Dans une enquête, diffusée mercredi soir, Mediapart fait de nouvelles révélations sur le fonds Marianne, lancé par Marlène Schiappa afin de financer des organisations pour mener le combat républicain sur Internet. L'une d'elles est accusée d'avoir produit des vidéos intégrant du contenu politique en 2022, pendant la présidentielle et les législatives.
Depuis quelques semaines, le fonds Marianne est au centre de toutes les attentions. Lancé par Marlène Schiappa, alors qu'elle était ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, quelques mois après l’assassinat de Samuel Paty en octobre 2020, il était destiné à permettre le financement d'associations pour mener le « combat républicain » sur Internet. Dix-sept organisations avaient alors été sélectionnées par un comité de sélection, dont faisaient partie Marlène Schiappa et Christian Gravel à la tête du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR).
Mais dans une récente enquête conjointe, le magazine Marianne et France 2 ont révélé que l'attribution de l'argent aux organisations variait grandement. Certaines se sont retrouvées avec quelques dizaines de milliers d'euros de subventions, quand d'autres, comme l'Union des sociétés d'éducation physique et de préparation au service militaire (USEPPM), ont obtenu 355.000 euros. Le bilan de l'utilisation de ces fonds par cette dernière poserait d'ailleurs problème, selon les deux médias.
Mercredi soir, Mediapart a affirmé de son côté qu'une des associations bénéficiaires, Reconstruire le commun, avait bénéficié de 359.250 euros, pour produire des vidéos à destination des jeunes sur YouTube, sur une chaîne appelée « Comme un ». Entre janvier et août 2022, 57 vidéos ont été diffusées sur la plateforme. En pleine présidentielle, et en pleines législatives. Or, certains contenus ou formats interrogent. Car plusieurs de ces vidéos, intégralement financées par de l’argent public, commentent ces scrutins en égratignant sous couvert d'analyses certains partis politiques. Or, il est interdit d'utiliser des moyens publics pour influencer le résultat d’un scrutin. Ces contenus ont suscité, selon le site d'investigation, le malaise au ministère de l’Intérieur, notamment lorsque des séquences évoquaient des personnalités lancées dans la course électorale.
Visées par certaines de ces vidéos, les ex-candidates à la présidentielle Anne Hidalgo (PS) et Sandrine Rousseau (candidate à la primaire EELV) envisagent de porter plainte contre Reconstruire le commun, à la suite des révélations de Mediapart, affirme le média.
Des initiatives « pas tolérables »
« Nous nous sommes rendu compte que certains contenus avaient des références à caractère politique, a confié à Mediapart Christian Gravel. Mes équipes leur ont immédiatement signalé lors de réunions de suivi. » Le patron du CIPDR a affirmé au site d'investigation avoir lui-même « convoqué » les responsables de l’association, en mai 2022, pour « condamner fermement ces initiatives qui n’étaient pas tolérables et s’inscrivaient en dehors du projet pour lequel un financement du fonds Marianne avait été attribué ».
Concernant le contenu des vidéos, l'entourage de Marlène Schiappa a assuré qu'il n'y a pas eu, à sa connaissance, « d’interventions du cabinet sur les contenus éditoriaux ». Selon Assouan Bougherara, l'animateur d'un talk diffusé sur la chaîne YouTube de l'association interrogé par Mediapart, Reconstruire le commun évitait « le plus possible de toucher aux sujets autour de la campagne et de prendre parti de quelque façon que ce soit pour un candidat, quel qu’il soit ».
Une enquête et un signalement
Reconstruire le commun est à l’arrêt depuis l’été et n’aura donc été active que pendant les campagnes électorales de 2022, note Mediapart. Dans le cahier des charges pour prétendre au fonds Marianne, le CIPDR précisait pourtant qu’il prêterait une « attention particulière » à la « pérennité de l’action » des associations candidates. Le projet est seulement « en pause », selon la présidente de l'association Ahlam Menouni, interrogée par Mediapart.
La secrétaire d’État Sonia Backès a diligenté le 29 mars une enquête de l’Inspection générale de l’administration (IGA) pour faire la lumière sur la gestion du fonds lancé par sa prédécesseure. Dans un communiqué, consulté par Mediapart, Marlène Schiappa a révélé que « suite à des contrôles sur l’utilisation [des subventions versées], seize des dix-sept associations lauréates justifi[aient] de leur bonne utilisation ». Christian Gravel, à la tête du CIPDR, a de son côté annoncé avoir effectué un signalement au parquet de Paris pour dénoncer la gestion de l’argent par l’USEPPM.
Lire aussi l Une de "Playboy" : en défendant une démarche féministe, Marlène Schiappa nous tend un piège