Vendredi, le gouvernement déclarait débloquer une “aide exceptionnelle” de 500 millions d’euros pour soutenir les établissements de santé. Caroline Brémaud, urgentiste, se méfie des effets d’annonce, tandis que la Fédération des hôpitaux de France dénonce des moyens toujours insuffisants.
“C’est toujours le problème avec le gouvernement actuel : il y a beaucoup d’effets d’annonce. On a un peu perdu confiance parce qu’on a du mal à avoir des informations claires”, se désole Caroline Brémaud, urgentiste et fondatrice du mouvement les Gilets blancs santé auprès de Causette. Vendredi, le gouvernement annonçait dans un communiqué débloquer une “aide exceptionnelle” de 500 millions d’euros pour “soutenir” les établissements de santé en difficulté financière et par ailleurs “restituer” 470 millions de crédits inscrits au budget de la Sécurité sociale pour 2023 et “non consommés”. Cette aide devra être répartie par les agences régionales de santé. L’urgentiste reste cependant dubitative.
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Caroline Brémaud cite en ce sens les 32 milliards de budget supplémentaire annoncés le 13 janvier dernier par Gabriel Attal. Une somme imposante, qui émanait en réalité d’une mesure sur les “cinq ans à venir” et avait déjà été décidée par sa prédécesseure, élisabeth Borne, d’après une analyse de L’Humanité. Un effet d’annonce qui explique, aux yeux de Caroline Brémaut, la méfiance des soignant·es vis-à-vis des déclarations du gouvernement. “Ces effets d’annonce ont la volonté de calmer le jeu et de rassurer la population. Ce sont des paroles en l’air jusqu’à preuve du contraire. Malheureusement, à force, on est tellement habitués à être maltraités qu’on devient extrêmement méfiants. À chaque fois, on a eu raison de l’être”, dénonce-t-elle.
Un buget loin de répondre aux besoins du secteur
La Fédération des hôpitaux de France (FHF) fustige aussi cette nouvelle annonce. Dans un communiqué, l’organisation — qui représente les hôpitaux et établissements médico-sociaux publics – “rappelle qu’elle demandait plus d’un milliard d’euros pour compenser les surcoûts de l’inflation pour le seul hôpital public en 2023”. L’enveloppe de 500 millions, à répartir entre les hôpitaux publics et privés, annoncée vendredi est en ce sens loin de répondre aux seuls besoins du secteur public. “Le gouvernement avalise donc un creusement inédit du déficit des hôpitaux publics, qui avoisinera 2 à 3 milliards d’euros en 2023”, poursuit la fédération. Un sous-financement dans les faits qui démontre que “ces chiffres, sortis de leur contexte, ne veulent rien dire”, rappelle Caroline Brémaud.
La FHF affirme par ailleurs que “les établissements attendaient de récupérer les 720 millions d’euros de sous-exécution de la part de l’Ondam [Objectif national de dépense de l'assurance maladie, ndlr] destinée à l’hôpital public”. Cette somme correspond aux crédits “non consommés” mentionnés dans le communiqué du gouvernement. Elle s’élèverait donc à 720 millions d’euros, selon la Fédération des hôpitaux de France, soit 250 millions de plus que la somme que le ministère prévoit aujourd’hui de restituer au secteur de la santé. “Alors même que l’activité à l’hôpital public a progressé de 2% en 2023, les établissements n’ont pas récupéré tout l’argent qui leur était destiné, commente auprès de Causette Vincent Roques, directeur de cabinet de la FHF, ce qui crée un déficit.”
“Sortir de la politique des rustines exceptionnelles”
“Le plus gros reproche qu’on peut adresser, renchérit la fondatrice des Gilets blancs, c’est qu’on nous annonce de l’argent.” Caroline Brémaud affirme qu’il est plutôt urgent d’imaginer “un grand plan de réorganisation du système de santé”. Et ce, “dans sa globalité, ce qui comprend les libéraux et les acteurs du médico-social”, développe-t-elle. “Il n’y a pas une volonté de repenser en profondeur le système de santé. Or, si on prend les éléments par petits bouts, je pense que c’est le meilleur moyen pour mal faire.” Un sentiment partagé par la Fédération des hôpitaux de France, qui exige du “gouvernement un cap clair sur l’organisation de l’offre de soins et la réponse aux besoins de la population” pour “sortir de la politique des rustines exceptionnelles”.
“On voit qu’il n’y a pas de réflexion au long cours”, reprend l’urgentiste. Cette dernière dénonce des “mesures prises à la va-vite”, sans consulter les acteur·rices de la santé et concentrées sur des aspects strictement financiers, alors que la profonde crise que traverse actuellement le système de santé – notamment les urgences – ne cesse d’être dénoncée. “Il faut restructurer, repenser, écouter les gens de terrain, se mettre autour d’une table et voir ce qu’on peut faire ensemble pour améliorer l’offre de soins pour les Français”, conclut-elle.