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© Igor Karimov

"MeToo in the game" : une enquête édi­fiante sur le har­cè­le­ment sexiste et sexuel fait aux femmes dans l’univers des jeux vidéos

Cinq ans après Me Too, l’Ifop et GamerTop se sont associés pour mener la première enquête d’envergure en France visant à chiffrer l’ampleur des phénomènes sexistes dans la communauté du gaming. Publiée ce jeudi, elle dresse un bilan alarmant.

« FURAX, c’est un week-end de stream pour venir en aide aux victimes de violences sexistes et sexuelles, et de harcèlement en ligne ». Fin février, les streameuses Nat_Ali et Joul organisaient une mobilisation autour de la lutte contre les violences et les préjugés sexistes dont est imprégné l'univers des jeux vidéo. Ce jeudi 27 avril, la nouvelle enquête Me Too in the game de l’Ifop, commandée par l'agence de diffusion d'histoire statistiques Flashs et le site spécialisé GamerTop.fr met, elle, cette réalité en chiffres. En interrogeant des consommateur·rices de jeux vidéo de 15 ans et plus, le sondage cherche à connaître l’ampleur des phénomènes sexistes dans la communauté du gaming française, cinq ans après le début du mouvement Me Too.

Question méthode pour cette enquête inédite, le sondage a été réalisé par questionnaire auto-administré en ligne du 17 au 29 mars 2023 auprès d’un échantillon national représentatif de la population française de 5009 personnes âgées de 15 ans et plus.

Les résultats de l’enquête permettent de constater que « les joueurs, et surtout ceux les plus intégrés à cette communauté [de gaming ndlr], tendent à porter davantage un regard sexiste sur les rapports de genre et la place des femmes dans la société », même s’il est important de ne « pas généraliser », rappelle Enora Lanoë-Danel, chargée d'études à l'Ifop. En regardant dans le détail de l’enquête, 29% des joueurs masculins les plus gamers (et 32% des fans de jeux de combat) défendent le droit d’importuner une femme qui leur plaît. Ou encore, 22% de ces joueurs jugent que « quand une femme avec laquelle on souhaite avoir des relations sexuelles dit non, cela veut en fait dire oui » et 30% pensent que « les femmes ont aujourd’hui trop de pouvoir dans la société ».

L'enquête révèle que ce sexisme est accentué selon le genre de jeux vidéo que pratiquent les « hardcore » gamers. Ainsi, pour 62% des joueurs de jeux de combat, les femmes préféreraient des hommes imposants « physiquement ». Ils sont 40% à penser qu'elles préféreraient des hommes « machos » et 56% pensent qu'elles souhaiteraient des hommes « dominants au lit ».

Selon Enora Lanoë-Danel, ces chiffres peuvent être la conséquence des effets de « l’entre-soi d’une communauté pendant longtemps quasi exclusivement masculine, dont les imaginaires et les représentations étaient habités de figures tout aussi exclusivement viriles : Solid Snake dans un Metal Gear, Geralt de Riv de la série the Witcher ou encore Master Chief de la série Halo… »

Une difficile représentation des femmes dans la communauté gaming 

D'après les résultats du sondage, les jeux vidéo se sont très largement démocratisés ces dernières années. Plus de 7 Français·es sur 10 disent y avoir déjà joué. Et l'activité est aujourd'hui quasi paritaire : les femmes sont 62% à jouer à un jeu vidéo de manière active contre 66% pour les hommes. Pourtant, cette apparente mixité cache une réelle disparité, celle de la fréquence et du style des jeux joués.

Lorsque l’étude dresse le profil des joueur·ses « hardcore », à savoir les Français·ses qui jouent « à des jeux de tir, d’action-aventure, de rôle en solo ou en ligne multijoueurs ou de stratégie », qui représentent 56% des joueur·ses de jeux vidéo, on trouve une nette différence dans la pratique selon le genre. D'après le sondage, les femmes ne représentent plus que 47% des joueur·ses contre 65% chez les hommes. Une différence qui s'accentue davantage lorsque l'enquête s'intéresse au sentiment d'appartenance des joueur·ses à la communauté gaming. Chez les 18-24 ans, soit la génération où il y a le plus de gamer·ses, ils sont 62% des garçons à se dire gamers contre à peine 1 fille sur 4, soit 24%.

Les jeux vidéo sont-ils un motif de discrimination pour les femmes ? Bien que, d’après l’enquête, les femmes n’aient pas de mal à évoquer leur intérêt pour l'univers vidéoludique, 46% joueuses actuelles de combat évitent en revanche d'afficher leur passion, notamment dans l’univers professionnel. Une attitude à l’inverse de celle des hommes, qui selon l’enquête « ne rechignent pas à en faire état en présence d’une personne qui leur plaît ».

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Un univers aux stéréotypes toujours vivaces

Une vision toxique s’exprime régulièrement et violemment en ligne. En effet, 71% des femmes adeptes des jeux de combats disent avoir déjà été victimes de sexismes sous différentes formes en échangeant avec des personnes inconnues. Ces situations peuvent aller de remarques désobligeantes sur leur physique et leur niveau de jeu, jusqu’à des menaces d’agression sexuelle en passant par des propos obscènes ou encore des commentaires à caractère sexuel.

Se fondre dans la masse 

L’enquête s’est également intéressée aux solutions mises en œuvre par les gameuses pour éviter d’être confrontées à ces comportements. Des solutions qui se résument à des stratégies d'évitement. 40% d'entre elles ont déclaré avoir eu recours à de la dissimulation, soit refuser de participer à un chat vocal, de ne pas jouer en ligne ou bien de cacher son genre aux autres joueurs, pour s’assurer de leur tranquillité.

Ainsi, pour Enora Lanoë-Danel, « quand bien même la pratique du jeu vidéo s’est démocratisée et relativement féminisée, cette enquête montre qu’il reste, comme dans bien d'autres domaines de la société, du chemin à faire pour faire tomber les stéréotypes liés au genre dans l’univers vidéoludique. »

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