cory mogk Wn77gCRoegs unsplash
© Cory Mogk / Unsplash

“Des paroles en l’air jusqu’à preuve du contraire” : l’annonce du gou­ver­ne­ment d’une “aide excep­tion­nelle” pour les hôpi­taux déçoit les acteur·rices de la santé

Vendredi, le gou­ver­ne­ment décla­rait déblo­quer une “aide excep­tion­nelle” de 500 mil­lions d’euros pour sou­te­nir les éta­blis­se­ments de san­té. Caroline Brémaud, urgen­tiste, se méfie des effets dannonce, tan­dis que la Fédération des hôpi­taux de France dénonce des moyens tou­jours insuffisants.

C’est tou­jours le pro­blème avec le gou­ver­ne­ment actuel : il y a beau­coup d’effets d’annonce. On a un peu per­du confiance parce qu’on a du mal à avoir des infor­ma­tions claires”, se désole Caroline Brémaud, urgen­tiste et fon­da­trice du mou­ve­ment les Gilets blancs san­té auprès de Causette. Vendredi, le gou­ver­ne­ment annon­çait dans un com­mu­ni­qué déblo­quer une “aide excep­tion­nelle” de 500 mil­lions d’euros pour “sou­te­nir” les éta­blis­se­ments de san­té en dif­fi­cul­té finan­cière et par ailleurs “res­ti­tuer” 470 mil­lions de cré­dits ins­crits au bud­get de la Sécurité sociale pour 2023 et “non consom­més”. Cette aide devra être répar­tie par les agences régio­nales de san­té. L’urgentiste reste cepen­dant dubitative.

Lire aus­si I Avec ses “Gilets blancs”, Caroline Brémaud sonne l’urgence pour les urgences

Caroline Brémaud cite en ce sens les 32 mil­liards de bud­get sup­plé­men­taire annon­cés le 13 jan­vier der­nier par Gabriel Attal. Une somme impo­sante, qui éma­nait en réa­li­té d’une mesure sur les “cinq ans à venir” et avait déjà été déci­dée par sa pré­dé­ces­seure, élisa­beth Borne, d’après une ana­lyse de L’Humanité. Un effet d’annonce qui explique, aux yeux de Caroline Brémaut, la méfiance des soignant·es vis-​à-​vis des décla­ra­tions du gou­ver­ne­ment. “Ces effets d’annonce ont la volon­té de cal­mer le jeu et de ras­su­rer la popu­la­tion. Ce sont des paroles en l’air jusqu’à preuve du contraire. Malheureusement, à force, on est tel­le­ment habi­tués à être mal­trai­tés qu’on devient extrê­me­ment méfiants. À chaque fois, on a eu rai­son de l’être”, dénonce-​t-​elle.

Un buget loin de répondre aux besoins du secteur

La Fédération des hôpi­taux de France (FHF) fus­tige aus­si cette nou­velle annonce. Dans un com­mu­ni­qué, l’organisation — qui repré­sente les hôpi­taux et éta­blis­se­ments médico-​sociaux publics – “rap­pelle qu’elle deman­dait plus d’un mil­liard d’euros pour com­pen­ser les sur­coûts de l’inflation pour le seul hôpi­tal public en 2023”. L’enveloppe de 500 mil­lions, à répar­tir entre les hôpi­taux publics et pri­vés, annon­cée ven­dre­di est en ce sens loin de répondre aux seuls besoins du sec­teur public. “Le gou­ver­ne­ment ava­lise donc un creu­se­ment inédit du défi­cit des hôpi­taux publics, qui avoi­si­ne­ra 2 à 3 mil­liards d’euros en 2023”, pour­suit la fédé­ra­tion. Un sous-​financement dans les faits qui démontre que “ces chiffres, sor­tis de leur contexte, ne veulent rien dire”, rap­pelle Caroline Brémaud.

La FHF affirme par ailleurs que “les éta­blis­se­ments atten­daient de récu­pé­rer les 720 mil­lions d’euros de sous-​exécution de la part de l’Ondam [Objectif natio­nal de dépense de l'assurance mala­die, ndlr] des­ti­née à l’hôpital public”. Cette somme cor­res­pond aux cré­dits “non consom­més” men­tion­nés dans le com­mu­ni­qué du gou­ver­ne­ment. Elle s’élèverait donc à 720 mil­lions d’euros, selon la Fédération des hôpi­taux de France, soit 250 mil­lions de plus que la somme que le minis­tère pré­voit aujourd’hui de res­ti­tuer au sec­teur de la san­té. “Alors même que l’activité à l’hôpital public a pro­gres­sé de 2% en 2023, les éta­blis­se­ments n’ont pas récu­pé­ré tout l’argent qui leur était des­ti­né, com­mente auprès de Causette Vincent Roques, direc­teur de cabi­net de la FHF, ce qui crée un défi­cit.”

“Sortir de la poli­tique des rus­tines exceptionnelles”

“Le plus gros reproche qu’on peut adres­ser, ren­ché­rit la fon­da­trice des Gilets blancs, c’est qu’on nous annonce de l’argent.” Caroline Brémaud affirme qu’il est plu­tôt urgent d’imaginer “un grand plan de réor­ga­ni­sa­tion du sys­tème de san­té”. Et ce, “dans sa glo­ba­li­té, ce qui com­prend les libé­raux et les acteurs du médico-​social”, développe-​t-​elle. “Il n’y a pas une volon­té de repen­ser en pro­fon­deur le sys­tème de san­té. Or, si on prend les élé­ments par petits bouts, je pense que c’est le meilleur moyen pour mal faire.” Un sen­ti­ment par­ta­gé par la Fédération des hôpi­taux de France, qui exige du “gou­ver­ne­ment un cap clair sur l’organisation de l’offre de soins et la réponse aux besoins de la popu­la­tion” pour “sor­tir de la poli­tique des rus­tines excep­tion­nelles”.

On voit qu’il n’y a pas de réflexion au long cours”, reprend l’urgentiste. Cette der­nière dénonce des “mesures prises à la va-​vite”, sans consul­ter les acteur·rices de la san­té et concen­trées sur des aspects stric­te­ment finan­ciers, alors que la pro­fonde crise que tra­verse actuel­le­ment le sys­tème de san­té – notam­ment les urgences – ne cesse d’être dénon­cée. “Il faut restruc­tu­rer, repen­ser, écou­ter les gens de ter­rain, se mettre autour d’une table et voir ce qu’on peut faire ensemble pour amé­lio­rer l’offre de soins pour les Français”, conclut-​elle.

Partager
Articles liés

Inverted wid­get

Turn on the "Inverted back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.

Accent wid­get

Turn on the "Accent back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.