'équipe du musée, chaperonnée par deux régisseuses du Palais Galliera. Dans le jargon muséal, le mannequinage consiste à recréer un mannequin parfaitement adapté aux formes et à l’allure de celui ou de celle qui a porté la tenue autrefois. Un travail de reconstitution et de préservation minutieux.
Au-delà de pouvoir admirer des costumes grandioses et des œuvres picturales célèbres comme le Portrait de la reine Marie Leszczynska de Jean-Marc Nattier, les visiteur·euses pourront également découvrir l’origine d'expressions populaires comme « être comme cul et chemise » ou « faux-cul ».
Quatre chapitres
Le parcours de l’exposition a été pensé en quatre chapitres. Le premier est consacré à l’apparition de nouveaux métiers de la mode, notamment celui de la marchande de mode, dont l’importance est telle à l’époque que la peinture a gardé la mémoire de ces femmes. À l’image de l’emblématique Rose Bertin qui devient sous le règne de Louis XVI, la « ministre de la mode » de Marie-Antoinette. Elle ouvre, à seulement 26 ans, son propre magasin à Paris et invente une nouvelle façon de consommer le vêtement. Jusqu’ici, on en achète de nouveaux lorsque les anciens sont usés ou pour des événements exceptionnels, Rose Bertin décrète qu’il est désormais de bon ton de changer sa garde robe à chaque saison. Une certaine fast fashion en avance sur son temps.
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Le deuxième chapitre de l’exposition met en scène les peintres comme acteurs de la « fabrique de la mode ». Au XVIIIe siècle, les artistes portent en effet un soin particulier à la représentation des textiles dans leurs toiles, qui permettent de diffuser les tendances. « Les portraitistes offrent à leur modèle une aura de luxe », précise Sandrine Champion-Balan. En témoigne l’œuvre exposée Portrait de la famille Bergeret de Grandcourt, commandée en 1785 au peintre Jean-Laurent Mosnier pour célébrer la fulgurante ascension sociale de Jeanne Vignier, riche veuve de Bergeret de Grandcourt. La brillance du satin de sa robe donne une véritable impression de réalisme.
Libération de la silhouette féminine
Un troisième volet raconte de quelle manière la mode du XVIIIe siècle emprunte aux univers du théâtre, des bals et des fêtes déguisées. « Les habits de Pierrot et d’Arlequin s’échappent du cadre de la Commedia dell’arte », souligne la co-commissaire de l'expo. Enfin, la dernière partie offre aux visiteur·euses « une histoire du négligé-déshabillé » qui incarne l’importance de l’intimité dans l’évolution de la mode et des représentations sociales. Du côté du vestiaire féminin, de la robe de chambre à la robe empire, la silhouette féminine s’érotise.
Pour la première fois depuis des siècles, elle se débarrasse du corset, du panier et autres contraintes. Elle se libère, se pare de mousselines blanches à l’antique et surtout se simplifie. Même tempo du côté du vestiaire masculin, dans lequel la robe de chambre n’est plus seulement un vêtement d’intérieur mais devient le véritable attribut du philosophe, de l’homme de science ou de l’art.
À la mode - L'art de paraître au XIIIe siècle, au Musée des Beaux-Arts de Dijon jusqu'au 22 août.