Après un périple législatif, le vote définitif de la loi bioéthique mardi 29 juin a acté l'ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires, ainsi que l'autoconservation des ovocytes. Mais des interrogations demeurent sur la mise en place effective de ces nouveaux droits.
Elles étaient nombreuses à se réjouir du vote définitif de la loi bioéthique à l'Assemblée nationale, à 326 voix pour et 115 contre, mardi 29 juin. Les lesbiennes et les femmes célibataires ont obtenu le droit de recourir à la PMA, les femmes qui veulent se réserver le droit d'avoir un enfant un jour dans leur vie ont, elles, obtenu le droit de pouvoir faire conserver leurs ovocytes par convenance, sans nécessairement souffrir d'une maladie comme c'est actuellement le cas.
Mais déjà, des interrogations se font jour sur le quand et le comment les femmes pourront bénéficier de ces nouvelles dispositions. Du côté de l'opposition conservatrice, des parlementaires ont promis de déposer un recours devant le Conseil constitutionnel d'ici lundi 5 juillet. Le temps que vont mettre les sages à vérifier que le texte de loi est conforme à la Constitution va repousser d'autant la promulgation de la loi. Pas avant septembre, selon les calculs de Catherine Clavin, présidente de l'Association des parents gays et lesbiens (APGL), qui sont les mêmes que ceux de Joëlle Belaisch-Allart, présidente du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF). Et les décrets d'application de la loi seront fondamentaux dans l'accès réel à ces nouveaux droits.
Pas assez de centres pour l'autoconservation des ovocytes ?
Joëlle Belaisch-Allart est « très inquiète ». Cheffe du service de gynécologie obstétrique et médecine de la reproduction à l'hôpital de Saint-Cloud, elle craint que l'autoconservation des ovocytes soit, en l'état, une fausse promesse. « Sur les 100 centres d'Assistance médicale à la procréation [AMP, ndlr] qui maillent le territoire, seuls 40 sont actuellement autorisés à conserver des ovocytes, alarme-t-elle. Or, ces établissements vont continuer, et on peut les comprendre, à donner la priorité aux patientes souffrant de cancers ou d'autres maladies. » Le CNGOF demande donc à ce que les décrets d'application élargisse l'autorisation à l'ensemble des centres d'AMP mais aussi aux cliniques privées « puisqu'elles assurent une grande partie des activités d'AMP en France ». « Nous ne sommes pas entendus par les parlementaires, et je ne peux pas ne pas voir dans cette indifférence une forme de sexisme, souligne la gynécologue. Pour moi, ils ont dans l'idée qu'une femme qui veut faire conserver ses ovocytes est carriériste, et cela leur déplaît, alors même que dans les pays où l'autoconservation est autorisée, les études montrent que dans la plupart des cas, elle est sollicitée par des femmes qui veulent construire une famille mais n'ont pas encore trouvé la bonne personne. »
La reconnaissance conjointe anticipée sera-t-elle ouverte aux enfants conçus à l'étranger ?
En ce qui concerne la PMA pour les femmes en couple avec une femme et les femmes célibataires, les questionnements se tournent vers la reconnaissance conjointe anticipée, ce nouveau mode de filiation créé par la loi bioéthique et qui ne concerne que les enfants nés d'un couple de femme. Jugé stigmatisant par de nombreuses militantes en ce sens qu'il sera lisible sur l'état civil de l'enfant, ce dispositif est, aux yeux de Catherine Clavin, « moins pire que l'actuel mode de filiation par adoption, en ce sens qu'il met fin à un processus long et aléatoire, puisque l'adoption est une décision judiciaire. » Le décret d'application devra préciser si la reconnaissance conjointe anticipée sera étendu aux PMA réalisées à l'étranger. Or, assure Catherine Clavin, « les PMA à l'étranger de couples de femmes se poursuivront, à cause du délai d'attente actuel pour une PMA en France, entre un an et dix-huit mois ». « Il faudra donc veiller à ce que le décret d'application n'oublie pas ces situations là, appuie Catherine Clavin, pour ne pas que les lesbiennes s'étant rendues à l'étranger continuent de devoir passer par une décision judiciaire pour établir leur filiation avec leur enfant comme c'est actuellement le cas. »
Besoin de gamètes masculines
Enfin, Catherine Clavin comme Joëlle Belaisch-Allart pointent l'urgence de trouver des donneurs de sperme pour que les lesbiennes et les femmes célibataires puissent bénéficier de ce droit. « Les nouvelles dispositions contenues dans la loi bioéthique concernant l'accès aux origines vont peut-être créer dans un premier temps un recul des dons de sperme et ensuite, modifier le profil des donneurs », anticipe Catherine Clavin. Avec une estimation de 2 500 nouvelles demandes par an pour les nouvelles entrantes dans ce droit, la campagne de sensibilisation au don de sperme prévue en septembre par l'Agence de biomédecine semble particulièrement bienvenue.
GPA : la loi de bioéthique fait reculer le droit des familles
Retour à la case départ pour les parents ayant eu recours à une Gestation pour autrui (GPA) à l'étranger. Avec l'amendement LREM prévoyant que la reconnaissance de la filiation d’une GPA à l’étranger soit « appréciée au regard de la loi française », la loi bioéthique annule les dernières avancées en matière de filiation pour la GPA. Fin 2019, la Cour de Cassation avait reconnu un couple d'hommes comme parents d'un enfant né à l'étranger de GPA, et cet arrêt faisait désormais jurisprudence.