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Manifestation du comité Nous Toutes Paris Nord le 1er février ©Joséphine, pour le Collectif La Faille

IVG dans la Constitution : le comi­té Nous Toutes Paris Nord demande aux sénateur·trices de « mon­trer que la France est aus­si le pays des droits des femmes »

Une dizaine de mili­tantes fémi­nistes du comi­té Nous toutes Paris Nord a réa­li­sé, ce 1er février, une action sym­bo­lique devant le Sénat, qui doit exa­mi­ner cet après-​midi une pro­po­si­tion de loi consti­tu­tion­nelle visant à ins­crire le droit à l’avortement dans le marbre de la Constitution.

Il règne une drôle d'ambiance ce mer­cre­di 1er février au matin au Café Madame, dans le VIe arron­dis­se­ment de Paris. Il fait encore nuit dehors et trois per­sonnes, l’air encore endor­mi, avalent leurs expres­sos accou­dées au comp­toir. Mais la scène inha­bi­tuelle se passe au fond du bar. Là, un petit groupe de jeunes femmes assises autour d’une table est en pleine pré­pa­ra­tion. Toutes sont mili­tantes au sein du comi­té local d'actions fémi­nistes Nous toutes Paris Nord. Elles peau­finent les der­niers détails de l’action qui se tien­dra dans quelques ins­tants. « Il est presque 8h10, on va y aller », lance d’ailleurs l’une d’elles à ses cama­rades toutes habillées en noir. Les jus d’orange et les crois­sants rapi­de­ment ava­lés, le petit groupe s’élance rue de Vaugirard, direc­tion la place Pierre-​Dux, juste devant l’entrée du Sénat.

À peine sont-​elles arri­vées, qu’elles courent se mettre en place. Le lieu – comme l’action – est sym­bo­lique. Dans quelques heures aura lieu dans l’hémicycle de la chambre haute, à l’occasion d’une niche par­le­men­taire du Parti socia­liste (PS), l’examen d’une pro­po­si­tion de loi consti­tu­tion­nelle visant à ins­crire le droit à l’avortement dans le marbre de la Constitution. Porté par la pré­si­dente du groupe La France insou­mise (LFI) à l’Assemblée, Mathilde Panot, le texte adop­té à l’unanimité par l'Assemblée natio­nale le 24 novembre der­nier, pré­voit de gra­ver cette for­mu­la­tion à l'article 66 du texte fon­da­men­tal : « La loi garan­tit l’effectivité et légal accès au droit à l’interruption volon­taire de grossesse. »

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La cir­cu­la­tion com­mence à battre son plein rue Vaugirard, et pour­tant, le silence se fait sur la petite place. La dizaine de mili­tantes ont peint leurs mains gauches en rouge et tiennent de l’autre une grande ban­de­role blanche où est ins­crit « IVG dans la Constitution » avec le hash­tag #BalanceTonCintre. Sur le sol devant elles, un mon­ceau de cintres jus­te­ment, sur lequel une mili­tante vient déver­ser une bou­teille de pein­ture rouge sang. Là-​aussi, la sym­bo­lique est forte. Autrefois uti­li­sé pour réa­li­ser les avor­te­ments clan­des­tins, le cintre métal­lique sym­bo­lise la lutte pour l’avortement et la néces­si­té de pro­té­ger ce droit. Les passant·es, par­mi lesquel·les quelques sénateur·trices s’arrêtent, interpellé·es par l’action.

C’est d’ailleurs pour cela qu’elles se sont réunies tôt ce matin. « Sénateurs et séna­trices, pro­té­gez le droit à l’avortement », appelle Gwen, du comi­té Nous toutes Paris Nord au méga­phone. « Il faut sai­sir l’opportunité de le faire, car n’oublions pas que la France n’est pas immu­ni­sée face aux attaques contre le droit à l’avortement, le pays n’est pas à l’abri d’une crise poli­tique, alors agis­sez en amont, mais ne réagis­sez pas trop tard », mar­tèle t‑elle, ajou­tant que l’heure tourne. « Nous devons pro­fi­ter que ce droit ne soit pas encore mena­cé en France. Lorsqu’un droit l’est, il est trop tard pour le pro­té­ger », pointe Gwen. La mili­tante fémi­niste en veut pour preuve l’abrogation en juin par la Cour suprême amé­ri­caine de l’arrêt Roe vs Wade, qui pro­té­geait jusqu’ici l’avortement aux États-​Unis au niveau fédéral.

C’est d’ailleurs dans le sillage du séisme pro­vo­qué par l’abrogation amé­ri­caine que plu­sieurs ini­tia­tives par­le­men­taires fran­çaises ont vu le jour ces der­niers mois. « On espère que les séna­teurs sai­si­ront l’opportunité », sou­ligne Gwen. Les enjeux sont effec­ti­ve­ment de taille : si la pro­po­si­tion de loi a été adop­tée à une écra­sante majo­ri­té par les député·es en novembre, elle doit désor­mais pas­ser l’âpre étape du Sénat à majo­ri­té de droite dont l’examen cet après-​midi s’annonce d’ores-et-déjà semé d’embûches : la pro­po­si­tion de loi a été reje­tée une seconde fois en com­mis­sion mer­cre­di 25 jan­vier. Et ven­dre­di der­nier, le séna­teur Les Républicains (LR), Philippe Bas, a dépo­sé un amen­de­ment pour réécrire la pro­po­si­tion de loi en ces termes : « La loi déter­mine les condi­tions dans les­quelles s’exerce la liber­té de la femme de mettre fin à sa grossesse. »

« Nous vous deman­dons de pro­té­ger les géné­ra­tions futures, nous vous deman­dons de mon­trer que la France est aus­si le pays des droits des femmes. »

Gwen, mili­tante du comi­té Nous Toutes Paris Nord.

Pour espé­rer abou­tir à un ajout dans la Constitution, la mesure doit être adop­tée dans les mêmes termes au Sénat et à l’Assemblée, puis faire l’objet d’un réfé­ren­dum. Lors du der­nier exa­men d’un texte simi­laire, por­té en octobre par la séna­trice éco­lo Mélanie Vogel, les sénateur·trices s’étaient opposé·es à la consti­tu­tion­na­li­sa­tion de l’IVG, par 172 voix contre et 139 pour. Cette fois-​ci, les mili­tantes de Nous toutes Paris Nord y croient. « Nous vous deman­dons de pro­té­ger les géné­ra­tions futures, nous vous deman­dons de mon­trer que la France est aus­si le pays des droits des femmes », conclut Gwen en s’adressant aux sénateur·trices.

Le hap­pe­ning non décla­ré à la pré­fec­ture a visi­ble­ment aga­cé les forces de l'ordre qui ont deman­dé à plu­sieurs jour­na­listes dont celle qui écrit ces lignes leur carte de presse afin de les prendre en pho­to. Au terme de l'action, Gwen et une autre mili­tante ont été emme­nées en garde à vue. Elles sont tou­jours à l'heure où nous publions ces lignes. 

De son côté, Théo Saint-​Jalm, col­la­bo­ra­teur de Mélanie Vogel, pré­sent lors de l’action, se montre mesu­ré. « L’issue du vote est, à ce stade, vrai­ment incer­taine, avance-​t-​il auprès de Causette. La der­nière fois, les débats étaient déjà très effer­ves­cents, cela risque d’être pareil tout à l’heure. »

Un ras­sem­ble­ment orga­ni­sé par le col­lec­tif Avortement en Europe, les femmes décident, qui défend l’accès à l’IVG se tien­dra ce mer­cre­di de 17h à 20h devant le Sénat. 

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