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Avec ses “Gilets blancs”, Caroline Brémaud sonne l’urgence pour les urgences

Destituée de son poste de cheffe de ser­vice des urgences à Laval en décembre, dans un contexte de dis­sen­sions avec sa direc­tion, la soi­gnante Caroline Brémaud lance le mou­ve­ment des “Gilets blancs” san­té pour répondre à “l’effondrement de l’hôpital public et du sys­tème de san­té” en France.

“Il y a un peu plus d’un an, j’ai eu l’idée de lan­cer les Gilets blancs de la san­té, en écho aux Gilets jaunes, pour dire qu’une mobi­li­sa­tion mas­sive était néces­saire” afin de sau­ver l’hôpital public et le sys­tème de san­té fran­çais, raconte à Causette l’ex-cheffe de ser­vice des urgences de l’hôpital de Laval, Caroline Brémaud. “À l’époque, ça n’avait pas for­cé­ment pris. Aujourd’hui, ma des­ti­tu­tion en tant que cheffe de ser­vice en décembre [attri­buée à ses prises de parole pour défendre l’accès aux soins, ndlr] et la prise de conscience col­lec­tive que les choses s’aggravent font que cette pro­po­si­tion est mieux accueillie”, pour­suit celle qui tra­vaille par ailleurs tou­jours dans ce même ser­vice, mais en tant que simple urgentiste. 

Son constat est celui d’une large majo­ri­té de professionnel·les de san­té offi­ciant dans le public : ces der­nières années et d’autant plus après l’essorage du per­son­nel durant la pan­dé­mie de Covid-​19, la crise des urgences et “l’effondrement de l’hôpital public” sont le symp­tôme d’un manque cruel de moyens finan­ciers et humains alloués à un sys­tème de san­té à bout de souffle. 

En guise d’illustration de cette situa­tion, une série d’articles gla­çants parus la semaine der­nière dans Le Parisien, qui a enquê­té sur deux morts sur­ve­nues en sep­tembre 2023 et sep­tembre 2022 dans des hôpi­taux, sans que les vic­times aient béné­fi­cié des soins néces­saires à leur prise en charge. Déterminée à faire bou­ger les lignes, Caroline Brémaud a déci­dé, en ce début d’année, de lan­cer le mou­ve­ment des Gilets blancs san­té, en espé­rant don­ner un élan natio­nal et coor­don­né à la mobi­li­sa­tion pour le salut de notre sys­tème de santé.

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Remarquant que les mobi­li­sa­tions autour des ser­vices de san­té res­taient pour la plu­part can­ton­nées au niveau local et au sec­teur médi­cal affec­té, Caroline Brémaud sou­haite mettre en place un mou­ve­ment capable de rendre compte de l'ampleur de la crise actuelle du sys­tème de san­té. "Qu'on appar­tienne déjà à un col­lec­tif, à une asso­cia­tion, ou qu'on appar­tienne à rien du tout, on peut se reven­di­quer gilet blanc pour dire 'je m'intéresse aux ques­tions de la san­té et je sou­tiens toutes les ini­tia­tives qui existent pour dénon­cer la crise du sys­tème de san­té'", explique-​t-​elle. Dans cette optique, le mou­ve­ment dif­fuse sur les réseaux sociaux les appels à l'aide des urgences, des infirmier·ères, des ser­vices néo­na­to­lo­giques, psy­chia­triques, gyné­co­lo­giques,… à tra­vers la France. 

Choux blancs

La soi­gnante dénonce un dis­cours gou­ver­ne­men­tale sur les mesures prises pour répondre à l'urgence trop tech­nique, empê­chant la popu­la­tion de sai­sir l'ampleur natio­nale de la crise du sys­tème de san­té. "C'est facile de se faire embru­mer et de ne pas bien com­prendre. Pour mobi­li­ser les gens, il faut mieux les infor­mer", affirme-​t-​elle. Et "l'embrumage", elle en connaît un rayon. "Ça fait plu­sieurs années que je dénonce l'effondrement de l'hôpital public et du sys­tème de san­té en tant qu'urgentiste", raconte celle qui avait osé dénon­cer en 2021 le manque de moyens à l'hôpital et dont la mise à l'écart – offi­ciel­le­ment pour des "rai­sons de réor­ga­ni­sa­tion" – en décembre der­nier a pro­vo­qué un scan­dale. Ce nou­veau mou­ve­ment prend ain­si des airs de nou­velle riposte contre la direc­tion de l'hôpital qui sou­hai­te­rait appa­rem­ment la faire taire. 

"Je n'ai abso­lu­ment aucune confiance dans le gou­ver­ne­ment actuel". Caroline Brémaud dénonce "plu­sieurs dizaines d'années de choix poli­tiques qui laissent les choses s'aggraver au niveau de la san­té et de l'accès aux soins, sans écou­ter les pro­fes­sion­nels". Pour ce qui est de la nou­velle ministre de la Santé, Catherine Vautrin, en poste depuis le 11 jan­vier der­nier, la soi­gnante ne nour­rit pas plus d'espoir, aujourd'hui per­sua­dée qu'"il n'y a abso­lu­ment aucun cou­rage poli­tique et aucune volon­té poli­tique d'améliorer la situa­tion de la san­té, et par­ti­cu­liè­re­ment de l'hôpital public, dans le gou­ver­ne­ment actuel". Elle pointe du doigt le rat­ta­che­ment du minis­tère de la Santé au minis­tère du Travail dans le cadre de la créa­tion des "minis­tères sociaux" du gou­ver­ne­ment Attal, les voeux de Noël peu convain­cants for­mu­lés par Emmanuel Macron à l'attention des acteur·ices de la san­té, ain­si que les récents "effets d'annonces" du Premier ministre, qui annon­çait début jan­vier "32 mil­liards sup­plé­men­taires" pour le sys­tème de soin, une somme en réa­li­té déjà allouée sous Elisabeth Borne. Autant d'éléments qui "per­mettent d'endormir la popu­la­tion", assène la soignante.

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"J'aime tou­jours autant mon métier"

Outre les dif­fi­cul­tés d'accès aux soins – "en amont et en aval des urgences avec la pro­blé­ma­tique d'accès aux lits d'hospitalisation, d'EHPAD et des retours à domi­cile avec des soi­gnants dans le médico-​social" – Caroline Brémaud sou­ligne éga­le­ment la néces­si­té d'améliorer les condi­tions de tra­vail pour les étudiant·es en san­té et les nou­veaux praticien·nes. "On a main­te­nant beau­coup d'étudiants, quelle que soit la pro­fes­sion de san­té, qui ne ter­minent pas leurs études parce qu'ils sont écœu­rés par le sys­tème", explique-​t-​elle. "C'est quand on com­mence à tra­vailler qu'on prend conscience qu'il y a une déshu­ma­ni­sa­tion du soin. On nous demande de faire plus avec moins, du tra­vail à la chaîne, alors que, quand on est soi­gnant, on est par­ti­cu­liè­re­ment empha­tique et on n'a pas envie de tra­vailler dans des condi­tions où on a l'impression de mal­trai­ter les gens", détaille la soi­gnante, attris­tée de voir des jeunes se détour­ner de leur vocation.

Pour sa part, l'urgentiste n'a pas son­gé à quit­ter le métier, même après avoir été for­cée de quit­ter son poste de cheffe des urgences. "J'aime tou­jours autant mon métier. J'ai tou­jours autant de plai­sir à exer­cer", affirme Caroline Brémaud, qui voit aus­si dans ce chan­ge­ment l'occasion de se rendre plus dis­po­nible. "Je suis enga­gée et moti­vée pour la défense du sys­tème de san­té, et par­ti­cu­liè­re­ment de l'hôpital public. Quelques asso­cia­tions et col­lec­tifs d'infirmier·ères, soignant·es, méde­cins,… ont com­pris la démarche et ont dit qu'ils sou­te­naient les Gilets Blancs, tout comme beau­coup de citoyens. Quand le mou­ve­ment sera un peu plus déve­lop­pé et qu'on aura des appuis un peu par­tout, il sera temps de lan­cer des ras­sem­ble­ments, dis­per­sés par­tout en France, plu­tôt qu'une grande manif à Paris".

Une pre­mière action est en pré­pa­ra­tion pour le 7 avril pro­chain, à l'occasion de la jour­née mon­diale de la san­té. En atten­dant, le com­bat est mené sur les réseaux sociaux, notam­ment à tra­vers le hash­tag #GiletsBlancs. "Le mou­ve­ment prend de l'ampleur et on va s'organiser au fur et à mesure", déclare Caroline Brémaud, qui sou­haite plus que jamais "faire pres­sion pour que la san­té devienne une prio­ri­té".

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