Série : Il était une loi 1/6
À quelques semaines des législatives, Causette donne la parole à des député·es qui ont porté des lois marquantes au cours du dernier quinquennat. Ce mercredi, c'est au tour de Laurence Vanceunebrock, députée LREM (aujourd'hui "Renaissance") dans la 2e circonscription de l'Allier, à l'origine de la loi interdisant les thérapies de conversion.
Causette : Que retenez-vous de vos cinq années en tant que députée ?
L.V. : Être députée représente un grand honneur. J'ai toujours eu la République chevillée au corps puisque j'ai derrière moi vingt-cinq ans de police nationale. Dans un premier temps je faisais appliquer la loi, puis je me suis octroyé le droit de l'écrire. Donc pour moi, ça a été un grand plaisir.
Le temps en politique est vraiment très long. Dans ma vie personnelle et professionnelle, je suis toujours tentée d'aller au plus vite : face à un problème, trouver la meilleure solution et l'appliquer. Mais là, je me suis rendu compte qu'il fallait jouer des coudes, et parfois prendre des chemins détournés pour arriver à ses fins. Pour ma proposition de loi sur l'interdiction des thérapies de conversion, dans la mesure où dans un premier temps mon groupe parlementaire ne voyait pas « l'intérêt » de légiférer sur le sujet, j'ai dû me servir des réseaux sociaux et des médias pour faire avancer les choses. J'ai obtenu un soutien, dans un premier temps, de mon groupe, puis de la ministre chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes Elizabeth Moreno, qui m'a énormément aidée. Grâce aux appuis qu'elle a eus du Premier ministre Jean Castex, ce texte a pu être discuté sur un temps gouvernemental au Parlement et bénéficier d'une procédure accélérée.
Causette : Pourquoi avoir choisi de travailler sur les thérapies de conversion ?
L.V. : J'avais été interpellée sur les réseaux sociaux par un jeune, Aurélien, après mon coming-out médiatique. Il m'avait demandé de légiférer contre les thérapies de conversion. J'étais un peu surprise, car je connaissais le problème outre-Atlantique, mais je n'avais pas la sensation que ce phénomène existait chez nous. En faisant quelques recherches rapides, je me suis rendu compte que des groupes, dans un premier temps religieux, proposaient des sessions pour des prêches forcés ou des exorcismes, des choses qui rappelaient un temps plutôt moyenâgeux. J'ai donc commencé à auditionner des témoins et des victimes en 2019, puis à en faire part à mon groupe parlementaire. On pouvait se rattacher à des infractions dans le Code pénal, comme celles de « violence volontaire » ou d'« abus de faiblesse », mais aucune ne permettait aux victimes d'être reconnues comme des victimes de thérapie de conversion. Ce texte avait donc toute sa légitimité.
"J'ai eu l'impression de marquer l'action des luttes LGBT"
Causette : Quels sont les moments forts que vous avez vécus à l'Assemblée nationale ?
L.V. : Le vote de ma proposition de loi, évidemment. J'ai eu l'impression de marquer l'action des luttes LGBT. Ma plus grande fierté a été que ce texte remporte un grand consensus au sein du Parlement. Quelques-uns se sont prononcés contre, au Sénat, mais c'est une belle victoire [le texte a été adopté avec 305 voix pour et 28 voix contre au Sénat, à l'unanimité à l'Assemblée, ndlr.]
L'ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules est aussi quelque chose de fort. Déjà, cela faisait partie du programme de mon candidat et de mon président. Il s'agit d'un texte d'égalité auquel j'ai été heureuse de participer. C'est énorme de pouvoir aussi permettre aux femmes qui avaient eu recours à une PMA à l'étranger, avant la loi, de bénéficier de la reconnaissance conjointe pour établir la filiation de l'enfant. Je trouve ça beau et fort, étant donné que je vais moi-même bientôt le faire chez le notaire.
Au niveau local, je suis également fière des avancées réalisées concernant l'accent mis le développement du transport en train, le numérique et la santé.
"Il est possible que ma réélection soit compliquée, car les gens de ma circonscription ont l'impression que je ne me suis occupée que de sujets LGBT alors que ce n'est pas le cas."
Causette : Avez-vous quelques regrets en cette fin de mandat ?
L.V. : Quelques-uns… Notamment pour la loi bioéthique, que les amendements sur la ROPA [une technique de procréation au cours de laquelle une femme fournit l'ovocyte et sa compagne porte l'ovule fécondé, ndlr] ou sur la filiation des enfants nés de personnes transgenres n'aient pas été retenus. Car ces enfants et ces familles existent.
J'ai un autre petit regret personnel. Les sujets que j'ai défendus ont tellement été médiatisés au niveau national qu'on me le reproche localement. Il est possible que ma réélection soit compliquée, car les gens de ma circonscription ont l'impression que je ne me suis occupée que de ces sujets, alors que ce n'est pas le cas. J'ai mené avec autant de force des combats pour mon territoire. Mais ça a un petit peu été effacé par la médiatisation des luttes en lien avec les thématiques LGBT. J'espère que mes concitoyens dans l'Allier reconnaîtront ma pugnacité et ma volonté de me battre jusqu'au bout.
Causette : Vous vous représentez donc ?
Laurence Vanceunebrock : Oui je me représente et viens d'être investie pour la même circonscription. J'ai encore beaucoup de choses à faire non seulement sur mon territoire mais également au niveau national. C'est une chose que j'avais toujours envisagée, quand on sait que le temps en politique est très long.