samir elyes le media
Samir Elyes © Capture d'écran de la chaîne YouTube Le Média

Le col­lec­tif Adama accu­sé d'avoir cou­vert les vio­lences de genre d'un de ses membres

Dans une enquête de Mediapart, deux mili­tantes accusent Samir Elyes, ancien membre du col­lec­tif Vérité et Justice pour Adama, de vio­lences phy­siques et psy­cho­lo­giques. Elles dénoncent son retour au sein de l’association après une brève mise à l’écart et la silen­cia­tion des vic­times dans le milieu militant.

« C’est ter­rible de voir la fabrique du silence se jouer, confie Line – un pré­nom d'emprunt – à Mediapart. Avoir eu à tra­ver­ser ça avec Samir est une chose, voir son milieu se soli­da­ri­ser avec son agres­seur en connais­sance de cause en est une autre. » Lundi 25 juillet, le jour­nal d'investigation a publié sur son site inter­net une enquête révé­lant les accu­sa­tions de vio­lences phy­siques et psy­cho­lo­giques por­tées par deux mili­tantes anti-​raciste et contre les vio­lences poli­cières, Massica et Line, à l'encontre de Samir Elyes. Ce proche d'Assa Traoré, sœur du jeune homme décé­dé lors d'une inter­pel­la­tion par les gen­darmes en juillet 2016 et lea­deure du col­lec­tif, a rejoint le comi­té Vérité et jus­tice pour Adama dès sa for­ma­tion. Officiellement, il n'en est plus membre depuis son agres­sion phy­sique et ver­bale envers Massica en avril 2017, mais celle qui témoigne en son nom aujourd'hui dans Mediapart a pré­fé­ré quit­ter elle-​même le comi­té en 2018 alors que Samir Elyes était régu­liè­re­ment invi­té à par­ti­ci­per aux ras­sem­ble­ments mili­tants aux côtés d'Assa Traoré et même à prendre la parole lors des jour­nées de com­mé­mo­ra­tion orga­ni­sées en la mémoire d'Adama Traoré.

Dans l'article de Mediapart, Massica rap­porte avoir été agres­sée par Samir Elyes devant témoins le 28 avril 2017 à l'issue d'une réunion orga­ni­sée au Centre International de Culture Populaire (CICP) à Paris. Selon son récit, le mili­tant figure de la lutte contre les vio­lences poli­cières n'aurait pas appré­cié que la jeune femme, tout juste diplô­mée de Sciences Po, se soit vue pro­po­ser un poste dans un cabi­net d’une mai­rie d’Île-de-France et lui aurait repro­ché en la rac­com­pa­gnant au métro. « Il m’a hur­lé des­sus. J’ai vite com­pris que la situa­tion allait par­tir en vrille, alors je suis sor­tie du métro pour reve­nir au CICP cher­cher de l’aide, indique Massica à Mediapart. Il m’a pro­je­tée contre la porte d’un bâti­ment. Ma tête a cogné le mur. Il m’a pris par les bras et m’a trai­tée de “salope”, “d’ingrate”… Il a ten­té de me mettre au sol mais je me suis débat­tue. J’ai réus­si à me déga­ger mais Samir m’a de nou­veau pour­sui­vie. » Massica trouve alors refuge dans les locaux du CICP et un témoin de la scène rap­porte aux jour­na­listes qui ont mené l'enquête que « des mili­tants ont fina­le­ment cal­mé Samir et lui ont dit de par­tir. Massica a ensuite été rac­com­pa­gnée en voiture. »

Retour de Samir Elyes pour l'hommage à Adama

A la suite de cette agres­sion que Samir Elyes recon­naît auprès de Mediapart et explique liée à une addic­tion à cer­taines sub­stances, le comi­té Adama, en la per­sonne de Youcef Brakni (un autre proche d'Assa Traoré) assure Massica de son sou­tien et lui annonce mettre à dis­tance Samir Elyes. Pourtant, le mili­tant est rap­pe­lé dès le mois de juillet 2017 pour ani­mer une par­tie de la jour­née dédiée à la com­mé­mo­ra­tion du décès d’Adama Traoré, selon le sou­hait de la famille Traoré. Ces invi­ta­tions se pour­suivent jusqu'en 2022 et Samir Elyes est tou­jours pré­sen­té dans la presse ou dans les réunions inter-​militantes comme membre du comi­té, démontre Mediapart.

Assa Traoré dément avoir minimisé

L'enquête révèle éga­le­ment qu'à l'époque, Assa Traoré, qui milite en paral­lèle contre les vio­lences faites aux femmes, semble avoir mini­mi­sé la por­tée de l'agression à l'encontre de Massica pour ne pas por­ter atteinte au com­bat pour Adama. Lorsque Sarah, une autre membre du col­lec­tif qui sou­tient Massica, ques­tionne la pré­sence de Samir Elyes aux réunions, Assa Traoré écrit dans un mes­sage : « Aujourd’hui Sarah nous met au défi. Elles sont arri­vées en novembre dans le comi­té. Il faut savoir que ça fait un an, la lutte va être longue. Les per­sonnes qui n’ont pas les épaules, au revoir. On a besoin de per­sonnes solides, vaillantes. Personne n’a deman­dé à ce qu’elle [Massica, ndlr] accepte le par­don de Samir. Maintenant si le comi­té est sexiste et c’est nou­veau, qu’il soit tyran­nique je savais pas. Massica et Sarah doivent com­prendre que l’intérêt prin­ci­pal, c’est le com­bat pour Adama et mes frères en pri­son. Bon nous avons le 22 juillet à pré­pa­rer. »

Aujourd'hui, Assa Traoré estime auprès de Mediapart avoir eu la bonne réac­tion : « Quand il revient, ça, je ne peux pas por­ter ça sur moi. J’ai dit à la vic­time que s’il y avait un sou­ci, il fal­lait qu’elle porte plainte. Je conseille­rai tou­jours à une vic­time d’aller por­ter plainte pour que la vio­lence subie soit actée et recon­nue. » Mais pro­fon­dé­ment déçue par l'attitude du comi­té, Massica décide de le quit­ter en 2018.

"Emprises" et menaces

Elle n'est pas la seule à poin­ter le refus du milieu mili­tant anti-​raciste et anti-​violences poli­cières à prendre la mesure du com­por­te­ment de Samir Elyes envers les femmes. Line a connu le mili­tant en mars 2014, alors qu'elle a emmé­na­gé à Paris pour y pour­suivre ses études et indique être « très iso­lée et en grande fra­gi­li­té psy­cho­lo­gique ». Admirative de l'engagement de cet homme de vingt ans son aîné, elle entame une rela­tion intime avec lui dont elle dit aujourd'hui qu'elle rele­vait de l'« emprise ». Elle raconte subir elle aus­si ses sautes d'humeur et ses mou­ve­ments de colère, en détaillant deux moments où l'homme s'en serait pris phy­si­que­ment à elle. La pre­mière fois, il l'aurait vio­lem­ment lan­cée contre un mur. La deuxième fois, il aurait ten­té de l'éjecter d'une voi­ture en marche, qu'il condui­sait, alors qu'elle était sur le siège pas­sa­ger. Lorsqu'elle réus­sit à s'extraire de ce qu'elle décrit comme « la même spi­rale que celle que l’on retrouve lors des vio­lences conju­gales », elle subit de la part de Samir Elyes et d'amies à lui des menaces écrites telles que ce mes­sage qu'a pu consul­ter Mediapart : « Je vais te tuer, t’envoyer des meufs qui ont faim, qui attendent que de t’enculer ta petite race de merde. »

Impunité du milieu militant ?

Line comme Massica n'ont jamais vou­lu por­ter plainte contre Samir Elyes, ayant peu confiance dans les ins­ti­tu­tions poli­cières et judi­ciaires et ne sou­hai­tant pas que ces accu­sa­tions soient ins­tru­men­ta­li­sées par l'extrême droite contre le com­bat du comi­té Adama. Si elles parlent aujourd'hui à la presse, c'est pour, explique Line, pour que ces vio­lences sur « les petites mains de la lutte » ne soient plus « un angle mort », en pen­sant « à toutes les autres qui subissent des faits simi­laires ».

Pour autant, ces pré­cau­tions et le tra­vail poin­tu réa­li­sé par Mediapart, qui cite de nom­breux témoins de ces deux affaires appuyant les pro­pos de Massica et Line, n'empêchent pas Youcef Brakni de conspuer un article « raciste » lors de son entre­tien avec le jour­nal. Et pour­suit, dans une argu­men­ta­tion brouillonne : « On essaie d’être nickel. Bien sûr que ce n’est pas par­fait, et évi­dem­ment ce ne sera jamais par­fait car on n’a pas de moyens. Ce qu’il faut com­prendre, c’est qu’Assa, c’est la néces­si­té qui l’a fait rame­ner là. Si elle se retrouve à sou­te­nir la lutte contre les fémi­ni­cides, si elle se retrouve à avoir des contra­dic­tions, en fait elle n’a jamais deman­dé à faire ça. »

A la suite de la publi­ca­tion de l'article, le comi­té a publié un com­mu­ni­qué d'Assa Traoré sur Twitter, affir­mant qu'elle « dénonce et dénon­ce­ra tou­jours toutes les vio­lences ».

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