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Isabelle Lonvis-Rome et Hamida Aman (de gauche à droite). ©A.T.

Femmes afghanes : la ministre Isabelle Lonvis-​Rome s’engage à sou­te­nir Radio Begum

Pour sou­te­nir les Afghanes, dont les droits s’érodent les uns après les autres depuis la prise de pou­voir des tali­bans en août der­nier, la ministre char­gée de l’Égalité, Isabelle Lonvis-​Romes, a ren­con­tré, jeu­di 23 juin, Hamida Aman, créa­trice de Radio Begum. Cette voix de la résis­tance fémi­nine aux tali­bans envi­sage de replier ses quar­tiers en France pour conti­nuer d’émettre.

« Il y a 312 jours, à la faveur du bruit assour­dis­sant des canons, une longue nuit s’est abat­tue subi­te­ment sur Kaboul. Une nuit sans aube. » C’est avec ces mots graves que la ministre char­gée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances, Isabelle Lonvis-​Rome, a enta­mé son dis­cours jeu­di 23 juin, lors d’une soi­rée de sou­tien aux femmes afghanes à laquelle Causette a pu assister.

Organisée au minis­tère, dans le VIIe arron­dis­se­ment de Paris, cette soi­rée avait pour but d’affirmer l’appui de la France, mais sur­tout de mettre en avant le tra­vail de résis­tance de Radio Begum. Hamida Aman sa fon­da­trice, a pré­sen­té cette radio « faite par les femmes afghanes et pour les femmes afghanes », qui conti­nue d’émettre sous le régime tali­ban, mal­gré la censure.

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La ministre Isabelle Lonvis-​Rome est lon­gue­ment reve­nue sur l’érosion de plus en plus forte des droits des femmes et des filles depuis que les tali­bans ont repris le pou­voir en Afghanistan, le 15 août 2021. Des droits que les Afghanes avaient conquis de haute lutte ces deux der­nières décen­nies. Elle a ain­si évo­qué ces visages fémi­nins qui ornaient les devan­tures des maga­sins et qui ont depuis dis­pa­ru et la bur­qa, que les femmes doivent désor­mais revê­tir pour sor­tir dans la rue. Isabelle Lonvis-​Rome a aus­si dénon­cé l’exclusion des Afghanes des sphères éco­no­miques et média­tiques, des lieux de pou­voir, des uni­ver­si­tés et de l’école, pas­sé 12 ans. « Sous les yeux sidé­rés du monde entier, le pays s’est trans­for­mé en un gigan­tesque enfer à huis clos », a déplo­ré Isabelle Lonvis-Rome. 

Violations des conven­tions internationales

La ministre a éga­le­ment rap­pe­lé que la France a condam­né à plu­sieurs reprises les poli­tiques de répres­sion et d’exclusion sys­té­ma­tiques des filles et des femmes en Afghanistan. « Des injus­tices into­lé­rables qui consti­tuent des vio­la­tions des conven­tions inter­na­tio­nales que l’Afghanistan a rati­fiées », a pré­ci­sé l’ancienne magis­trate et haute fonc­tion­naire à l’égalité femmes-​hommes sous le pre­mier quin­quen­nat d’Emmanuel Macron. 

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La com­mu­nau­té inter­na­tio­nale ayant fait des condi­tions des femmes une des condi­tions à l’apport de l’aide inter­na­tio­nale, le pays – endeuillé depuis le séisme de la semaine der­nière qui a fait 1100 vic­times – est plon­gé dans une grave crise huma­ni­taire depuis la reprise du pou­voir par les tali­bans. Le Conseil de sécu­ri­té de l’ONU s’était d’ailleurs réuni au len­de­main du séisme, plus tôt dans la jour­née du 23 juin, pour ten­ter d’apporter une réponse com­mune à la hau­teur des enjeux. 

Si une par­tie des membres s’est dite vive­ment pré­oc­cu­pée des contraintes de plus en plus lourdes impo­sées aux Afghanes, d’autres ont mis l’accent sur le besoin de sta­bi­li­té du pays et ont récla­mé le dégel des avoirs blo­qués à l’étranger. Lors de la soi­rée de sou­tien au minis­tère ce jeu­di soir, la ministre a décla­ré que « la digni­té des Afghanes n’est pas un enjeu de second rang » et que l’amélioration de leurs droits est pour le pré­sident de la République une « condi­tion sine qua non de la recon­nais­sance du régime en place ». 

Faire réson­ner la voix des Afghanes 

Avant sa nomi­na­tion en mai der­nier, Isabelle Lonvis-​Rome a posé en novembre avec onze autres femmes issues de la socié­té civile pour le calen­drier de l’ONG Afghanistan libre, dont les béné­fices ont ser­vi à venir en aide aux femmes et familles afghanes. Un enga­ge­ment qui l’a ame­née par la suite à ren­con­trer Hamida Aman, la fon­da­trice de Radio Begum lors d’un évé­ne­ment à l’Unesco. 

Invitée ce jeu­di soir, Hamida Aman a pris la parole à la suite d’un petit clip retra­çant l’histoire de Radio Begum. Née sur les ondes afghanes le 8 mars 2021, la radio por­tée par quinze jour­na­listes à Kaboul s’est don­né l’objectif de faire réson­ner les voix des femmes afghanes vingt-​quatre heures sur vingt-​quatre dans dix pro­vinces du pays. « J’ai l’honneur de vous annon­cer que nous dif­fu­sons depuis hier à Kandahar, le ber­ceau des tali­bans », s’est réjouie Hamida Aman au micro. 

Oasis pré­caire 

Dans un pay­sage média­tique aujourd’hui atro­phié, Radio Begum demeure une oasis de résis­tance et de liber­té. Un espace entre femmes, connec­tant les jeunes jour­na­listes qui y offi­cient et les audi­trices qui se pas­sionnent pour des pro­grammes qui les concernent de près : des talks en antenne libre qui laissent place à l'humour, une émis­sion san­té ani­mée par une gyné­co, une émis­sion psy, une autre ani­mée par une doc­teure en théo­lo­gie, des pro­grammes de fic­tion et, sur­tout, des pro­grammes édu­ca­tifs pour les jeunes filles en col­lèges et lycées. « Apprendre est un acte de résis­tance », affirme Hamida Aman dont l’ambition est d’apporter l’instruction chez toutes les petites filles du pays pour que « cha­cune puisse choi­sir son avenir. »

Une oasis de liber­té, mais une oasis pré­caire. Car faire de la radio dans un pays où 80 % des jour­na­listes femmes ont été mises au chô­mage depuis le 15 août 2021 n’est pas sans consé­quences et sans risques. « Nous sommes à la mer­ci d’un régime qui alterne le chaud et le froid, ils nous laissent émettre, mais il ne se passe pas une semaine sans que nous ne soyons inter­ro­gées par le minis­tère pour la Promotion de la ver­tu et la Répression du vice », précise-t-elle. 

Préparer l’avenir 

C’est pour­quoi Hamida Aman cherche désor­mais à pré­pa­rer l’avenir de Radio Begum hors des fron­tières du pays. « La voix des Afghanes ne doit pas s’éteindre et pour cela Paris est notre base de repli, explique-​t-​elle. Nous avons besoin de construire des pas­se­relles entre Paris et Kaboul. » Hamida Haman réflé­chit actuel­le­ment à faire émettre Radio Begum depuis la capi­tale fran­çaise, « par Internet ou encore mieux par satel­lite, qui reste le moyen le plus sûr d’émettre par­tout ». Pour cela, elle a besoin de faire rapa­trier son équipe à Paris, mais sur­tout de trou­ver des locaux pour s’organiser et pro­duire du conte­nu à envoyer. 

La ministre s’est enga­gée à appor­ter son sou­tien à Hamida Aman et sa radio. « C’est – à la place, qui est la mienne – la mis­sion que je me suis assi­gnée et que je mène­rai aux côtés de la ministre de l’Europe et des Affaires étran­gères, Catherine Colonna », a‑t-​elle indi­qué sans appor­ter, à ce stade, de pré­ci­sions sur l'aide concrè­te­ment envisagée.

Lors de sa der­nière visite, les jour­na­listes de Radio Begum ont confié à Hamida Aman leurs craintes d’être oubliées, « parce qu’il y a une autre guerre, une guerre plus proche de l’Europe ». Ce soir, dans le salon cos­su du minis­tère, entre les dorures et les boi­se­ries, Hamida Aman nous a rap­pe­lé l’essentiel : « La paix est tou­jours une affaire d’homme, comme la guerre d’ailleurs. Pourtant, sans femme, il ne peut y avoir de paix nulle part. »

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