eric coquerel portrait
Eric Coquerel © Wikimedia Commons

La mili­tante Sophie Tissier dépose plainte contre Eric Coquerel pour « har­cè­le­ment sexuel »

Sophie Tissier, l’ancienne figure du mou­ve­ment des gilets jaunes, avait sai­si le comi­té des vio­lences sexistes et sexuelles de La France Insoumise dimanche 3 juillet pour dénon­cer le « com­por­te­ment dépla­cé » du nou­veau pré­sident de la com­mis­sion des Finances. Ce lun­di, elle a por­té plainte.

Fin 2018, elle témoi­gnait ano­ny­me­ment dans notre enquête sur le sexisme et les vio­lences de genre au sein de La France Insoumise (LFI). Aujourd'hui, elle porte plainte pour « har­cè­le­ment sexuel » contre Eric Coquerel, dont elle n'avait pas sou­hai­té que le nom paraisse dans notre article, crai­gnant que cela lui nuise. « Je me suis sen­tie agres­sée mais il n'y a eu ni vio­lence, ni coup. Le par­quet ver­ra s'il requa­li­fie les faits ou non. » C'est avec ces mots que Sophie Tissier a confir­mé à Libération qu'elle avait por­té plainte à l'encontre du tout nou­veau pré­sident de la com­mis­sion des Finances de l'Assemblée natio­nale, lun­di 4 juillet, au com­mis­sa­riat de Vanves (Haut-​de-​Seine). La veille, l'ex-gilet jaune Sophie Tissier avait effec­tué un signa­le­ment auprès du comi­té des vio­lences sexistes et sexuelles de La France Insoumise contre Eric Coquerel, pour des faits remon­tant à 2014. Elle lui reproche un « com­por­te­ment outran­cier, offen­sant et har­ce­lant ». « Dès que je l’ai ren­con­tré, j’ai sen­ti un regard salace, gluant », confiait-​elle sur le pla­teau de BFMTV le 3 juillet

Lire aus­si : Sexisme, homo­pho­bie, auto­cra­tie : chez les Insoumis aussi…

Sophie Tissier résume les faits : elle fait la connais­sance du dépu­té insou­mis après une invi­ta­tion par le Parti de Gauche aux uni­ver­si­tés d’été à Grenoble en 2014. La femme, de 35 ans à l’époque, mili­tait pour les droits des inter­mit­tents du spec­tacle, et ren­contre Eric Coquerel à cette occa­sion. La mili­tante décrit des regards insis­tants dès leur pre­mier contact. Lors d’une soi­rée dan­sante, les regards se trans­forment en « drague lour­dingue ». « Il y a eu des gestes dépla­cés : des mains bala­deuses, il me prend par la taille, se rap­proche de moi, se colle à moi. Je sen­tais au bout d’un moment qu’il me reni­flait. […] Je me disais inté­rieu­re­ment : mais qu’est-ce que c’est ce porc ? », a‑t-​elle livré à BFM. Le groupe part ensuite en boîte de nuit, et selon Sophie Tissier, le dépu­té conti­nue de se « col­ler » à elle. Elle dit s’être rapi­de­ment sen­tie comme « une proie ». « Je me sen­tais angois­sée, je me sen­tais mal. […] Il était oppres­sant. » Au moment de quit­ter les lieux, Eric Coquerel insiste et per­siste à lui envoyer des tex­tos : « Si tu veux, j’ai un taxi, je te ramène à mon hôtel. Allez, viens », écrit-​il alors que la mili­tante affirme avoir refu­sé ses avances à plu­sieurs reprises au cours de la soirée.

Interrogée par Franceinfo, la co-​présidente du par­ti Union citoyenne pour la liber­té a ajou­té s’être sen­tie « très mal à l’aise » : « Je ne connais­sais pas ces gens, j'étais nou­velle dans le milieu poli­tique. Je décou­vrais ce par­ti et je savais qu'Eric Coquerel avait un poste impor­tant, donc je ne savais pas com­ment réagir. » Elle a confes­sé s'être sen­tie « décon­si­dé­rée, pas res­pec­tée dans cette for­ma­tion poli­tique ». « Je n'ai pas envie qu'il aille jusqu'à démis­sion­ner » mais « qu'il recon­naisse les faits, qu'il entende ce que j'ai à dire et dise : "Oui c'est vrai, j'ai eu des com­por­te­ments dépla­cés" », a‑t-​elle pré­ci­sé sur BFM. 

Retour sur les débuts de l’affaire

Ce témoi­gnage, public pour la pre­mière fois, inter­vient après la prise de parole jeu­di 30 mai de la jour­na­liste et acti­viste Rokhaya Diallo, qui a évo­qué au micro de RTL sa sur­prise face à l’élection d’Eric Coquerel à la pré­si­dence de la com­mis­sion des Finances, alors qu’elle détient « plu­sieurs sources au sein de LFI » qui dénon­ce­raient ses agis­se­ments. « J'ai enten­du plu­sieurs fois par­ler des com­por­te­ments qu'il aurait avec les femmes, a‑t-​elle indi­qué. Ce sont des choses qui reviennent de manière récur­rente, depuis des années. » 

Rokhaya Diallo, pour qui LFI est un par­ti qui a « dans ses sta­tuts et ses posi­tions poli­tiques, l’idée de pro­té­ger les femmes », s’est donc éton­née du choix de faire bri­guer à Eric Coquerel ce poste clef à l'Assemblée natio­nale. Lors de cette inter­view, la jour­na­liste n’a par­ta­gé aucun nom de femmes qui auraient subi des avances dépla­cées du dépu­té insou­mis. Mais pour étayer ses pro­pos, elle a notam­ment cité une enquête publiée dans nos pages en décembre 2018, inti­tu­lée "Sexisme, homo­pho­bie : chez les Insoumis aus­si…", qui reve­nait sur la ges­tion des signa­le­ments de vio­lences sexistes et sexuelles au sein du par­ti. Cette enquête don­nait la voix à deux femmes accu­sant Coquerel, que Causette avait décrit comme « un dépu­té LFI », sans le nom­mer pour pro­té­ger l'anonymat de ses accu­sa­trices. De la même manière, la direc­tion de notre maga­zine avait fait le choix de ne pas contac­ter Eric Coquerel pour l'habituelle inter­view contra­dic­toire qui pré­vaut dans les enquêtes, de manière à res­pec­ter le choix des accu­sa­trices. Elles crai­gnaient que le dépu­té ne les recon­naisse, dans un contexte où l'article ne concer­nait pas la per­sonne d'Eric Coquerel en elle-​même mais, plus lar­ge­ment, des dys­fonc­tion­ne­ments dans la prise en charge au sein de LFI de pro­blé­ma­tiques liées aux vio­lences de genre, de dis­cri­mi­na­tions anti-​LGBT ou de mana­ge­ment violent.

Eric Coquerel, défen­du par LFI, dément

Depuis, l’affaire défraie la chro­nique. Après les décla­ra­tions de Rokhaya Diallo, le comi­té de sui­vi des vio­lences sexistes et sexuelles (VSS) de la France Insoumise a affir­mé n’avoir reçu aucun signa­le­ment concer­nant le nou­veau pré­sident de la com­mis­sion des Finances. Eric Coquerel a, quant à lui, expli­qué s'être recon­nu dans les faits révé­lés par notre enquête et nié ces accu­sa­tions, qu'il qua­li­fie de « rumeurs infon­dées », dans une tri­bune publiée dans le JDD le 2 juillet. 

Le même jour, Sophie Tissier a par­ta­gé un tweet sur son compte Twitter où elle révèle être l’une des deux femmes accu­sant le dépu­té de Seine-​Saint-​Denis dans l'enquête de Causette. Elle poste plus tard un autre tweet dans lequel elle déclare : « Moi je sais car j’ai subi. J’atteste. » Elle jus­ti­fie ensuite d’avoir sai­si le comi­té des VSS de La France Insoumise en par­ta­geant le mail qu’elle leur a trans­mis. Sophie Tissier témoigne n'avoir encore reçu aucune réponse de la part du comi­té. « Malheureusement, pour le moment, je suis un peu seule. J’attends d’eux qu’ils m’entendent, qu’ils me reçoivent, qu’ils prennent ma parole en compte », a‑t-​elle indi­qué au jour­nal Libération

« Je n’ai jamais eu de ma vie un com­por­te­ment qui pour­rait s'apparenter à du har­cè­le­ment », s’est défen­du Eric Coquerel sur BFM. « Je ne nie pas avoir dan­sé avec elle mais je nie tout ce qui pour­rait s'apparenter à des gestes de drague agres­sive. » Si l’élu a admis que plu­sieurs enquêtes jour­na­lis­tiques à son égard ont vu le jour par le pas­sé, il main­tient qu’aucune n’a abou­ti « faute de preuve ». « Il n’y aura pas de plainte, tout ça va faire "pschitt" », a‑t-​il ajou­té. Libération rap­porte qu’il n’excluerait pas de por­ter plainte en dif­fa­ma­tion, à la suite des accu­sa­tions de Sophie Tissier qui le nomme pour la pre­mière fois publiquement. 

De son côté, la France Insoumise a fait bloc pour défendre son élu. L’eurodéputée Leila Chaibi a ouver­te­ment sou­te­nu Coquerel, alors que Sophie Tissier a assu­ré sur BFM lui avoir men­tion­né à l’époque les « com­por­te­ments dépla­cés » du dépu­té. Le 2 juillet, Leila Chaibi a par­ta­gé sur son compte Twitter un texte rejoi­gnant les pro­pos d’Eric Coquerel. Elle parle de « calom­nies » à son égard, et débute son com­mu­ni­qué de la manière sui­vante : « Je suis en colère. En colère de voir son nom sali par des accu­sa­tions sans fon­de­ment. En colère d’assister à l’instrumentalisation de la lutte légi­time et néces­saire contre le har­cè­le­ment et les vio­lences sexuelles. » Le chef de file de LFI, Jean-​Luc Mélenchon, a lui aus­si appor­té son sou­tien au pré­sident de la com­mis­sion des Finances, sur son blog. Dans ce texte, il dénonce une « infâme opé­ra­tion de calom­nies » qui ne sert que comme un « moyen d’instrumentalisation [des] ran­cœurs poli­tiques contre LFI »

Des poli­tiques comme témoins

Une per­son­na­li­té poli­tique a mal­gré tout confir­mé le témoi­gnage de Sophie Tissier. Tatiana Ventôse, ancienne membre du Parti de gauche et sou­tien de Marine Le Pen à l'élection pré­si­den­tielle de 2022, s’est mani­fes­tée ce dimanche pour sou­te­nir sa consœur mili­tante. « Témoin direct, j'étais dans la voi­ture du cam­pus à la dis­co­thèque de Grenoble à la soi­rée de fin Estivales de 2014 avec Sophie, Eric Coquerel et quelques autres per­sonnes, puis à la soi­rée en boîte. J'ai vu et j'appuie le témoi­gnage », a‑t-​elle déclaré. 

La membre de LFI Marie-​Laure Darrigade, a elle aus­si assu­ré avoir été témoin de cette soi­rée de 2014. Néanmoins, son témoi­gnage dif­fère. « Je contre­dis sa ver­sion et répète n’avoir pas vu un tel com­por­te­ment chez Éric Coquerel que ce soit lors de cette soi­rée ou lors d'événements mili­tants », a‑t-​elle écrit sur Twitter

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